Fire Walk With Me

[image de couverture : source]

Amy Schumer a pris en photo une note de son iPhone où elle dit basiquement « Ô foule, suspend tes fourches » réaffirme sa gentillesse, son féminisme et son anti-racisme et supplie de s’attaquer aux vrais racistes plutôt qu’à son humour bon enfant qui fait rire les gens. La foule répond bien sûr les classiques

Au-delà de l’indigence de cette caste de brahmanes qui croient que littéralement tout le monde est une meilleure proie qu’eux et que leur production ne devrait jamais être houspillée de semblable façon que les vils réactionnaires, ça m’a fait penser à une sorte de fable.

Je ne suis pas certains des pouvoirs rhétoriques de l’analogie, mais tentons d’en écrire une.

Imaginons que le racisme soit un énorme feu de forêt qui ravage un bois millénaire. De toute évidence on trouvera des gens qui jettent de l’huile sur le feu, qui abattent des arbres pour favoriser l’expansion du feu dans une direction, en allument de nouveaux foyers ou tentent de le faire, etc. C’est ce genre de racistes « actifs » qu’Amy Schumer souhaiterait qu’on persécute plutôt que les comiques, qui n’ont pas de part dans l’incendie.

Mais dans notre analogie, que pourrait être une blague raciste ?

A mon avis, les blagues racistes sont des conséquences du racisme, plus que des causes. Elles existent, son edgy ou drôles uniquement parce qu’elles s’appuient sur des stéréotypes existant, elles s’inscrivent dans le memeplexe raciste. Si un blague commence par « un noir entre dans un bar » et ne peut pas être remplacée par « un type entre dans un bar » sans déperdition de drôlerie, c’est manifestement parce qu’elle requiert les idées reçues qu’on a sur les noirs. Mais ce ne sont pas des épiphénomènes, qui ne causeraient rien. Elles causent des choses : de la peine aux premiers visés, elles font rire à gorge déployée les racistes actifs, qui les prennent à leur compte au premier degré, elles peuvent participer à entretenir une certaine confusion.

Dans notre analogie, les blagues racistes seraient une partie de la fumée.

Pas de fumée sans feu, mais ça ne veut pas pour autant dire que la fumée cause le feu. Cependant, elle peut asphyxier, rendre difficile à évaluer l’évolution du feu, entretenir la confusion et rendre difficile les opérations des pompiers.

Que seraient les comiques faisant des blagues racistes dans notre analogie ?

Les comiques faisant des blagues racistes seraient une troupe, dos au vent sur une colline et leurs blagounettes seraient les cigarettes qu’ils enchaînent sans discontinuer. Ils produisent ainsi un énorme nuage de fumée qui vient s’ajouter à la fumée existante.

Les pompiers viennent leur dire qu’ils devraient aller aileurs, fumer ailleurs ou ne pas fumer du tout parce que le feu produit déjà assez de fumée et que là ils aident pas.

Les comiques répondent que la cigarette leur permet de se détendre, tout de même, surtout dans une période aussi stressante que celle d’être dos au vent face à un incendie de forêt. Et puis d’accord on allume nos cigarettes avec du feu et ça produit la même fumée que les incendies démarrés par les racistes actifs mais on le fait dans un contexte différent et sécurisé, ça n’affecte pas les gens négativement et ça les amuse. Et puis on est tellement bons à fumer à des clopes et fumer des clopes c’est un peu le propre de l’homme, non ?

Les pompiers tentent bien d’argumenter mais le droit de fumer est tellement inaliénable qu’ils sont bien en peine de contrecarrer cette source supplémentaire de fumée, qu’ils pensaient pourtant plus facile à convaincre que les racistes actifs. Leur recours serait, logiquement, d’exagérer la portée nocive des cigarettes en pointant par exemple que les mégots démarrent des feux de forêt et donc contribuent à l’incendie plus que secondairement. Ils en sont peut-être la cause. Les comiques auront beau pointer qu’historiquement c’était la colonisation qui avait créé le memeplexe raciste dans la construction de sa domination, mais trop tard, l’argument mord et sera réutilisé : vous êtes complices de l’incendie.

Ce n’est peut-être pas vrai au degré où on le prétend, mais d’autres discours ne parviennent pas à lutter contre la nuisance superflue qu’ils produisent.

 

 

Enfin bref, c’est ce à quoi m’a fait penser le tweet d’Amy Schumer.


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