Le Héros aux Milles Approximations

Le Héros aux Mille Approximations

par

Lays Yassin “Merlin” Farra
Version 1.1 (janvier 2015)

Environ 25’000 mots, 125’000 caractères (sans espaces), 150’000 caractères (avec espaces)

Temps de lecture approximatif : 2h15

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J’ai récemment lu Classics and Comics, dans lequel un essai “Heroes Unlimited” de Brett M. Rogers tentait  de déceler le Voyage du Héros de Campbell dans les premières histoires de Spiderman et une réadaptation moderne de son histoire. Cependant elle était très facile à deceler dans Ultimate Spiderman mais dans les premières aventures du héros pas. Les quelques décennies qui les séparent font que cette structure est devenu un supertrope usé, délité, dont ne veut plus grand monde, et accepté aujourd’hui comme un modèle pour faire des histoires facilement, plutôt qu’un vrai outil d’analyse littéraire. Simplement : on a tant parlé de ce modèle, on en a fait des guides d’écriture (The Writer’s Journey de Vogler) et on s’est tant rendu compte de son inaptitude qu’on en a fait plusieurs variantes, constamment actualisées, la version de Vogler étant probablement la plus populaire.

Et je me suis dit “forcément c’est idiot, pourquoi est-ce qu’un outil basé sur des mythes s’appliquerait aux premiers Spiderman ? C’est pas comme si ils avaient prétendus que ça s’appliquait à tout.” Je prenais donc ça pour un strawman, une caricature visant à discréditer le Voyage du Héros, et tackler du même coup les auteurs de Ultimate Spiderman pour leur manque d’imagination, puisqu’ils en suivaient les contours.

…Sauf que certains ont prétendus que ça s’appliquait à tout.

Vraiment à tout.

Je n’en ai pris conscience que quand j’ai ramassé un livre – sans rapport apparent avec le sujet, Stories that move mountains : storytelling and visual design for persuasive presentations – qui parlait de réussir ses présentations avec diapositives, et que j’ai découvert qu’ils prônaient l’usage du Voyage du Héros. Sérieusement ! Pour une putain de présentation powerpoint !

“Quand soudain, j’arrivai dans l’antre du budget, les flammes envahissaient les ténèbres des comptes…

– Charles, est-ce vraiment nécessaire ?

– Vous le voulez votre putain de soulagement de l’anima ?? Bon alors vous fermez votre claque-merde. Merde, avec tout ça je vais devoir sauter “l’apaisement avec le père”, vous êtes contents ?”

On trouve également des gens qui prétendent que le Hero’s Journey permet de devenir un bon professeur, de créer des interfaces utilisateur en informatique ou d’améliorer le système scolaire. Bref, c’est un concept qui flotte dans les limbes entre les théories respectées d’histoire des religions et la pop culture, récupéré de toutes parts, le prétendant toujours panacée, miracle éducatif ou modèle pour écrire Ultimate Spider-Man.

Certains peuvent craquer leur slip au point de s’énerver que le schéma ne soit pas respecté. En effet, si le Voyage du Héros vise à soigner des gens, à les initier inconsciemment à l’aventure, à guider leur psyché sur le chemin de la découvrte de soi, il faut que les symboles soient bien utilisés. Exemple tiré de Tv Tropes à propos de Booker, qui a repris les théories de Cambell, en ayant presque plus de succès.

Like Campbell, Booker invests a lot of symbolism in the various elements, to the point where messing up the symbolism kills the story for him (for example, he calls Star Wars flawed because they rescued the princess way before they killed the Big Bad, when ideally those should happen at the same time, since the death of the Monster causes the release of the Anima).

Booker est dans le même genre, il défend une vision Jungienne du storytelling, où les personnages et lieu sont des transsubstantations de fonctions et parts de l’esprit (anima, animus, les archétypes) que tout le monde aurait en soi.

Vous me direz, peut-être que Booker est un taré qui passait par là et que ce n’est pas du tout ce que Campbell voulait, que son modèle se voulait moins prétentieux. Premièrement, l’impact d’une théorie ne dépend que rarement de son fondateur. Ensuite, prenons un morceau de l’introduction de la réédition de 2004 :

Whether we listen with aloof amusement to the dreamlike mumbo jumbo of some red-eyed witch doctor of the Congo, or read with cultivated rapture thin translations from the sonnets of the mystic Lao-tse; now and again crack the hard nutshell of an argument of Aquinas, or catch suddenly the shining meaning of a bizarre Eskimo fain’ tale: it will be always the one, shape-shifting yet marvelously constant story that we find, together with a challengingly persistent suggestion of more remaining to be experienced than will ever be known or told.

Vous avez bien lu.

Tout.

Des pérégrination philosophique de Thomas d’Aquin, au dernier film de Joss Whedon, TOUT n’est qu’une variation de la même histoire. Je ne sais pas qui a écrit cette préface, mais il me semble que pour la réédition de Campbell des gens qui connaissent bien son travail se sont addressés à d’autres gens qui connaissent bien son travail. On ne peut pas vraiment éluder le malaise en taxant le préfaceur d’amateurisme.

Bref, cette courte préface cherchait à montrer

  1. que l’article que vous allez lire n’est pas foncièrement inutile car le Monomyth est une théorie populaire, en tout cas bien plus que la plupart des théories existant en histoire et science des religions.
  2. que ce n’est pas un homme de paille car le Monomyth est défendu dur comme fer par certains comme un modèle absolument vrai, universel, prescriptif comme descriptif, que ce soit pour écrire des histoires ou pour analyser quoi que ce soit.

Je veux bien admettre que les histoires sont importantes à la construction psychique et j’avais d’ailleurs parlé du rôle de ces psychologies qui s’appuient sur l’imaginaire, mais promouvoir un schéma universel c’est se couper d’histoires bien meilleures, et bien plus adaptés la psyché de chacun.

Je pense, et je ne peux le prouver, que la bataille entre ceux qui défendent un schéma, et ceux qui défendent l’inventivité n’est qu’une réincarnation de la vieille bataille du symbolique contre l’imaginaire.

 

Les théologiens du tout : exemples français

“Il interpréta toutes les religions du passé, tous les mystères des temples, des poëmes et des législations ; tous les efforts, toutes les tendances, tous les travaux de l’humanité antérieure. Dans les choses qui nous avaient toujours semblé mortes ou condamnées, il retrouva les éléments de la vie, et, des ténèbres de la Fable même, il fit jaillir les éclairs de la vérité. Il expliqua les mythes antiques ; il établit, dans sa démonstration lucide et ingénieuse, tous les liens, tous les points de contact des religions entre elles. Il nous montra les véritables besoins de l’humanité plus ou moins compris par les législateurs, plus ou moins réalisés par les peuples. Il reconstitua à nos yeux l’unité de la vie dans l’humanité, et l’unité de dogme dans la religion ; et de tous les matériaux épars dans le monde ancien et nouveau, il forma les bases de son monde futur. Enfin il fit disparaître les solutions de continuité qui nous avaient arrêtés si longtemps dans nos études. Il combla les abîmes de l’histoire qui nous avaient tant épouvantés. Il déroula en une seule spirale infinie ces milliers de bandelettes sacrées qui enveloppaient la momie de la science. Et quand nous eûmes compris avec la rapidité de l’éclair ce qu’il nous enseignait avec la rapidité de la foudre ; quand nous eûmes saisi l’ensemble de sa vision, et que le passé, père du présent, se dressa devant nous comme l’homme lumineux de l’Apocalypse, il s’arrêta et nous dit avec un sourire :

«Maintenant vous comprenez le passé et le présent ; ai-je besoin de vous faire connaître l’avenir ? L’Esprit saint ne brille-t-il pas devant vos yeux ? Ne voyez-vous pas que tout ce que l’homme a rêvé et désiré de sublime est possible et certain dans l’avenir, par cette seule raison que la vérité est éternelle et absolue, en dépit de la faiblesse de nos organes pour la concevoir et la posséder ? Et cependant nous la possédons tous par l’espérance et le désir : elle vit en nous, elle existe de tout temps dans l’humanité à l’état de germe qui attend la fécondation suprême. Je vous le dis en vérité, nous gravitons vers l’idéal, et cette gravitation est infinie comme l’idéal lui-même.” (George Sand, La Comtesse de Rudolstadt, “La Bonne Déesse de la Pauvreté”, 1843)

Un angle de défense de Campbell c’est de dire qu’il a revalorisé les mythes. Sauf qu’il est loin d’être le seul et que le fait de s’inspirer des mythes des autres pour y déceler quelque sagesse n’est pas quelque chose de neuf, alors regardons quelques exemples du XIXe siècle afin de confirmer la célèbre maxime de l’Ecclésiaste.

Un autre fait intéressant c’est que la revalorisation du mythe a eu lieu contre la chrétienté avant d’avoir lieu contre les laïcards athées. Avant de brandir les mythes exotiques contre le rationalisme matérialiste, on en usait pour épicer un peu le christianisme.

La Chute des Fables ou Le Retour des Mythes

Si la chrétienté a pris la sale habitude de caricaturer les croyances de ses voisins ou de ceux qu’elle se destinait à asservir, ce qui est une tendance assez universelle, il serait faux de prétendre que l’histoire des religions serait née magiquement du contact avec l’altérité : on aurait traduit trois textes asiatiques et pouf, la pensée critique serait née.

L’occident moderne a toujours connu les mythes gréco-romains, par exemple. Néanmoins, on possédait dans cette soupe de culture issue de Rome et Jérusalem, des anticorps chrétiens suffisamment puissants pour les maintenir dans un coin bien précis. On en faisait des peintures et des statues, mais on n’y croyait pas. C’étaient des fables, tellement ridicules qu’elles étaient automatiquement considérées comme inoffensives, propre au divertissement, quand bien même les anciens bobets y ajoutaient créance :

On nous a si fort accoutumés pendant notre enfance aux fables des Grecs, que quand nous sommes en état de raisonner, nous ne nous avisons plus de les trouver aussi étonnantes qu’elles le sont. Mais si l’on vient à se défaire des yeux de l’habitude, il ne se peut qu’on ne soit épouvanté de voir toute l’ancienne histoire d’un peuple, qui n’est qu’un amas de chimères, de rêveries et d’absurdités. Serait-il possible qu’on eût donné tout cela pour vrai ? à quel dessein nous l’aurait-on donné pour faux? quel aurait été cet amour des hommes pour des faussetés manifestes et ridicules, et pourquoi ne durerait-il plus? car les fables des Grecs n’étaient pas comme nos romans qu’on nous donne pour ce qu’ils sont, et non pas pour des histoires ; il n’y a point d’autres histoires anciennes que les fables. Éclaircissons, s’il se peut, cette matière ; étudions l’esprit humain dans une de ses plus étranges productions : c’est là bien souvent qu’il se donne le mieux à connaître.

Ils s’en repaissaient parce qu’ils y ajoutaient foi ; et nous nous en repaissons avec autant de plaisir sans y croire (Fontenelle, De l’origine des Fables)

Fontenelle cherchait à montrer que le surnaturel n’était qu’une mauvaise interprétation du monde, un contact inexpliqué avec le singulier, puis exagéré à travers le temps, théorie fructueuse en histoire des religions que de considérer le religieux comme le fruit d’un raisonnement erroné (Frazer, Taylor, Levi-Bruhl).

A travers le surnaturel en général, Fontenelle attaque évidemment le christianisme et les récits bibliques. Et à l’opposé de l’approche matérialiste ou rationaliste, qui visera à dépecer le religieux et le démystifier, un mouvement de revalorisation des symboles religieux se met en place.

On passe de la fable profane et inoffensive, au mythe, sacré, et porteur de sens.

Cela est lié, Michel Despland le rappelle, à la conception romantique du langage, chez Rousseau ou Vico. L’homme primitif de Rousseau chante et versifie naturellement. Le langage n’est pas encore dialectique, rhétorique, division, classification, il est encore pétri d’images et de symboles, il n’a pas encore subi cette dissociation terrible. La forme et le fond sont encore en parfaite adéquation.

Les Symbolo-généralistes

“La science des religions a tué le libertinage. A l’irrévérence pour le culte a succédé son interprétation.” (Proudhon)

Plusieurs postures vis-à-vis des symboles se mettent alors en place à une cadence accrue pendant la monarchie de Juillet.

La première est importée toute fraîche d’Allemagne. Elle vient de Herder, affirmant que les symboles des mythes pointent vers une vérité transcendante, comme Hegel le disait, le symbole affirme, en religion, ce que le concept énonce clairement en philosophie. Victor Cousin importe ce paradigme en France dès son retour d’Allemagne en 1824 (ou 25 ?).

Toute vérité, c’est-à-dire ici, tous les rapports de l’homme et du monde à Dieu sont déposés, je le crois, dans les symboles sacrés de la religion. (Cours de Philosophie, 1828)

Dieu est le symbole des symboles, dirait Jung. Campbell le citera d’ailleurs :

« The incomparably useful function of the dogmatic symbol [is that] it protects a person from a direct experience of God as long as he does not mischievously expose himself. But if… he leaves home and family, lives too long alone, and gazes too deeply into the dark mirror, then the awful event of the meeting may befall him. Yet even then the traditional symbol, come to full flower through the centuries, may operate like a healing draught and divert the fatal incursion of the living godhead into the hallowed spaces of the church. » (Jung, The Integration of the Personality [New York, VJ39], p.59)

Le symbole est ici un rempart contre la puissance conceptuelle et psychique du Divin, qui peut détruire qui le contemple.

Pour Michel Despland, Eliade répand la théorie du symbole pointant vers la transcendance :

La pensée symbolique est propre et consubstantielle à l’être humain, précédant le langage et la raison discursive. [Le symbole introduit l’humain] dans un monde spirituel plus riche que celu du moment historique où il vit. […] Le symbole renvoie à cette partie anhistorique de tout être humain qui garde l’empreinte du souvenir d’un état primordial, paradisiaque, celui d’une existence plus riche, plus complète, presque béatifique.» (Images et Symboles, 1953)

On peut discuter de ce classement d’Eliade. Il est en tout cas certain que sa pensée ne peut se réduire à ça.

Dans la période considérée, prenez Pierre Leroux (1797-1871), par exemple. Ce personnage considère la Révolution Française comme une religion en germe (Aux politiques, 1832) dont la lumière traversera le monde, aidée de la redécouverte du génie antique oriental.

Nous ne sommes les fils ni de Jésus ni de Moïse : nous sommes les fils de l’humanité. Les hommes d’aujourd’hui sont les boutons de l’arbre qui a traversé tous les siècles; et la sève qui les anime et qui les fait vivre et fleurir coule pour eux de toutes ses racines. (“De l’influence philosophique des études orientales”, Revue Encyclopédique 154, mars 1832)

Il sort une Revue Encyclopédique (dès 1830) puis une Encyclopédie Nouvelle (collaboration avec Jean Reynaud), dans lesquelles il distille cette idéologie faite “d’enthousiasme politique et [de] vision religieuse”.

Il considère la laïcité comme un pis-aller. La première fonction d’une religion c’est “d’avoir une tradition et d’expliquer l’humanité à elle-même”. Il ne peut y avoir séparation du religieux et du temporel, et toute concurrence entre les deux est nuisible. Saint-simoniste héritier des cultes rationalistes ou déistes émergeant de la Révolution Française (e.g. Être Suprême) et à travers eux de Rousseau et de sa thèse de la religion civile. Il écrit un article “Culte” en 1843 (Réimprimé ensuite sous le titre D’une religion nationale, ou du culte en 1846.). Son but ? Créer une religion “sans théocratie” pour achever le projet de liberté, égalité et fraternité de la Révolution Française.

Sans s’étendre sur la religion civile ou la nécessité d’une religion d’état en France (c’était le sujet d’un mémoire de ma part) on peut citer par exemple M.-E. Petit à la Convention, le 1er octobre 1793 :

“Si vous ne vous chargez pas de donner vous-mêmes des idées religieuses à vos enfants, si, par crainte des fanatiques, les lois ne leur donnent pas une religion, je vous atteste qu’ils deviendront tous fanatiques et superstitieux… Non, nous ne pouvons pas mettre d’un côté l’instruction républicaine et de l’autre l’instruction religieuse ; il faut donc réunir ces deux instructions dans l’instruction publique. Cette réunion ne me semble pas si difficile qu’on semble le croire ; j’en trouve le principe dans l’idée d’un dieu commune à toute les religions… Enseignons un seul Dieu dans nos écoles publiques ; établissons de fait la tolérance civile et religieuse…”

Ou par exemple l’approche de la laïcité en Turquie : pour éviter de laisser champ libre aux salafistes et autres rigoristes, on dispense un enseignement de l’islam modéré à l’école. Leroux accuse : c’est à cause de cet “athéisme social” que la France se traîne une “queue de catholicisme” (art. “Culte”, Encyclopédie Nouvelle.)

Leroux reste persuadé de la valeur du christianisme :

“Né au milieu de toutes les lumières concentrées de l’Orient, de la Grèce et de Rome [le christianisme a] vaincu toutes ces lumières, ou plutôt, il s’est servi de toutes ces lumières pour vaincre.”

“Ses mythes et ses symboles” ont été justement critiqués puis pulvérisés; les philosophes ont ainsi “détruit pour un temps la religion.” (Ibid., p.290)

…Mais sans détruire son message plus profond, concocté à travers la chaine des siècles : l’idée de l’unité et de l’infinité de Dieu, révélation métaphysique qu’on trouve, dit-il, en Inde, en Grèce, en Egypte. Il faut désormais

“Contrôler la tradition du christianisme par la tradition de la philosophie, profiter pour nous éclairer de leur combat, démêler dans l’une et dans l’autre la partie vraie et la faire revivre dans notre conscience mais repousser énergiquement la partie fausse et périssable, tel est notre devoir.” (Dans l’article “christianisme”, cité par Despland (p.291).)

“Nous cherchons I’unité, et nous démontrons la possibilité de l’établir. A quoi tient-il en effet que l’unité ne s’établisse? A ce qu’on n’a pas compris encore qu’il fût possible de concilier I’autorité et la liberté, d’avoir un culte national sans despotisme religieux, une société complète où l’homme fût complet. Nous essayons de résoudre ce problème ; et, au moyen ,de distinctions claires ,« fondées sur la nature , et qui, suivant nous, s’établiront tôt ou tard dans l’esprit humain , nous démontrons que l’antinomie de l’individu et de la société peut cesser d’exister; qu’il n’y a pas une dualité invincible entre les droits de l’homme et les droits de la société; que , loin de là, l’individu ne trouvera réellement la liberté religieuse qu’au sein d’une société organisée religieusement. Certes, c’est aimer l’unité que de travailler ainsi à l’établir; et c’est, pour ainsi dire, l’établir déjà, au moins c’est la constituer virtuellement, que de la démontrer possible. Nous ressemblons à un mécanicien dessinant une machine qui n’est pas encore exécutée, mais qui peut l’être. Or ce qui est une fois démontré possible s’exécute tôt ou tard ; car si les hommes ne réalisent pas le bien, c’est qu’ils ne le croient pas possible.” (D’une religion nationale, ou du culte, avant-propos, 1846.)

Ainsi, la religion permettrait de souder une société sans recourir à l’autorité. Loin de se retirer au couvent, ces théologiens du tout parlent plus de le transformer que de l’analyser, utopistes et socialistes.

Bref, passons sur ce projet politique, c’était la première optique : le symbole est un pont vers Dieu. Les redécouvrir, dans les autres traditions, où ils n’ont pas été tordus par les philosophes et les théologiens, c’est raviver notre lien à la divinité, puisqu’elle en est la source.

La deuxième vient de Benjamin Constant quoi qu’il n’use jamais du terme «symbole». Elle semble très similaire au premier abord — mais au fond les trois le sont — et diffère subtilement. En fait d’une sagesse universelle sur l’existence (Dieu), les mythes marqueraient la multiplicité des manifestations de l’esprit humain. Un mythe aurait un sens, mais uniquement dans une époque et un contexte donné, son sens ne le dépasserait pas. Quinet s’inscrit dans cette mouvance.

Edgar Quinet (1803-1875), qui avait été recruté pour écrire l’article “Epopée” (Il y déploie les thèses de Rousseau et de Vico sur le langage originel mythique, alliant fond et forme, etc.) de l’Encyclopédie Nouvelle, est plutôt de cette école :  Il y a des symboles à décrypter, mais ce qu’ils révèlent, surtout, c’est les contraintes et les conditions de l’époque qui les a engendrés.

Il ne considère peut-être pas explicitement qu’une religion d’état est nécessaire, mais la Révolution est pour lui bien chrétienne. Le christianisme serait l’histoire du développement de la liberté, à travers la réforme jusqu’à la Révolution Française, qui conclut son cours publié en 1845, logiquement intitulé Le Christianisme et la Révolution Française. (Despland, pp.302-303.)

La troisième est une entreprise de désymbolisation. Le symbole serait le germe d’une idée. Les mythes seraient des vasques de transit qui écloraient une fois leur heure venue, et il n’appartient qu’au chercheur de décrypter les mythologies pour y trouver le sens, qui échappait jusqu’alors à leurs porteurs.

Jules Michelet (1798-1874), bien connu pour le tour nationaliste qu’il donnera à l’histoire de France (…Et la garnison de ses ouvrages qui monte la garde chaque nuit au chevet d’Eric Zemmour) s’inscrit dans la troisième école : comme Jung il pense que le symbole masque quelque chose, mais non pour protéger : il faut les décrypter. C’est donc une entreprise de désymbolisation. Il faut rendre intelligible, le symbole ne servant à rien.

L’obstacle à Dieu, ce sont les dieux. Pour rester libre de ceux-ci et maître de soi, il faut les regarder de près sur leur autel, toucher, pénetrer, fouiller. Ouvrez sans crainte ces idoles, ne vous en faîtes scrupules ; vous ne les tuerez pas si ce sont des immortels. (Histoire de la Révolution, I, p. 609)

En outre, la Révolution Française ne vient pas pour lui du christianisme mais s’y oppose résolument, elle est une idée neuve de la liberté. Michelet est un producteur de symboles. On sait la relecture à succès qu’il fit de Jeanne d’Arc, on connait moins ses tentatives de prime abord infructueuses : la sorcière en hérétique courageuse, les piques contre les égyptologues qui dans leurs momies et leurs rébus n’ont pas trouvé “l’âme” de l’égypte… (Despland, p. 296.)

Ces perspectives se rejoignent sur de nombreux fronts, bien sûr, il écrira ainsi avec Quinet contre les Jésuites (1843) que tous deux identifient pour ce qu’il ne faut absolument pas faire : la rigidité, le fanatisme, l’autoritarisme.

Ces trois écoles se rejoignent en ce que les symboles sont porteurs d’un sens important. Il ne faut pas juste forjeter les fables et les mythes, on peut en tirer quelque chose. Mais est-ce un langage mythique complet en lui-même et pointant vers l’absolu ; quelque chose de propre à chaque civilisation, à remettre en contexte, ou quelque chose qu’il faut décrypter et expliciter ? C’est important.

Elles se rejoignent également dans ce que cette ouverture aux religions du monde soutient un universalisme républicain à visée hégémonique. Ces croyances permettraient l’unité de l’humanité, aboliraient les divisions de caste, de peuple, de race, pour unir tout le monde derrière l’étendard de la raison issue de la Révolution.

A propos de Michelet : “De la révolution sort la seule légende qui soit commune à tous : l’humanité est sa propre oeuvre son propre droit.” (Despland, p. 297)

Sur les leçons données par Quinet : “Le glaive de Napoléon a remué tous les peuples” causant leur “unité morale” (Ibid., p.298)

Et Campbell ?

Le fait est qu’il existe beaucoup de manières de décrire la réalité, et encore plus de le faire de façon fausse. Détective Conan est sans doute naïf d’affirmer qu’il n’y a qu’une seule vérité, mais l’erreur a de bien plus multiples visages.

Parlant de la Première Guerre Mondiale, je pourrais l’expliquer par l’émergence d’un nationalisme prussien, par le jeu des alliances, par les intérêts des marchands de canon, qui seraient des interprétations sous divers angles, se recoupant.

Mais je pourrais aussi dire que cette guerre s’est déroulée de 1560 à 1596, qu’elle impliquait principalement l’Australie et le Paraguay, que la bataille de Verdun eut lieu dans la fosse des Mariannes ou encore que la guerre entière a été combattue par des hommes-grenouilles. Il n’y a pas qu’une seule vérité mais il y a beaucoup moins de vérités que de bêtises.

Donc avant cette parenthèse relativiste, nous décrivions trois écoles d’interprétation du symbole mythique.

(1) Le symbole pointe vers la vérité ultime

(2) Le symbole révèle un message donné dans une culture donnée

(3) Le symbole doit être décrypté pour faire sens

Campbell tient à mon avis des trois écoles, même s’il n’hérite directement d’aucune (même en restant aussi schématique que je l’ai été dans la généalogie de ces idées, je doute qu’on puisse tirer un trait de lui à Herder ou à Constant).

Il considère bien qu’il y a une vérité ultime derrière tout cela (1), il pense effectivement que les mythes sont des déformations particulières du Monomyth qui dépendent de la diversité des cultures et des gens (2) et sa vision Freudienne/Jungienne le pousse à décrypter ces symboles (3) et à dévoiler leur vraie nature : des conflits psychologiques internes.

Ce qui le rapproche des penseurs évoqués, surtout, c’est qu’il s’inscrit dans un mouvement de revalorisation du religieux, face à un mouvement de sécularisation, de désenchantement et de dévalorisation de plus en plus fort.

Contrairement à Quinet, Michelet ou Leroux, qui sont des penseurs de bureau qui se basent sur des traductions, Eliade et Campbell ont étudié les langues orientales. (Eliade lisait le sanskrit, a voyagé plusieurs années en Inde, Campbell l’a étudié dans les années 20 à Paris.) En effet, les collègues desdits français concernés par les traductions sont bien conscients qu’il existe une littérature vivante dans ces langues, cependant, ils ne s’occupent pas de religion, et cette compartimentation rend possible l’instrumentalisation des “religions tombées” d’autant plus que cela ôte les mythes de leur contexte culturel plus large.

Mais, direz-vous, si étudier ces langues enlèverait ce biais occidental, comment se fait-il qu’Eliade et Campbell persistent à imposer leur modèle sur ces croyances antiques ? D’abord, étudier les langues permet d’éviter certaines interprétations hâtives, mais ça n’empêche pas les approches bêtes : Max Müller a bien dit que la mythologie était une “maladie du langage” et que les mythes n’étaient que des sortes de calembours cosmiques mnémotechniques, figurant des évènements astrologiques.

Nos trois symbolo-généralistes français, marqués par Saint-Simon, voulaient plus ou moins un culte mené par l’Etat, dicté d’en haut, unifiant le peuple dans une vénération commune. Bien sûr, tous ceux qui ont vanté les vertus du symbole n’avaient pas de tels désirs, il s’agit peut-être de la tendance française à utiliser tout ce qu’ils trouvent pour conquérir le monde, mais ça ne me semble pas anodin qu’en 1850 on voit dans les mythes une source de sagesse universelle qui permettrait un culte global et fédérateur pour l’humanité, quand en 1950 le paradigme semble devenu plus individualiste, quiétiste. Les symboles ont une vertu thérapeutique, sont à puiser dans le monde entier, mais ils ne s’inscrivent plus dans une démarche politique pour unir la foule. Que s’est-il passé entre deux ?

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Oh. Oui. Effectivement.

Il  y a eu des mouvements anti-démocratiques, voulant fédérer les hommes par la commémoration de symboles communs, dans un même but, et souvent avec violence contre les anciennes structures religieuses. Parfois ce furent des symboles religieux (faire la part de ce qu’on doit au Nazis en histoire des religions serait un travail amusant, ainsi les procès contre les sorcières menés par l’Inquisition, déterrés par les Nazis pour salir le christianisme, quoique je crains qu’il s’agisse d’une légende urbaine) parfois ils n’en eurent que la couleur (eschatologie marxiste, symbolique fasciste de l’empire romain).

Aujourd’hui, la notion de fascisme n’a plus forcément le même sens, n’importe qui d’un peu réac se fait traiter de facho ou de faf. Mais quand bien même on ne serait pas d’accord pour définir le fascisme comme un mouvement de fédération autour de symboles nationaux, une volonté d’investissement de tous les domaines de la vie (totalitaire) et d’une conquête du pouvoir politique par la violence, on peut en tout cas cerner ces régimes politiques avec la notion de religion politique (ou de totalitarisme mais c’est déjà plus chaud).

Je ne suis pas en train de dire que tous ceux qui considèrent les symboles mythiques porteurs de sens ont un projet politique visant à asservir l’humanité, cependant, il me semble significateur qu’on passe d’hommes des lumières, voire franc-maçons, persuadés que la raison doit organiser le monde pour l’améliorer, aidée des symboles (Herder était même illuminati) à des pensées foncièrement dépolitisées.

Bien sûr il serait idiot de mettre dans le même bain qui veut prolonger le travail de la Révolution Française et accomplir le règne de la raison, s’aidant seulement des symboles, et ceux qui s’opposent résolument aux Lumières et à la raison. Mais ceux-ci émergent en réaction à ceux-là. Ce ne sont pas les seuls, direz-vous : les contre-révolutionnaires réactionnaires comme les romantiques s’y opposent aussi, certes.

Le projet politique moderne ne fait pas rêver : individualisme politique, démocratie parlementaire, le capitalisme, qui dissolvent les modes de pensée et d’être traditionnels, qui désenchantent encore plus le monde. Si vous êtes critiques de  cet universalisme, vous allez trouver des pierres d’achoppement avec des mouvements fascisants qui pleurent leur gloire perdue et appellent de leur voeux une résurrection du peuple autour de ses mythes. A plus forte raison, Eliade en a soutenu un :

Mais de récentes recherches (par Alexandra Laignel-Lavastine et de Daniel Dubuisson) montrent qu’Eliade a aussi cédé aux sirènes à la mode dans sa jeunesse, en devenant l’un des chefs de file de la « Jeune Génération roumaine » (un mouvement nationaliste) en 1927. À cette époque, ses articles dans la revue Vremea et le quotidien Cuvântul ont contribué à donner une assise philosophique au « Mouvement Légionnaire » (Garde de fer) de Codreanu. On le voit alors ennemi des Lumières, des francs-maçons, du bolchévisme, de la démocratie parlementaire (instaurée en Roumanie en 1921), influences considérées comme « d’importation étrangère », et partisan de « l’insurrection ethnique » de la majorité roumaine (globalement moins instruite) contre les minorités locales et « l’invasion juive ». (Wikipédia:Mircea Eliade[fr])

Au-delà du débat Heidegger habituel (“Le travail de ce mec est indispensable à la discipline mais en fait c’est un salaud.”) je m’attends à me prendre une volée de bois vert de la part des fanboys d’Eliade. Je les entends déjà : “alors si on n’est pas d’accord avec la raison raisonnante cartésio-kantienne universaliste, on est un fasciste, c’est ça ? Tous les religieux sont des fascistes ? C’est bien un raisonnement de franc-maçon, ça !

Non, les religieux font ce qu’ils veulent.

Par contre, les historiens des religions sans rigueur intellectuelle, qui s’appliquent dans leur bureau à mille lieux du monde à un bricolage mythique pour ressentir un frisson religieux devraient cesser de se faire passer pour plus qu’ils ne sont : des théologiens désordonnés.

Peu importe l’effort qu’ils font pour rendre leur prose ineffable, l’étude des religions n’est pas une religion, et elle ne peut pas bénéficier de la sympathie et de la distance que ses objets d’étude ont.

Après la deuxième guerre mondiale et la déliquescence des gouvernements fascisants, l’hégémonie de la démocratie parlementaire ne sembla pas pouvoir être arrêtée. Qu’est-ce que vous voulez d’autre ? Une dictature ? Une monarchie ? Je vous en prie.

L’échec des religions politiques semblait ôter toute possibilité d’organisation du monde fondée sur autre chose qu’un pragmatisme rationnel, et les mythologues qui suivront, s’ils plongent dans l’universel, font tout pour qu’on ne puisse pas le réduire par la raison,     qu’il ne devienne pas un outil de plus dans la panoplie gouvernementale.

Du moins, vu de loin, ça y ressemble beaucoup.

Le Nouvel Ancien Testament

En 1980, Claude Lévi-Strauss demande des crédits pour une éthnologie d’urgence, destinée à preserver en mémoire sinon en fait, le patrimoine, souvent oral, de peuples menacés. Au XIXe, quand Quinet, Michelet ou Leroux cambriolent les religions de l’orient, ces «peuples premiers» sont très peu connus, et par conséquent, pas tous autant menacés. Mais déjà les théologiens du tout ont des airs de nécromanciens, Quinet prétendant que

il est permis sans danger de rendre justice aux religions tombées, d’en relever l’esprit, de les consulter comme l’Ancien Testament du monde profane, véritables préprations pour se rapprocher de la loi nouvelle. (Le Génie des Religions, 1841)

Religions tombées. Pense-t-il vraiment que l’hindouisme et le zoroastrisme sont morts, qu’ils ne sont plus pratiqués ?

L’occident se fatiguait de son héritage gréco-romain et l’ancien testament lui même encombre, alors il fallait un nouvel Ancien Testament.

Ils ont si peu d’intérêt pour la pratique et l’existence concrète de ces religions qu’ils les traitent comme des choses du passé, comme ils traitent les mythes grecs comme plus de fables à ajouter à leur bibliothèque pour leur agrément, comme des munitions de sagesse à glisser dans le barillet de la Révolution et de la Gnose Positive Rationnelle, comme des totems dont on jalonne l’histoire de France.

Campbell a rajouté le savoir sur les aborigènes d’Australie ou les Navajo qu’on a accumulé entretemps, mais il est clair et net que leur vie et leur culture, per se, ne l’intéressent pas. Ainsi le titre de la série de livres de Campbell « The Masks of God » me semble tristement révélateur. On se fout de la religion de ces fichus primitifs, on ne veut de leur pensée que pour l’arracher et démasquer derrière quelque chose de plus grand et de plus élevé, dénommé ici Dieu.

Ce qui est très intéressant, c’est que Campbell illustre l’étape du ventre de la Baleine avec une image de la Biblia Pauperum [German edition, 1471, Edition of the Weimar Gesellschaft der Bibliophilen, 1906.] qui mettait en parallèle divers épisodes bibliques : notamment la mise au tombeau de Jésus/le puits de Joseph/la baleine de Jonas, pour tenter de démontrer que l’histoire de Jésus était préfigurée dans l’Ancien Testament. Ca montre bien un des problèmes du christianisme : à moins de vouloir sombrer dans le marcionisme, on doit bien lier ancienne et nouvelle révélation, qui ont pourtant plein de points de friction.

Et un jour, l’athéisme mystique fut à la mode, alors il fut décidé que plutôt que de lier ancien et nouveau testament, désormais ringards, on lierait toutes les histoires du monde.

Histoire des religions et comparatisme universel

Ce qui me gêne beaucoup c’est que les théologiens du tout n’étudient pas les religions pour mieux les connaître, ou parler d’elles, non, elles ne sont que des doses d’exotisme à ajouter à leur religion. Ils font du shopping plus qu’ils explicitent. Ils font ça pour eux, leur théorie étant une machine à miner du matériau pour leur pratique religieuse, cherchant à prouver à tout le monde que leur contact avec le sacré se trouve décalqué partout.

Eliade, Campbell, von Otto : des mystiques. Tous arrivent dans une période qui montre la laïcisation rapide des institutions. On connait la thèse de Weber sur le désenchantement du monde et ceux-ci semblent y souscrire : nous avons perdu, dans notre quête de la rationalité, notre lien essentiel au sacré/à Dieu/au mythique. Il suffit de lire Le Sacré et le Profane : Eliade veut nous faire verser une larme sur le pauvre homme moderne privé de religion, qui vit tristement une existence insensée… Et Campbell, pareil : l’homme moderne n’a plus de rites d’initiation, il ne dispose plus de cette technologie sociale pour équilibrer sa psyché, il a besoin de la sagesse des mythes ancestraux pour que, à travers le voyage du héros, l’esprit du lecteur transcende ses limites.

There can be no doubt that no matter how unilluminated the stark-naked Australian savages may seem to us, their symbolical ceremonials represent a survival into modern times of an inceredibly olf system of spiritual instruction, the far-flung evidences of which are to be found not only in all the lands and islands bordering the Indian Ocean but alos among the remains of the archaic centers of what we tend to regard as our own very special brand of civilization. (p. 130)

Pourquoi cet accent porté au transcendant, au mystique, quand par définition c’est ce dont on ne peut pas parler ?

Justement, parce qu’on ne peut pas en parler.

Ces théories sont des réactions à la sécularisation, dans un sens. On arrive dans une période de dévalorisation du religieux, vu comme une supercherie ou une vision erronée du monde. On le débusque. On montre l’inefficacité des rituels. En accentuant l’aspect mystique, transcendant, ineffable, inexprimable du religieux, Otto ou Eliade le mettent sur une étagère hors de portée du laïcard moyen.

Plutôt que de prétendre que Dieu existe, que le rituel x ou y est efficace, on va simplement dire que le contact avec la transcendance parachèverait l’esprit de l’homme, et plutôt que de parler de la réalité des entités invoquées, on souligne le bénéfice psychologique de l’expérience religieuse pour l’homme que ce soit par le contact avec le sacré dans les hiérophanies chez Eliade, le contact avec le Numineux indescriptible chez Otto ou en suivant les étapes inspirantes du monomyth campbellien, l’homme a besoin d’un apport extérieur irrationnel.

Et nul ne peut nier une expérience interne.

Toutes ces théories sont bancales, et elles doivent toutes trouver un endroit où se réfugier en cas de critique.  C’est la stratégie Motte-and-Bailey, évoquée par Scott Alexander image issue d’un type de fortification médiévale et qui vient de ce papier.

En gros, il s’agit d’avoir une enclave agricole relativement dure à défendre, et d’avoir un donjon dans lequel se réfugier en cas d’attaque. Le donjon ne fait pas de bouffe mais il est imprenable, et la terre est dure à défendre, mais les assaillants finissent par se lasser. Rhétoriquement, il s’agit de faire le va-et-vient entre des propositions très dures à défendre mais cruciales et des propositions inoffensives mais impossible à contredire.

“By this metaphor, statements like “God is an extremely powerful supernatural being who punishes my enemies” or “The Sky Ox theory and the nuclear furnace theory are equally legitimate” or “Men should not be allowed to participate in discussions about gender” are the bailey – not defensible at all, but if you can manage to hold them you’ve got it made.

Statements like “God is just the order and love in the universe” and “No one perceives reality perfectly directly” and “Men should not interject into safe spaces for women” are the motte – extremely defensible, but useless.

As long as nobody’s challenging you, you spend time in the bailey reaping the rewards of occupying such useful territory. As soon as someone challenges you, you retreat to the impregnable motte and glare at them until they get annoyed and go away. Then you go back to the bailey.” (Social Justice And Words Words Words)

Chez Campbell, la “motte” imprenable seraient par exemple le fait que tous les mythes du monde sont connectés. Le Bailey prolifique seraient par contre chacune des 17 étapes et les affiliations freudiennes avec les figures maternelles et paternelles. Très dures à défendre, mais à chaque fois que vous tenterez de l’attaquer vous entendrez presque Campbell vous dire “Mais ce sont des mythes ! C’est important ! C’est signifiant ! Unicité psychique de l’humanité !” et ça vous pouvez très difficilement l’attaquer.

Or de multiples religions n’ont pas cette facette mystique et ne sont que des dispositifs mythico-rituels. S’imaginer que tout le monde recherche ce « contact avec le sacré » c’est projeter notre paradigme européen où la religion est devenu une affaire personnelle. C’est d’ailleurs un des problèmes du terme de religion, chez nous il semble principalement une affaire de croyance, ailleurs c’en sera une de pratique.

Quand dans un groupe donné, le shaman va dans le monde des esprits, il a probablement une expérience mi-partie mystique, certes, et mi-partie théatrale, avec toute l’ambiguité que la notion de sincérité comporte. Quand bien même il serait sincèrement en extase, cela signifie que tous les autres participants de la cérémonie ne sont religieux que par procuration ?

Il y a deux types d’historiens des religions. Ceux qui s’attaquent à un domaine précis et l’étudient dans ses modalités concrètes, et ceux qui veulent s’attaquer à la RELIGION en général, et balancent des théories générales dessus.

Du coup, forcément, ces derniers disent beaucoup de conneries.

Et ont beaucoup de succès.

Et des élèves.

Max Müller, Frazer, Taylor, Eliade, Otto, sont tous théoriciens du phénomène religieux en général et fondent à ce titre autant de paradigmes. Pas étonnant dès lors qu’ils aient plus d’influence que le chercheur particulier, qui s’attaque uniquement à l’étude du sacrifice en grèce entre le VIIe et le Ve s. av. J.C.  tout simplement parce que leurs théories contiennent des affirmations sur tous les domaines religieux. Forcément c’est plus facile d’y trouver une résonance, et pas besoin de connaître ses déclinaisons grecques, c’est pratique.

Après les deux postures peuvent être combinées. Lévi-Strauss avait des théories générales, et insistait constamment sur la nécessité d’expliquer des cultures à l’aide de concepts indigènes au maximum, et d’éviter de plaquer les nôtres dessus. Quand on désigne les Asuras hindoux comme étant des « démons » on use d’un terme fortement connoté, alors que les asuras ne sont que les antagonistes de devas, ils n’en sont pas les ennemis intrinsèques : certains gagnent des faveurs de vishnus à force d’ascèse, alors qu’on imagine mal Belzebuth touché par la grâce divine.

Bref, s’attaquer à LA RELIGION comme catégorie concrète mène à de nombreux malentendus, surtout quand on met sur le même plan des expériences de religieux actuels, des textes religieux vieux de plusieurs millénaires, des découvertes archéologiques sur des rituels antiques, des compte-rendus ethnographiques à l’objectivité douteuse (e.g. écrits par des colonisateurs il y a 150 ans). Ainsi l’exemple du roi de Quilacare, piqué à Frazer par Campbell est aujourd’hui simplement regardé comme faux. Tout ce qu’il bâtit dessus est à jeter.[On peut rajouter les récits de sacrifices humains qui impliquent des martyrs chrétiens et qui semblaient être là pour démontrer à quel point les païens étaient des méchants. A ce sujet voir Le Sacrifice Humain, une affaire des autres] Il y en a beaucoup qui ne peuvent simplement pas être acceptés pour l’argent comptant qu’il prétend.

L’aspect handicapant de leur tendance globalisante peut s’illustrer du fait que sur la fin de leur vie, certains se lançaient dans une grande entreprise encyclopédique de la mort, genre le Historical Atlas of World Mythology de Campbell ou l’Encyclopaedia of Religion de Eliade. En plein milieu de la rédaction, ils mourraient, on bâclait le truc, et le temps que ça paraisse c’était déjà dépassé. Eliade est mort en 1986, l’encyclopédie parut en 1987 ; Campbell meurt en 1987 n’ayant écrit qu’un tome et demi de son Historical Atlas of World Mythology.

Ca prend simplement trop de temps de faire quelque chose qui explique tout. Et ça ne sert à rien.

Bon, ils ont toujours des fanboys, mais le reste de la discipline a évolué. On a profité de leur mort pour faire des bilans. On leur reconnaît des bons points, une importance dans l’évolution de certains champs, mais ils ont été vite dépassés, que ça soit par la nouvelle matière qui contredit la théorie, ou simplement le raffinement des théories particulières.

Expliciter la religion ce serait lui ôter son pouvoir, en donnant ses causes on enlèverait toute possibilité d’un sens supplémentaire. Un freudien pur et dur verra la religion comme un simple complexe mal placé, un effet secondaire d’un esprit dysfonctionnel. Dans ce paradigme elle n’aurait aucun intérêt, et le fait est qu’avec le temps, un nombre de plus en plus grands de gens s’enorgueillissent de délaisser la pensée mythique pour la raison raisonnante. Que faire dès lors, quand ceux-ci tiennent la rampe de l’analyse des religions, surtout Frazer ?

Il y a un peu plus, je vous le mets quand même ?

Et bien sûr, les Théologiens du Tout ont tendance à réifier leurs trouvailles et à leur donner une vie et une réalité qu’elles n’avaient pas avant qu’ils prennent la plume. Ils finissent par créer des mythes et des symboles. Ainsi Frazer, et son fameux Rex Nemorensis. Le Roi Sacrifié n’a pas été une réalité si répandue qu’il l’a cru.

Les mythes tendent à varier et se contredire, surtout dans des cultures orales. Les compiler à un instant T et choisir la version X qu’on tient de l’interlocuteur Y, l’affirmant supérieure aux autres, c’est déjà une méthodologie douteuse. Sans compter tout ce qu’on ne connait pas, il y aura toujours une fraction de récits qui n’entreront pas dans l’analyse.

La plupart des récits de sacrifices humains dont Frazer fait état sont ainsi fortement biaisés (récit de martyre chrétien sur le Danube) ou tiennent simplement de l’affabulation coloniale (Roi de Quilacare). Au final, il a plus créé un mythe qu’il l’a décelé. Michelet est fort connu pour cela, lui qui a ravivé ou créé nombre de «mythes nationaux», faisant d’une figure une icône.

Pareil pour Campbell : le Monomyth n’a pas de pertinence dans la vie d’un hindou ou d’un aborigène d’australie. Il ne signifie rien. Il ne peut être confectionné qu’après des raisonnements douteux et qui se basent sur une psychologie que beaucoup de défenseurs de Campbell réfuteraient. Mais une fois que le modèle est là, difficile de se départir de son charme. Beaucoup de gens désavoueront les méthodes de Michelet, mais pourront-ils imaginer Jeanne d’Arc autrement qu’au sein du romain national français ?

On prend des mythes, on les analyse et à la sortie, qu’on les compte : il y en a un peu plus.

On nous l’a mis quand même.

Et le chercheur, chargé d’analyser des mythes se retrouve à en produire.

Bref, la discipline a évolué, et les théologiens du tout ne sont plus tant surestimés. Mais leurs primes oeuvres tiennent bon, surtout chez ceux qui n’ont pas suivi les débats.

Et le Monomyth est du nombre.

Qu’est-ce que le Monomyth ?

Le monomyth est un schéma de 17 étapes que Joseph Cambell a prétendu fondamental dans The Hero With A Thousand Faces (1954), arguant presque que tous les mythes n’étaient qu’un masque pour celui-ci. Il tient le terme de James Joyce, mais je doute que ce soit important ici.

Sa théorie fut suivie et étendue par des gens comme Booker (The Seven Basic Plots) et Vogler, qui, en 1997 écrira The Writer’s Journey, un mémo de 7 pages suivant Campbell pour écrire des blockbusters hollywoodiens au poil. Vogler a eu mille fois plus d’influence, récemment, que Campbell, et son schéma en diffère, on en parlera plus bas.

Campbell reprend les travaux de Van Gennep sur les rites de passage et considère donc trois étapes majeures à son schéma : Départ, Initiation et Retour.

Et 17 en tout.

Départ/Séparation

  1. L’appel à l’aventure
  2. Le refus de l’appel
  3. L’auxiliaire surnaturel
  4. Franchissement de la première frontière
  5. Le Ventre de la Baleine

Initiation

  1. La Route des Périls
  2. Rencontre avec la déesse
  3. La femme comme tentatrice
  4. Apaisement d’avec le père
  5. Apothéose
  6. La récompense ultime

Retour

  1. Refus du retour
  2. La fuite magique
  3. Secours venu de l’extérieur
  4. Franchissement de la frontière de retour
  5. Maître des deux mondes
  6. Liberté de vivre

Epistémologie du monomyth

Et ce serait une histoire à suivre, pour une raison ou une autre.

Lesdites raisons sont extrêmement importantes, même si tous semblent les enjamber.

L’argument de Campbell est lui-même composite. Il adopte une posture parfois diffusionniste, pour expliquer l’abondance de thèmes, qui viendraient donc des mythes originels qui parsemaient l’humanité, mais c’est l’adéquation de notre psyché à ce modèle qui semble traverser son oeuvre en filigrane.

Il y a donc d’abord un argument psychologique : les mythes sont le résultat des conflits intemporels et universels qui ont lieu dans chaque individu, indépendamment de sa culture. Dans cette optique, le mythe d’Oedipe est, plutôt qu’une illustration triviale à but iconique, une véritable projection du complexe d’Oedipe, que tout individu masculin expérimenterait à des degrès divers, et que l’inventeur du mythe n’a fait que retranscrire. Chez Campbell c’est manifestement dans les psychologies freudiennes et jungiennes que son schéma tire sa légitimité : les archétypes ne sont plus seulement des figures ou des situations isolées, elles sont agencées et ordonnées dans un grand schéma narratif, qui est indépendant des cultures.

Un deuxième argument est mémétique (et évolutioniste) : si ces histoires ont survécu et se sont implantées indépendamment des sociétés, c’est qu’elles sont bonnes. Ceci ne traite justement pas des raisons pour lesquelles ces histoires fonctionnent, mais se contente de voir qu’on a gâché du papyrus, du papier et de l’argile pour icelles, donc bon, ça doit bien fonctionner un peu partout, non ? La version forte de cet argument reprend le précédent : si ces histoire se propagent si bien c’est qu’elles font echo chez leur lectorat, parce qu’elles correspondent à son psychisme.

The happy ending of the fairy tale, the myth, and the divine comedy of the soul, is to be read, not as a contradiction, but as a transcendence of the universal tragedy of man. The objective world remains what it was, but, because of a shift of emphasis within the subject, is beheld as though transformed. Where formerly life and death contended, now enduring being is made manifest—as indifferent to the accidents of time as water boiling in a pot is to the destiny of a bubble, or as the cosmos to the ap- pearance and disappearance of a galaxy of stars. Tragedy is the shattering of the forms and of our attachment to the forms; comedy, the wild and careless, inexhaustible joy of life invincible. Thus the two are the terms of a single mythological theme and experience which includes them both and which they bound: the down-going and the up-coming (kathodos and anados), which together constitute the totality of the revelation that is life, and which the individual must know and love if he is to be purged(kathursis = purgatorio) of the contagion of sin (disobedience to the divine will) and death (identification with the mortal form).(p.27)

Et quelle purge, il nous promet, ce Campbell.

Cependant, Campbell lui-même avoue que le monomyth est un idéal-type : il est la forme parfaite qu’on infère d’une série de mythes qui diffèrent tous un peu : ici manque une étape, ici deux, ici douze, mais qu’importe ! On mettra ça sur le compte des ravages du temps et des déformations : ces mythes sont déformés, simplement par un téléphone arabe de plusieurs siècles. Il en existe sans doute des versions plus pures mais elles ne nous sont simplement pas parvenues, supputera-t-on.

…Ce qui mendie une question ENORME.

Si le psychisme de TOUT INDIVIDU est DISPOSÉ à recevoir et répéter ces histoires, POURQUOI se déforment-elles ?

Une version de cette théorie (qu’il me semble prématuré d’attribuer à Campbell) verrait des sortes de prophètes, qui se connecteraient plus avant avec la part sombre de leur psychisme, et tels Moïse sur la montagne, en redescendraient avec les scénarios exposés. Les individus de basse extraction chargés de perpétuer les contes, par contre, les saccageraient de leurs storytelling impie. Tout le monde ne serait pas à ce point réceptif à celles-ci. L’universalité du Monomyth en prend un coup.

L’autre version, mémétique, verrait que les histoires les plus efficaces se répètent mieux, et donc que chaque fois qu’une histoire se rapproche du schéma ultime du Monomyth, elle gagne en publicité. Au fil du temps, ce mème qu’est l’histoire deviendrait donc le schéma optimal : le Monomyth. Ce qui n’explique pas vraiment comment des histoires peuvent dégénérer de cette forme : les conditions de fitness des histoires se sont-elles modifiées ? Pourquoi ?

Et si ce n’est pas le seul schéma éfficace en termes de fitness, qu’est-ce que ce schéma a de spécial ? Qu’a-t-il de plus à apporter que le Fils de la Veuve (qui vient de toute évidence du complexe d’Oedipe au point où on en est) ou que n’importe quel autre supertrope ?

L’argument fondé sur l’efficacité est souvent brandi par des gens qui prennent le problème dans l’autre sens : qu’ont en commun Star Wars, le Seigneur des Anneaux et Harry Potter, moments cultes de notre culture ? Ils ressemblent vaguement à ce schema !

Ca ne peut en aucun cas aider de se baser sur des travaux modernes qui ont pour la plupart été inspirés par le schéma de Campbell.

Et ça reste un argument circulaire. Le Monomyth est pureté, beauté, efficacité narrative, portrait de la psyché humaine. Il y a un modèle, pur, peu manifesté, qui s’abattardit en entrant dans le réel. Notre tâche serait dès lors de l’approcher, puisque c’est celui qui fait le plus écho à notre psyché. Ensuite on le fout dans des blockbusters à 500 millions, et si quelqu’un ose le critiquer, on lui rappelle que non mais hé c’est dans ta psyché même si tu le sais pas, c’est objectivement objectif que tu doives aimer ferme ta gueule.

Et si le psychisme n’est pas disposé à recevoir ces histoires, alors… Pourquoi les imiter ?

 

 

Et les arguments de Campbell sont tout aussi cons.

“Regardez, des aborigènes d’Australie ont un rite dans lequel un grand serpent bouffe le prépuce des enfants. Oh, tiens, Jung parle d’un patient qui a rêvé qu’un serpent lui mordait la bite. => Mythe universel.”

Oui, quand on dit “inconscient collectif” on veut toujours dire “deux similarités triviales”.

Cambell va encore plus loin : d’après lui, on a tous besoin d’une dose de symbolique administrée pour guérir le traumatisme de la séparation avec la mère, notamment, et si on prend pas la pilule de symboles, pouf, ils se manifestent dans vos rêves. le Monomyth serait dès lors une sorte d’excroissance psychologique, nécessaire à l’homme, et utile pour lui servir de repère et de canevas pour ses rites de passage. Il ne ferait que faire écho à la vie humaine, ce voyage “from the tomb of the womb to the womb of the tomb”.

Trois manières de soigner cette plaie qu’est la routine et l’absurde du monde : soit la vraie aventure(se barrer), soit les rites de passage des sociétés traditionnelles qui permettent de déployer une aventure intérieure et de “compléter” l’esprit du patient, soit, enfin, la psychanalyse moderne, où le psychanalyste prend un rôle de chamane et tente de reconnecter l’individu avec les mécanismes “normaux” de l’esprit.

Le lien entre psychanalyse et rite religieux n’est pas nouveau, j’en parlais même ici, et le livre de Gusdorf, Mythe et Métaphysique traite de la psychanalyse comme d’une mythologie comme les autres.

Il reprend la première version de l’argument, même si la deuxième est parfois utilisée en son nom : il dit clairement que “le rêve est le mythe personnalisé, et le mythe le rêve dépersonnifié “(sic). Mais hier, j’ai rêvé qu’une grue sur un train faisait tournoyer un des wagons comme une morgenstern, c’est un symbole universel de la psyché humaine, aussi ? Bien sûr que non, il ne faut pas confondre “These Eternal Ones of the Dream” et le rêve du béta moyen (i.e. moi). Les mythes qu’il propose ont transcendé les barrières culturelles.

These Eternal Ones of the Dream are not to be confused with the personally modified symbolic figures that appear in nightmare and madness to the still tormented individual. Dream is the personalized myth, myth the depersonalized dream; both myth and dream are symbolic in the same general way of the dynamics of the psyche. But in the dream the forms are quirked by the peculiar troubles of the dreamer, whereas in myth the problems and solutions shown are directly valid for all mankind.

The hero, therefore, is the man or woman who has been able to battle past his personal and local historical limitations to the generally valid, normally human forms. Such a one’s visions, ideas, inspirations come pristine from the primary springs of human life and thought. Hence they are eloquent, not of the present, disintegrating society and psyche, but of the unquenched source through which society is reborn. The hero has died as a modern man; but as eternal man—perfected unspecific, universal man—he has been reborn. His second solemn task and deed therefore (as Toynbee declares and as all the mythologies of mankind indicate) is to return then to us, transfigured, and teach the lesson he has learned of life renewed.

Alors même qu’on vient de dire que les rêves remplissaient la fonction symbolique que les mythes devraient en cas de pénurie combler, là, on dit que les rêves ne produisent les symboles mythiques universels que quand le sujet n’a AUCUN CONFLIT PSYCHIQUE PERSONNEL. Il ne s’agit pas de dire “on passe tous par les mêmes problèmes”, il s’agit de dire “si on fait abstraction d’ABSOLUMENT TOUT on trouvera tous en nous-mêmes le fond de la psyché humaine”.

RAISONNEMENT CIRCULAIRE

On défausse les mythes qui ne sont pas des monomyths, les rêves qui ne sont pas des symboles clairs, mais sans dire pourquoi on ne considère comme importants que les symboles du soleil et du serpent, par exemple. Pourquoi, pour l’individu, ses symboles personnels ne seraient-ils pas plus importants ?

Et il cite Freud

“I recognized the presence of symbolism in dreams from the very beginning. But it was only by degrees and as my experience increased that I arrived at a full appreciation of its extent and significance, and I did so under the influence of […] Wilhelm Stekel. […]Stekel arrived at his interpretations of symbols by way of intuition, thanks to a peculiar gift for the direct understanding of them.[…]Advances in psycho-analytic experience have brought to our notice patients who have shown a direct understanding of dream-symbolism of this kind to a surprising extent. […] This symbolism is not peculiar to dreams, hut is characteristic of unconscious ideation, in particular among the people, and it is to be found in folklore, and in popular myths, legends, linguistic idioms,, proverbial wisdom and current jokes, to a more complete extent than in dreams. » {The Interpretation of Dreams, translated by James Strachey, Standard Edition, V, pp. 350-351.)

Bref. Vous savez la haine que j’ai des “symboles universels”, le processus symbolique étant extrêmement variable et trop souvent arbitraire.

Regardez-le parlant du rêve d’une femme qui rêve passer dans des allées boueuses et sombres :

LES DIFFICULTÉS sont des étapes universelles des aventures des héros. Euh, oui.

Oui.

De toute histoire, en fait.

C’est ça qui est casse-couille, c’est qu’il prétend asseoir son storytelling sur les coulisses de la psyché humaine, alors qu’il y a des causes bien plus évidentes, explicites et pratiques à ces répétitions : bien sûr qu’il va y avoir des conflits, des embûches, mais à quel moment est-ce que tu prétendras que ça vient d’une nature humaine transcendante, accessible uniquement lors d’une sorte de suspension ultime de nos expériences ? Au contraire !

TOUT LE MONDE A DES DIFFICULTÉS ! TOUT LE MONDE RENCONTRE DES OBSTACLES ! C’est pour ça qu’on en retrouve dans les histoires, pas parce que la décantation du rêve détaché de nos problèmes personnels se transfuserait dans les mythes, mais bien parce que NOS PROBLÈMES PERSONNELS nous les inspirent, parce que ce serait proprement ennuyeux de lire une histoire sans conflit.

Après un laïus sur la tragédie et la comédie, il démarre réellement son livre en notant que la formule séparation-initiation-réunion des rites de passage se retrouve dans nombre de mythes.

Forme première

Pour l’heure c’est un schéma modeste “le héros se barre, un truc se passe, et il revient”, et on trouve sans peine des exemples : Promethée volant le feu ; Jason trouvant la toison d’Or ; Énée découvrant la destinée de Rome ; le Bouddha atteignant l’illumination ; Moïse ramenant les tables de la Loi du Sinaï.

 

A hero ventures forth from the world of common day into a region of supernatural wonder: fabulous forces are there encoun- tered and a decisive victory is won: the hero comes back from this mysterious adventure with the power to bestow boons on his fellow man.

Prometheus ascended to the heavens, stole fire from the gods, and descended. Jason sailed through the Clashing Rocks into a sea of marvels, circumvented the dragon that guarded the Golden fleece, and returned with the fleece and the power to wrest his rightful throne from a usurper. Aeneas went down into the underworld, crossed the dreadful river of the dead, threw a sop to the three-headed watchdog Cerberus, and conversed, at last, with the shade of his dead father. All things were unfolded to him: the destiny of souls, the destiny of Rome, which he was about to found, « and in what wise he might avoid or endure every burden. He returned through the ivory gate to his work in the world. (p.47)

 

Campbell prétend prouver que son schéma “le héros se barre et ramène un truc” peut être étendu à dix-sept étapes et que si elles ne sont pas présentes, on peut les trouver impliquées :

 

Whether the hero be ridiculous or sublime, Greek or barbarian, gentile or Jew, his journey varies little in essential plan. Popular tales represent the heroic action as physical; the higher religions show the deed to be moral; nevertheless, there will be found astonishingly little variation in the morphology of the adventure, the character roles involved, the victories gained. If one or another of the basic elements of the archetypal pattern is omitted from a given fairy tale, legend, ritual, or myth, it is bound to be somehow or other implied—and the omission itself can speak volumes for the history and pathology of the example, as we shall presently see. (p.35)

 

Vous avez bien lu.

  1. L’HISTOIRE VARIE TRÈS PEU QUE CE SOIT DANS LES PERSONNAGES, LES VICTOIRES OU LA FORME DE L’HISTOIRE
  2. S’IL Y A DES ÉLÉMENTS MANQUANTS ON PEUT LES TROUVER IMPLIQUÉS.

Jusque là on se dit woh putain il y a va pas avec le dos de la cuillère du conditionnel du peut-être, il se donne des conditions d’applications très strictes. Puis tout à coup :

 

and the omission itself can speak volumes for the history and pathology of the example

Ah les clauses en petit caractères qui permettent d’échapper à toute contradiction.

L’omission d’un élément d’un schéma parle à mon avis bien plus contre la pertinence du schéma qu’en faveur de l’exemple, mais ma foi, qui suis-je pour contredire ?

Quels exemples de monomyth cite-t-il ? Dans les faits, il va analyser les étapes du monomyth et montrer leurs occurrences et similarités, mais le mythe entier comportant toutes les étapes, il n’en cite que très peu, voire pas.

Peut-être qu’il pense que c’est évident.

Au vu de mes maigres connaissances il me semble pourtant que son schéma est très particulier.

Regardons internet.

Qu’est-ce que le Monomyth SUR INTERNET ? Confusion avec Vogler

Je en veux pas déprécier internet, ce n’et qu’un relai. Regardons simplement le visage que les gens donnent dessus au monomyth.

Wikipédia a un article “List of Monomyths”.

Fort bien ! Une théorie si défendue, la liste doit être percluse de mythes de toutes sociétés, commençons par ça.

Donc la tour sombre de Stephen King, la Divine Comédie de Dante et le Cycle de l’Héritage (Eragon) de Christopher Paolini ?

?????????????

Où sont les fans de Campbell ?

category:monomyths donne un peu plus, notamment le Ramayana. Je suppose qu’il se passe tellement de bordel dans le Ramayana qu’on va forcément trouver les étapes dans le désordre, ici ou là. Mais bon.

Mais, c’est tout ?

Je m’interroge.

La plupart des liens au bas de wikipédia:monomyth sont morts ou peu utiles :

  1. http://www.jcf.org/new/index.php?categoryid=83
  2. monomyth.org
  3. Sans contexte, sans mythes, avec juste des occurences contemporaines.

Ce manque d’information pourrait surprendre, étant donné le degré de diffusion de cette théorie, mais je crois que ce flou théorique contribue à sa publicité. La plupart des ressources en ligne sur le sujet se contentent de la table des matières.

C’est une thèse que j’appelerai immédiate. Il suffit de la raconter à quelqu’un pour que les gens voient ce que ça signifie. L’énoncé des titres suffit aux gens à comprendre le schéma. Certains voient dans cette immédiateté un indice de sa primauté psychologique, mais c’est particulièrement biaisé, comme on vient de le voir, ce modèle a été utilisé jusqu’à la nausée dans moult blockbusters récents. Pas étonnant dès lors qu’on en reconnaisse les contours quand on en a été nourris.

On se passe d’explication : qu’on montre le schéma, et pouf, tout le monde semble le comprendre. Ah ouais, le passage de la frontière, c’est comme quand ils quittent la Comté et l’auxiliaire surnaturel c’est comme Hagrid. Peut-être ces exemples sont terriblement inadéquats, ainsi Booker considérant Star Wars comme fautif. Ce n’en est que plus dangereux, parce que ce qui parait évident est rarement mis en doute. Et du coup on confondra les 28 versions différentes du Hero’s Journey qu’on trouve au hasard d’internet, prenons tout pour un indice.

Tapons Hero’s Journey dans Google Images et soyons submergés par les divers schémas.

La premier de ces schémas reprend la nomenclature de Vogler, il me semble

 

(Ordeal, Resurrection, Elixir) qui n’est pas forcément présente chez Campbell. [Ou plutôt qui est présente, en tout cas le terme Ordeal, mais Vogler y résume des moments plus complexes de Campbell, enjambant le freudisme démodé.] Le deuxième illustre la page Wikipédia comme l’article Tv Tropes, mais personne ne semble tiquer au manque de Meeting with the Goddess ou Woman as The Temptress. Il semble que la version la plus répandue du mythe soit une hybride étrange entre Vogler et Campbell, sans les parties les plus bêtes. Le troisième est la suite du premier, sur le “voyage intérieur” en rapport à Vogler. Le 4ème est la version 1, un peu pimpée. Le 5ème une interprétation admise comme personnelle. Le 6ème une version trop simpliste pour savoir à laquelle on pense (The Pit ?). En 7ème, de nouveau la version 2 mais dans sa forme Tv Tropes. 8ème une version “féminine” du voyage du héros, 9ème, encore une occurrence de la version Tvtropeswikipedienne, etc.

Sans le faire en détail, il me semble qu’un sur deux traite vraiment de Campbell, l’autre de composés dérivés. Et c’est pas pareil du tout, avoir du freudisme bizarre sur les relations père/mère et les viols obligatoires, c’est très différent de dire « mort et renaissance du héros ».

Certes le Ventre de la Baleine remplit cette fonction, mais c’est la fin du Départ, ça ne fait même pas partie de l’Initiation dans HTF, et là, cette simple « resurrection » et cette « approche dans la caverne » remplace l’intégralité de ce tiers semble-t-il.

Les étapes de Vogler diffèrent légèrement, en douze étapes et non en dix-sept.

Bref, il y a confusion, crasse et partouze et les gens accolent le nom de Campbell et la force des « mythes universels de l’humanitay » au manuel du blockbuster établi par Vogler.

But de cet article

Démystifier.

Cioran disait que dans les ouvrages de psychiatrie, il ne fallait lire que les faits et dits des patients ; dans les ouvrages d’histoire des religions, concentrons-nous sur les exemples. Je vais donc simplement lister ce qu’il appelle à la barre.

Je ne citerai pas les rêves, je crois avoir expliqué pourquoi je n’en avais rien à battre.

Le but de cet article est de montrer aux gens les fondations du Voyage du Héros, beaucoup trop populaire et non-problématisé. Personne ne dit “cette théorie est basé sur des rêves de patients de psys new-yorkais d’il y a 60 ans” mais moult disent que c’est basé sur des mythes, aussi nous nous concentrerons sur les mythes cités. Parfois il cite des choses, de façon purement illustrative (e.g. certaines citations bibliques, des citations du Coran [Je ne crois d’ailleurs pas qu’il cite l’histoire de Mahomet comme exemple ?]) il serait de mauvaise foi de les tenir à son encontre et je ne serait donc pas exhaustif.

Après cette introduction, on se contentera d’examiner de quels mythes Campbell prétend s’inspirer. Vient ensuite Chimère et Cake au citron, conclusion qui résume l’essentiel de mes objections à Campbell.

Beaucoup de gens pensent que ce modèle DOIT être suivi, et considèrent l’écriture comme une sorte de checklist à compléter, ce qui aboutit à des films/romans de merde au même goût fade.

Cela a déjà été observé, par Film Crit Hulk, par exemple, qui dit en gros “Ca ne suffit pas à faire un bon film”. Film Crit Hulk étant pour moi d’une très mauvaise foi ou d’un grand snobisme quand il essaie de démontrer ce qui fait un bon film ou une bonne écriture, je passerai là-dessus, mais je noterais qu’il n’attaque pas le coeur du monomyth :

THE PROBLEM WITH JOSEPH CAMPBELL’S THE HERO WITH A THOUSAND FACES IS NOT IT’S LACK OF ACCURACY, BUT INSTEAD WHAT WE DO WITH THE INFORMATION IT PROVIDES. CHIEFLY, THE FACT THAT OUR SOCIETY HAS OVERTLY ADOPTED THE BOOK’S BREAKDOWN OF THE HERO JOURNEY AS SOME KIND OF READY-MADE APP FOR “PAINT BY NUMBERS” STORYTELLING. HULK’S NOT EVEN REALLY SURE HOW MANY PEOPLE WHO REGULARLY CITE THE HERO’S JOURNEY HAVE ACTUALLY READ THE DAMN BOOK PAST A FEW CHAPTERS. IT’S ACTUALLY OBVIOUS BECAUSE THE BOOK’S REAL VALUE IS DEEPLY, EVEN MADDENINGLY ACADEMIC (AT TIMES IT GETS DOWNRIGHT ANTHROPOLOGICAL). THE TRUTH ABOUT CAMPBELL’S LAUDED BOOK IS IT ACTUALLY DOESN’T HAVE A TON TO DO WITH ALL THOSE NEAT THE LITTLE DIAGRAMS AT THE BEGINNING, IT’S MORE INTERESTED IN CULTURAL DEDUCTION BASED ON THOSE CONCEPTS. BUT SINCE THOSE DIAGRAMS ARE ALL WE SEEM TO REMEMBER IT IS THUS ALL WE SEEM TO TAKE FROM IT: UNIVERSAL STORYTELLING MADE EASY.

QUITE FRANKLY,  IT’S HURTING MORE THAN IT’S HELPING. (op. cit.)

Et il n’est pas le seul à attaquer ces productions à l’emporte-pièce, et à pointer que l’originalité est bien plus importante que le suivre :

HULK KEEPS BRINGING UP STAR WARS FOR A REASON. IT OUR MAIN CULTURAL TOUCHSTONE FOR THE HERO’S JOURNEY AND WE CAN’T EVEN IMITATE IT PROPERLY. WE’RE LOOKING AT THE MOST BASIC CONTENT AND MOTIFS AND NOT THE ENGINES THAT REALLY DROVE IT’S SUCCESS, LIKE ITS SENSE OF ECONOMY, THE POWER OF ITS CHARACTERIZATION, THE HUMOR OF ITS CRONES, THE PSYCHOLOGY AT PLAY IN THE TRIALS, AND ITS STRONG FEMALE LEAD. WE’RE LITERALLY MISSING THE BEST STUFF ABOUT IT BECAUSE WE’RE TOO BUSY LOOKING AT HOW IT FITS THE HERO’S JOURNEY ALONG WITH EVERYTHING ELSE. GUESS WHAT FOLKS? THE SEEKER: THE DARK IS RISING FITS THE HERO JOURNEY EVEN BETTER, BUT NO ONE IS FUCKING INTERESTED IN COPYING THAT. WHAT MAKES THE ORIGINAL STAR WARS TRILOGY SO AWESOME AFTER ALL THESE YEARS IS NOT HOW IT’S THE SAME, BUT HOW IT’S STILL TRULY DIFFERENT. (op. cit.)

cependant, quand il prétend que le problème du HTF “is not its lack of accuracy” c’est à mon tour de me demander si il a lu le livre et si il y connaît quoi que ce soit à l’étude des religions en général, et je me doute que non.

“AHHH, THE MONOMYTH.

IT IS A FASCINATING ACADEMIC PURSUIT; A JOURNEY INTO OUR CULTURAL HISTORY, TO THE TIES OF COMMUNICATION THAT BONDED OUR EARLY CIVILIZATIONS. IT EVEN EXPLAINS HOW OUR STORYTELLING ROOTS ARE DIRECTLY BORN FROM THAT SHARED HISTORY. YES, THE LESSONS AT THE CORE OF THE MONOMYTH ARE MANIFOLD, RICH, AND TEXTURED; A THOUSAND VERSIONS OF A HERO’S JOURNEY, ALL BOUND BY THE HUMAN CONDITION, ALL CRUCIAL TO OUR UNDERSTANDING OF WHY WE TELL STORIES IN THE FIRST PLACE. SIMPLY PUT, THE HERO’S JOURNEY IS VITAL TO OUR HUMANITY.” (op. cit.)

Mon but n’est pas tant de prouver que c’est faux que de montrer que c’est indémontrable, et dès lors irréfutable.

Les histoires bégayées produites sont facilement démontables et survivent parfois à la critique par ce qu’on arrive à insérer d’intéressant dans le grillage “monomyth”, mais elles survivent d’autant plus que des manuels d’écriture et des producteurs qui ont eu le mémo continuent à le défendre de par son aura académique, par le fait que ce livre décrirait “les mythes universels de l’humanité”, serait inspiré de toutes les mythologies du monde mondial, etc.

Avertissement :

Je n’ai pas lu The Power of Myth ou les autres oeuvres de Campbell, je suis certain qu’il a développé de multiples théories intéressantes, mais le fait est que le Voyage du Héros les bat toutes en publicité. Plus important, je n’analyserai pas la deuxième moitié de The Hero With A Thousand Faces, parce qu’elle traite d’autres choses (la naissance fabuleuse du Héros, le Héros comme conquérant, comme roi…) qui si elles sont intéressantes (je dirais même plus intéressantes et pertinentes que la partie que nous allons discuter) ne sont importantes ici, puisque je cherche à m’attaquer à une idée répandue, à un préjugé.

Si vous voulez l’ajouter à la discussion je répondrai, dans la mesure du possible, néanmoins. Je conçois que la défense de Campbell impliquera ses autres travaux.

C’était la partie que vous devez lire si vous voulez réfuter cet article sans le lire, annoncez simplement que je ne comprends rien à Campbell, Cf. The Power of Myth p. 5739839. Voire, mieux, les deux tomes de son Historical Atlas, qui sont pratiquement introuvables, et vous aurez gagné.

Départ/séparation

1. Appel à l’aventure

Campbell analyse chacun des 17 moments séparément, et non dans les “mythes universels” annoncés. L’appel à l’aventure ? On nous présente le début du Roi Crapaud des Frères Grimm ; le vieillard, le malade et le mort rencontré par Bouddha et… Appolon qui harcèle Daphné ? C’est une blague ?

The same harrowing, mysterious voice was to be heard in the call of the Greek god Apollo to the fleeing maiden Daphne, daughter of the river Peneus, as he pursued her over the plain. « O nymph, O Peneus’ daughter, stay! » the deity called to her—like the frog to the princess of the fairy tale; « I who pursue thee am no enemy. Thou knowest not whom thou fleest, and for that reason dost thou flee. Run with less speed, I pray, and hold thy flight. I, too, will follow with less speed. Nay, stop and ask who thy lover is. »

« He would have said more, » the story goes, « but the maiden pursued her frightened way and left him with words unfinished, even in her desertion seeming fair. The winds bared her limbs, the opposing breezes set her garments aflutter as she ran, and a light air flung her locks streaming behind her. Her beauty was enhanced by flight. But the chase drew to an end, for the youthful god would not longer waste his time in coaxing words, and, urged on by love, he pursued at utmost speed. Just as when a Gallic hound has seen a hare in an open plain, and seeks his prey on flying feet, but the hare, safety; he, just about to fasten on her, now, even now thinks he has her, and grazes her very heels with his out- stretched muzzle; but she knows not whether or not she be already caught, and barely escapes from those sharp fangs and leaves be- hind the jaws just closing on her: so ran the god and maid, he sped by hope and she by fear. But he ran the more swiftly, borne on the wings of love, gave her no time to rest, hung over her fleeing shoulders and breathed on the hair that streamed over her neck. Now was her strength all gone, and, pale with fear and utterly overcome by the toil of her swift flight, seeing the waters of her fa- ther’s river near, she cried: ‘O father, help! If your waters hold di- vinity, change and destroy this beauty by which I pleased o’er well.’ Scarce had she thus prayed when a down-dragging numb- ness seized her limbs, and her soft sides were begirt with thin bark. Her hair was changed to leaves, her arms to branches. Her feet, but now so swift, grew fast in sluggish roots, and her head was now but a tree’s top. Her gleaming beauty alone remained. »13

Ovid, Metamorphoses, I, 504-55.1 (translation by Frank Justus Miller, the Loeb Classical Library).

 

 

Navré de ne pas avoir abrégé, mais je ne voulais pas être accusé de citation partiale.

Euh, oui, il existe des appels de personnages à d’autres personnages, mais si se taper Appolon fait écho à l’autre sens du mot “aventure”, il me semble que c’est difficile à caser dans le schéma.

2. Le refus de l’aventure

C’est là qu’est la force de Campbell, diront ses supporters, c’est là qu’est son foutage de gueule dirai-je : quand l’histoire ne suit pas son schéma, il trouve quand même un moyen d’en faire un dérivé. Ainsi quand Minos refuse de sacrifier son taureau, il refuse l’appel à l’aventure. C’est logique ! Quelle aventure ? Du diable si on le sait ! Mais il refuse une aventure, d’où sa punition, posez pas de questions.

Cambell a observé que certains tropes avaient de grandes chances d’être suivis d’autres tropes, et personne ne le nie, une aventure commence souvent par un appel à l’aventure – sinon pourquoi partir ? – et se termine par une récompense – sinon quel était le but ? Mais dire de Minos que son histoire est un renversement du Hero’s Journey :

 

Often in actual life, and not infrequently in the myths and popular tales, we encounter the dull case of the call unanswered; for it is always possible to turn the ear to other interests. Refusal of the summons converts the adventure into its negative. Walled in boredom, hard work, or « culture, » the subject loses the power of significant affirmative action and becomes a victim to be saved. His flowering world becomes a wasteland of dry stones and his life feels meaningless—even though, like King Minos, he may through titanic effort succeed in building an empire of renown. Whatever house he builds, it will be a house of death: a labyrinth of cyclopean walls to hide from him his Minotaur. All he can do is create new problems for himself and await the gradual approach of his disintegration.

[ici figuraient des citations bibliques. Nous vous les épargnons.]

The myths and folk tales of the whole world make clear that the refusal is essentially a refusal to give up what one takes to be one’s own interest. The future is regarded not in terms of an unremitting scries of deaths and births, but as though one’s present system of ideals, virtues, goals, and advantages were to be fixed and made secure. King Minos retained the divine bull, when the sacrifice would have signified submission to the will of the god of his society; for he preferred what he conceived to be his economic advantage. Thus he failed to advance into the life- role that he had assumed—and we have seen with what calamitous effect. The divinity itself became his terror; for, obviously, if one is oneself one’s god, then God himself, the will of God, the power that would destroy one’s egocentric system, becomes a monster. (pp. 54-55)

…Heu. C’est une façon originale de voir les choses, je dirais.

Le problème est là : refuser une aventure est un trope, refuser un sacrifice en est un aussi. Les tropes de refus ont des éléments en commun (généralement la punition subséquente) ça n’a pour autant aucun sens de les équivaloir et prétendre que l’un et l’autre ont la même signification psychique, culturelle ou intradiégétique.

Ce n’est pas parce qu’Appolon appelle Daphné que leur histoire est l’aventure d’un héros ; ce n’est pas parce que Minos refuse un sacrifice que son histoire est l’aventure d’un héros, c’est ridicule de prendre de si petites portions du mythe et les prétendre portions d’un schéma impalpable.

Campbell ne s’arrête pas là :

This is indeed a dull and unrewarding finish. Apollo, the sun, the lord of time and ripeness, no longer pressed his frightening suit, but instead, simply named the laurel his favorite tree and ironically recommended its leaves to the fashioners of victory wreaths. The girl had retreated to the image of her parent and there found protection—like the unsuccessful husband whose dream of mother love preserved him from the state of cleaving to a wife. »

The literature of psychoanalysis abounds in examples of such desperate fixations. What they represent is an impotence to put off the infantile ego, with its sphere of emotional relationships and ideals. One is bound in by the walls of childhood; the father and mother stand as threshold guardians, and the timorous soul, fearful of some punishment,1′ fails to make the passage through the door and come to birth in the world without.

 

S’ensuivent des exemples de gens qui sont figés dans la pierre, ou dans un sommeil éternel, parce qu’après tout, c’est PAREIL hein :

  1. La belle au bois dormant
  2. Brynhild dans le cercle de feu de Wotan
  3. Quelqu’un que Jung a ausculté et qui a fait un rêve chelou
  4. Une cité Perse changée en pierre, parce que les gens ont refusé l’appel de dieu. (Les Mille et Une Nuits)
  5. Le Juif Errant, condamné à errer parce qu’il a manqué l’appel du christ.
  6. La femme de Lot qui devient un pillier de sel parce qu’elle s’est retournée pour regarder la destruction de Sodome et Gomorrhe.
  7. Le prince Kamar al Zaman, fils de Shahriman, roi de Perse, qui refuse de se marier et est ensuite jeté dans un cachot par son père pour cela.

Notes :

  1. La femme de Lot n’est pas forcément punie pour avoir regretté de quitter la ville, mais peut-être pour avoir voulu contempler la puissance de Dieu, et donc mettre à l’épreuve sa puissance, en plus de sa parole, puisqu’elle enfreignait un interdit.
  2. Les exemples des gens qui n’ont pas voulu suivre la parole de Dieu sont trop proches et issus d’un espace culturel trop particulier pour qu’on les puisse dire universels.
  3. Brynhild
  4.  La Belle au Bois Dormant

Mais on peut contrer autant qu’on veut, on dira que ces aspects ont été pervertis, les bouts qui manquent sont simplement des déviations. Le schéma de Campbell peut digérer n’importe quoi. La vraie question maintenant : en quoi est-il utile de prétendre que ces refus sont équivalents ?

On refuse successivement

  1. Le salut de son âme
  2. D’obéir à un ordre de Dieu
  3. De se marier
  4. Et Brynhild et la Belle au Bois Dormant n’ont rien refusé du tout, mais bon, c’est pas grave, parce que c’est la représentation du refus de grandir.

3. L’auxilliaire surnaturel

For those who have not refused the call, the first encounter of the hero-journey is with a protective figure (often a little old crone or old man) who provides the adventurer with amulets against the dragon forces he is about to pass.

C’est putain d’imprécis.

La figure de l’aide surnaturelle est féminine puisqu’elle lui apporte la sérénité et n’est qu’une figure de la déesse-mère, promesse de sérénité, de réunion avec la mère. Ce rôle est joué par la vierge marie dans les histoires de saints (lesquelles ?)

Ok, sécurité, féminité, bref, le tintouin habituel de la maman.

Mais parfois elle est masculine et Campbell a décidé que c’était la fête du slip alors il balance une connerie sur le rôle “mercurien” joué par le mâle mais c’est risible. Comment tu peux avoir un modèle d’explication qui dit “là c’est un homme et ça remplit la fonction X ou bien une femme et ça remplit une fonction psychique différente” quand la psyché et ses traumatismes est la BASE de ton modèle explicatif ?

Bref, il liste des personnages qui aident des héros, tout comme avant il listait des gens qui s’appelaient, et des gens qui refusaient des trucs.

  1. Une tribu d’Afrique de l’est, les Wachaga de Tanganyika racontent l’histoire “a very poor man named Kyazimba, who set out in desperation for the land where the sun rises. And he had traveled long and grown tired, and was simply standing, looking hopelessly in the direction of his search, when he heard someone approaching from behind. He turned and perceived a decrepit little woman. She came up and wished to know his business. When he had told her, she wrapped her garment around him, and, soaring from the earth, transported him to the zenith, where the sun pauses in the middle of the day. Then with a mighty din a great company of men came from eastward to that place, and in the midst of them was a brilliant chieftain, who, when he had arrived, slaughtered an ox and sat down to feast with his retainers. The old woman asked his help for Kyazimba. The chieftain blessed the man and sent him home. And it is recorded that he lived in prosperity ever after.” Je trouve intéressant le nombre de ces éléments, censé être des ouvertures (je rappelle qu’on est dans le premier tiers), mais qui closent des histoires. L’aide ici ne le lance pas sur la piste de l’aventure, elle la conclut et la résoud.
  2. Les dieux jumeaux des Navahos, partis chercher leur père le soleil, sont aidés par une femme-araignée qui les prépare effectivement à leur quête.
  3. La marraine la fée (?)
  4. La Sainte Vierge dans les légendes de saintes (lesquelles?)
  5. Bien sûr, cette aide représente la “mère cosmique” :”The hero who has come under the protection of the Cosmic Mother cannot be harmed. The thread of Ariadne brought Theseus safely through the adventure of the labyrinth. This is the guiding power that runs through the work of Dante in the female figures of Beatrice and the Virgin, and appears in Goethe’s Faust successively as Gretchen, Helen of Troy, and the Virgin. […]What such a figure represents is the benign, protecting power of destiny. The fantasy is a reassurance—a promise that the peace of Paradise, which was known first within the mother womb, is not to be lost; that it supports the present and stands in the future as well as in the past (is omega as well as alpha); that though omnipotence may seem to be endangered by the threshold passages and life awakenings, protective power is al- ways and ever present within the sanctuary of the heart and even immanent within, or just behind, the unfamiliar features of the world. One has only to know and trust, and the ageless guardians will appear. Having responded to his own call, and continuing to follow courageously as the consequences unfold, the hero finds all the forces of the unconscious at his side. Mother Nature herself supports the mighty task.”(p.65)
  6. Ok, donc c’est une figure féminine. D’accord. “Not infrequently, the supernatural helper is masculine in form. In fairy lore it may be some little fellow of the wood, some wizard, hermit, shepherd, or smith, who appears, to supply the amulets and advice that the hero will require. The higher mythologies develop the role in the great figure of the guide, the teacher, the ferryman, the conductor of souls to the afterworld.“ Non bon j’oubliais, c’est Campbell, on peut pas rester consistant trois secondes. On cite donc Mephistophèlès de Goethe et Virgile chez Dante. Disons, c’est facile de les équivaloir à des psychopompes quand on prend une histoire qui explore littéralement l’au-delà et l’autre qui parle de la maîtrise d’un démon.
  7. Dans l’histoire de Kamar al Zaman, c’est une Djinn, “de la graine d’Iblis” qui vient aider le héros à s’échapper.

 

 

4. Crossing of the first threshold : Franchissement de la frontière

Il faut passer du monde ordinaire au monde de l’avenure, donc passer une frontière, et dès lors en affronter le gardien souvent. Tout ça n’est bien sûr que projection sexuelle.

Je suis étonné, je m’attendais à ce qu’on parle plus des frontières que de leurs gardien, mais appremment il liste des monstres.

  1. Les Hottenhots parlent d’un ogre qui rôde au loin, mangeant les hommes.
  2. L’histoire africaine d’un demi-homme coupé en deux verticalement, invisible sous un certain angle. (p.72)
  3. Les Femmes Sauvages du folklore russe. (?)
  4. Exemple impliquant le caractère libidineux du Denizen : “the Russian « Water Grandfather. » “He is an adroit shapeshifter and is said to drown people who swim at midnight or at noon. Drowned or disinherited girls he marries. He has a special talent for coaxing unhappy women into his tolls. He likes to dance on moonlit nights. Whenever a wife of his is about to have a baby, he comes into the villages to seek a midwife. But he can be detected by the water that oozes from the border of his garments.”(pp.73-74)
  5. Bon un exemple de Denizen dans la mythologie grecque ? Probablement Cerbère dans le mythe de Hercule ou Hadès dans celui d’Orphée et Euryd– “ The Arcadian god Pan is the best known Classical example of this dangerous presence dwelling just beyond the protected zone of the village boundary.” (p.74) Ghh, sérieusement ?
  6. Dans les îles Banks des Nouvelles Hébrides, les jeunes hommes qui reviennent de la pêche voient parfois de belles femmes sur le rivage, reconnaissant peut-être une fille d’un village voisin, mais s’ils regardent bien, ils verront que ce sont des mae (monstre amphibie polymorphe) à ce que leurs genoux et coudes se plient dans le mauvais sens. (p. 76)  » But these very snakes, the mae, so greatly feared, are believed to become the familiars of those who have intercourse with them. » Such demons—at once dangers and bestowers of magic power—every hero must encounter who steps an inch outside the walls of his tradition.”
  7. Une caravane venue de Bénarès, constituée de 500 chars, qui allait traverser une zone déserte sans rivière ni source et pleine de démons. Il avaient empaqueté de grandes quantités d’eau. Mais, parvenu au milieu du désert, l’ogre qui habitait ces lieux décida qu’il se débarrassera de cette eau. Il constitua un char très beau et le chevaucha à rebours de la caravane, précédé et suivi par moult démons. Tous les vêtements de la compagnie démoniaque dégoulinaient d’eau.
  8. Le prince Cinq Armes, habile dans le maniement desdites armes qui rencontre un ogre. Il affronte ce dernier à mains nues dans sa forêt. Chaque fois qu’il le frappe il reste collé à son corps. Il se retrouve vite, les deux mains et les pieds collés. Il tente un coup de tête mais reste collé également. L’ogre hésite à le manger, en effet, le prince ne semble pas avoir peur. Il lui demande pourquoi. Le prince répond qu’il a du tonnerre dans le ventre, qui détruirait l’ogre de l’intérieur, dussé-t-il le manger. En réalité, le tonnerre représente le savoir, car le prince Cinq Armes était une incarnation précédente du Bouddha.
  9. Le Mur qui entoure le Paradis, décrit par Nicolas de Cuse.
  10. Les Symplégades, limite de la mer pour les argonautes.
  11. Les Jumeaux des Navajo eurent le même genre d’obstacles, protégés par le pollen et les plumes d’aigles qu’ils possédaient.

Encore une fois, plutôt que de montrer cette étape dans un mythe d’aventure ou l’autre, il montre simplement que des “ogres” existent à travers le monde, ce que nul ne niait.

5. Belly of the Whale

Sixième étape du départ, l’avalement, qui sert à transiter entre deux mondes :

The idea that the passage of the magical threshold is a transit into a sphere of rebirth is symbolized in the worldwide womb image of the belly of the whale. The hero, instead of conquering or conciliating the power of the threshold, is swallowed into the unknown, and would appear to have died.

Il cite donc

  1. Le petit chaperon rouge avalé,
  2. Un mythe esquimau ou Corbeau se fait avaler par une baleine
  3. Finn Macool,
  4. Le panthéon grec avalé par Cronos,
  5. Jésus déposé en son sépulcre
  6. Jonas avalé par la baleine
  7. Joseph jeté dans le puits
  8. Une histoire Zoulou où une mère et ses deux enfants se font avaler par un éléphant et découvrent un monde fantastique à l’intérieur
  9. Héraclès qui tue un monstre de Poséidon chez les Amazones. Il saute dans sa gueule et tranche sa gorge de l’intérieur pour le vaincre.

ALORS QUE CES AVALEMENTS ONT DES FONCTIONS PARFAITEMENT DIFFERENTES DANS LEURS HISTOIRES RESPECTIVES.

  1. Jésus est littéralement mort. C’est bien plus important dans son histoire que d’être juste dans le ventre d’une baleine.
  2. Le petit chaperon rouge est avalé puis secouru juste avant la fin de son histoire. Difficile d’en faire une étape.
  3. ZEUS NE SE FAIT PAS AVALER PAR CRONOS. Zeus est clairement le héros, mais il ne se fait justement PAS avaler, il secourt ses frères et soeurs avalés par son père et détrône celui-ci. Et le ventre de Cronos n’est pas une vasque de transit entre deux mondes mais une métaphore pour le TEMPS.
  4. La baleine de Jonas : pas vraiment d’aventure ensuite ? Jonas avait désobéi à Dieu, n’allant pas à Ninive, jeté à la mer pour apaiser la tempête, avalé puis recraché par le gros poisson sur la rive de Ninive. Il désespère ensuite que Dieu pardonne aux Ninivites. On peut difficilement arguer qu’il y a changement de monde.
  5. Le puits de Joseph, j’avoue qu’il remplit bien cette fonction même si la cour de Pharaon, n’est pas vraiment le monde aventureux qu’on imagine usuellement.
  6. Hercule, ça devient ridicule : il ne fait que tuer le monstre. L’avalement n’est pas la source d’un voyage, d’une révélation ou d’un passage à un autre niveau de réalité : il tue le monstre. Point.

 

Enfin, concluons ce chapitre du départ/séparation

This popular motif gives emphasis to the lesson that the passage of the threshold is a form of self-annihilation. Its resemblance to the adventure of the Symplegades is obvious. But here, instead of passing outward, beyond the confines of the visible world, the hero goes inward, to be born again. The disappearance corresponds to the passing of a worshiper into a temple- where he is to be quickened by the recollection of who and what he is, namely dust and ashes unless immortal. The temple interior, the belly of the whale, and the heavenly land beyond, above, and below the confines of the world, are one and the same. That is why the approaches and entrances to temples are flanked and defended by colossal gargoyles: dragons, lions, devil-slayers with drawn swords, resentful dwarfs, winged bulls. These are the threshold guardians to ward away all incapable of encountering the higher silences within. They are preliminary embodiments of the dangerous aspect of the presence, corresponding to the mythological ogres that bound the conventional world, or to the two rows of teeth of the whale. They illustrate the fact that the devotee at the moment of entry into a temple undergoes a metamorphosis. His secular character remains without; he sheds it, as a snake its slough. Once inside he may be said to have died to time and returned to the World Womb, the World Navel, the Earthly Paradise.

Je veux bien qu’on ait une souplesse dans l’analyse pour un schéma aussi large, mais donc on est d’accord : il parle de monstres, de changement de monde, etc., on suppose que ce sont des éléments essentiels des histoires, à débusquer ? Où sont-ils dans ses exemples ?

The mere fact that anyone can physically walk past the temple guardians does not invalidate their significance; for if the intruder is incapable of encompassing the sanctuary, then he has effectually remained without. Anyone unable to understand a god sees it as a devil and is thus defended from the approach. Allegorically, then, the passage into a temple and the hero-dive through the jaws of the whale are identical adventures, both denoting, in picture language, the life-centering, life-renewing act.

“Aventures identiques”.

« No creature, » writes Ananda Coomaraswamy, « can attain a higher grade of nature without ceasing to exist. » Indeed, the physical body of the hero may be actually slain, dismembered, and scattered over the land or sea—as in the Egyptian myth of the savior Osiris[…]

 

Inutile de vous refaire son histoire.

 

The Twin Heroes of the Navaho had to pass not only the clashing rocks, but also the reeds that cut the traveler to pieces, the cane cactuses that tear him to pieces, and the boiling sands that overwhelm him. The hero whose attachment to ego is already annihilate passes back and forth across the horizons of the world, in and out of the dragon, as readily as a king through all the rooms of his house. And therein lies his power to save; for his passing and returning demonstrate that through all the contraries of phenomenality the Uncreate-Imperishable remains, and there is nothing to fear.

Campbell, je crois que tu vas un peu trop loin

 

And so it is that, throughout the world, men whose function it has been to make visible on earth the life-fructifying mystery of the slaying of the dragon have enacted upon their own bodies the great symbolic act, scattering their flesh, like the body of Osiris, for the renovation of the world.

Campbell, je crois qu’il faudrait expliciter le rôle du “Dragon” pas encore vraiment inscrit dans le schéma, au-delà de l’invocation de Jung, surtout que je vois pas vraiment le rapport immédiat avec Osiris. Tous les héros subissent-ils des scarifications ? Ne serait-ce pas une étape importante ?

In Phrygia, for example,

Campbell

in honor of the crucified and resurrected savior Attis, a pine tree was cut on the twenty-second of March, and brought into the sanctuary of the mother-goddess, Cybele.

Campbell, s’il te plaît. Je sais que tu essaies de ressembler au Rameau d’Or en parlant de trucs antiques random, mais ça te réussit pas du tout, et tu lies mythe et rite bien moins habilement que lui.

There it was swathed like a corpse with woolen bands and decked with wreaths of violets. The effigy of a young man was tied to the middle of the stem.

Oh putain en fait il cite Frazer comme référence, la blague, j’avais pas vu.

Next day took place a ceremonial lament and blowing of trumpets. The twenty-fourth of March was known as the Day of Blood: the high priest drew blood from his arms, which he pre- sented as an offering; the lesser clergy whirled in a dervish- dance, to the sound of drums, horns, flutes, and cymbals, until, rapt in ecstasy, they gashed their bodies with knives to bespatter the altar and tree with their blood; and the novices, in imitation of the god whose death and resurrection they were celebrating, castrated themselves and swooned.

Non sérieusement, quel rapport avec la baleine ? Ok, cette étape parle d’une réclusion, d’une perte de pouvoir, réelle ou symbolique, mais je doute qu’on puisse ranger dans cette catégorie toute avanie qui arrrive à qui que ce soit.

Vient ensuite un mythe du roi de Quilacare, mais il cite un texte de 1866 qui décrit des pratiques du 16ème siècle, donc on peut estimer que ça relève de la fiction. En effet, J. Fontenrose nous dit dans The ritual theory of myth :

Mais bref, c’est le Rameau d’Or, quoi.

Et la plupart des critiques qu’on peut faire à Frazer se retrouvent là. Le schéma frazerien décèle un peu n’importe quoi comme étant trace du sacrifice des rois anciens. Et comme on le voit ici, souvent sur du vent, des compilations de témoignages qui relèvent plus du fantasme d’explorateurs en quête d’exotisme que de la réalité, en témoigne le cas de Quilacare comme l’exploration plus globale du thème du sacrifice humain.

Initiation

6. La Route des Périls

Il y a des périls. Je suis pas sûr que ça nécessite explicitation.

Exemples cités :

  1. Les tâches de Psyché cherchant à obtenir les faveurs d’Aphrodite pour aimer Eros en paix.
  2. Campbell note que l’histoire suit le schéma d’une descente dans l’Autre Monde que “d’innombrables mythes” dénotent à travers le monde. Il cite notamment une cérémonie chamanique laponne, où le chaman s’aventure contre ces périls.
  3. Suivent des récits de rêves de Swedenborg et Hebbel notamment que je ne relate pas, suivis de rêves d’anonymes, quatre pages durant, détaillant des épreuves.
  4. La descente d’Inanna dans l’autre monde, mythe sumérien.

En fait je n’ai pas vraiment de problèmes avec ce point-ci. Si on me dit “il va y avoir des épreuves dans une aventure” je pense que je serai en mal de réfuter. Simplement, Campbell, plutôt que de piocher dans la masses d’épreuves et de périls qui parsèment les histoires semble avoir converti cette catégorie en occasion de parler des voyages dans l’autre monde. Dans une perspective psychologique, ça semble faire sens, puisqu l’aventure doit nous reconnecter avec notre nous intérieur perdu ou nortre anima ou je sais pas quoi, un passage vers le monde des morts, ou monde de l’aventure, bref, de l’altérité semble nécessaire.

C’est même la base de son schéma, départ-aventure-retour, et il semble justement que plutôt que d’évaluer des épreuves, il se soit contenté d’évoquer un type d’épreuve et de frontière qui colle avec son interprétation, les descentes dans le monde des morts, quoiqu’elles soient bien particulières.

 

7. Rencontre avec la déesse

Campbell avait manifestement un problème avec sa mère.

Bon en gros, une fois dans l’autre monde, notre héros tombe sur la déesse à la fois mère, épouse, soeur, amie, bref, la totalité du féminin total. Et c’est bon pour l’esprit. Parce que les femmes ne sont pas des personnages, faits pour être traités comme des êtres humains, mais comme des symboles d’abondance, des promesses de bonheur, des jetons de beauté.

  1. Lady of Tubber Tintye.
  2. Actéon qui voit Diane se baigner et qui se fait transformer en cheval puis manger par ses chiens. En quoi cela est-il part d’une aventure, aucune idée.
  3. Dans des livres tantriques indiens, “la déesse” a une île de joyaux, baignée par les eaux contenant le nectar d’immortalité et la déesse est alimentée par le feu rouge et tout l’univers est en son utérus et elle est toujours enfantant et toujours vierge et… Pardon, quelle était la question ? (pp. 104-105)
  4. D’ailleurs la déesse est terrifiante. Ramakrishna avait vu une femme enfanter, puis devenir monstrueuse et manger sa progéniture avant de plonger dans les eaux d’un fleuve, vu que Kali est la mort de toute chose. Ok ?
  5. Les cinq fils du roi Eochaid. Ils cherchent de l’eau et vont chacun à tour de rôle auprès d’un puits, cependant, une vieille femme le garde et ne concède le liquide que contre un baiser, ce qu’ils refusent tous. Finalement Niall accepte de le faire, transformant d’ailleurs la vieille femme laide en belle jeune. Elle révèle être le “règne royal” (royal rule) moche au départ mais beau pour qui le voit mieux.

Mais tout cela doit renforcer notre idée que en fait, si ces déesses sont si dures à confronter, c’est parce qu’elles sont des émanations de la Déesse ultime, vous savez, ce concept foireux qu’on a forgé en fantasmant sur des statuettes préhistoriques obèses et des mythes basques soi-disant datant de la préhistoire.

A aucune moment ça ne montre vraiment leur fonction dans les monomythes supposés.

Ensuite, second point. Rappelons-nous qu’il y a toujours dehors des gens qui prescrivent ce modèle, et recommandent de le suivre. Voyons l’impact que ça aurait sur la représentation des femmes dans la culture populaire :

Woman, in the picture language of mythology, represents the totality of what can be known. The hero is one who comes to know. As he progresses in the slow initiation which is life,the form of the fodess undergoes for him a series of transfiguration : she can nevers be greater than himself though she can always promise more than he is yet capable of comprehending. (p. 106)

Les femmes sont donc des auxiliaires des hommes sur la voie de la connaissance et de la découverte de soi, des objets à connaître, augurant des savoirs plus larges. J’attends donc des fans de Campbell qu’ils défendent ces personnages féminins ayant pour unique but la croissance du mâle protagoniste ou ces femmes-enigmes à décrypter.

Mais il y a des héroïnes féminines, parfois. Inanna citée plus haut n’en est-elle pas une ? Dans ce cas que figurent-elles ?

And when the adventurer, in this context, is not a youth but a maid she is the one who by her qualities her beauty or her yearning is fit to become the consort of an immortal. Then the heavenly husband descend to her and conducts her to his bed –  whether she will or not. And if she had shunned him, the scales fall from her eyes ; if she has sought him, her desire finds its peace. (p.110)

Voilà, mais vous inquiétez pas, ça a une fonction cosmique, ces viols.

Et probablement en storytelling aussi.

Rappelez-vous donc que si vous défendez le modèle de Campbell, vous défendez une vision androcentrée et que si une femme a le malheur de se retrouver au centre d’une aventure, il est primordial qu’elle séduise une figure divine et se fasse culbuter par celle-ci, qu’elle le veuille ou non. C’est pour la libération de l’anima, on vous dit.

8. La femme comme tentatrice

Non mais c’est pas fini. Ca continue. La femme est la vie. Le héros en est le maître et le possesseur.

The whole sense of the ubiquitous myth of the hero’s passage is that it shall serve as a general pattern for men and women, wherever they may stand along the scale. Therefore it is formulated in its broadest terms. The individual has only to discover his own position with reference to this general human formula and let it then assist him past his restricting walls. (p.111)

C’est rassurant.

Exemples

  1. Oedipe et Hamlet (?)
  2. Saint Pierre et Petronilla. Quand il s’apperçut que sa fille, Petronilla, était trop belle, il obtint de Dieu qu’elle soit frappée de maladie, n’étant guérie que pour servir Saint Pierre, et retombant au lit aussitôt après. Ca pourrait être la marque d’une société patriarcale où les femmes sont à la merci des hommes, mais non, c’est une preuve que Campbell a raison, voyons.
  3. Saint Bernard de Clairvaux avait un mal de dents, une femme était venue pour chanter et le distraire de sa douleur, ul la rejeta hors de sa chambre et Dieu le récopensa : pouf, guéri. Une autre fois, invité, son hôte, une femme, tentait de coucher avec lui. Chaque fois qu’elle entrait dans son lit, il criait au voleur pour que tout le monde se mette à fouiller la maison. Cela pourrait être la marque d’une société qui valorise la chasteté, mais non, c’est probablement une émanation des tréfonds de l’âme humaine.
  4. Saint Antoine, qui…. bref.

9. Apaisement avec le Père

Basiquement, Campbell aligne ici les exemples de dieux énervés, parce que ce serait la marque des figures paternelles.

  1. Le pasteur Jonhatan Edwards parlant de la rage de Dieu.
  2. Les Jumeaux Héroïques des Navajo ont pour but premier de rencontrer leur père, le soleil, on se doute que ce sera une étape de leur voyage. La porte de leur père était gardée par des ours, qu’ils parviennent à calmer en usant des mots de la femme-araignée. Puis vinrent des serpents, puis des éclairs, qu’ils calmèrent également, suivent plusieurs ordalies du soleil pour éprouver ses enfants. finissant par les reconnaîtres comme siens.
  3. Phaeton qui veut rencontrer Helios, son père, le soleil, et qui finit par saccager le monde en usant du traineau solaire. (version latine également)
  4. Des rêves d’enfants. Passons.
  5. Il reparle du Grand Père Serpent qui veut bouffer les prépuces de tout le monde. Rituel de la tribu Murngin [Yolngu]. On sonne une trompe, qui symbolise l’appel du serpent. La menace étant principalement masculine, les femmes défendent leurs enfants, qui vont leur être enlevées, saisissant des lances et pleurant pour la mise en scène. Les hommes symbolisent le serpent en dansant. Les enfants sont ensuite initiés au mystère de leurs mythes et symboles totémiques. Puis circoncision.
  6. Les Aranda ont aussi un rituel de circoncision qui commence au sont des rhombes, symbolisant la voix du grand “démon” de la cérémonie. Le circonciseur apparait avec et ses deux assistant qui ont leurs barbes dans la bouche, symbole de colère, bras et jambes écartés. Il tient un couteau dans sa main droite. A ce moment un type arrive, un bouclier en équilibre sur sa tête et en claquant des doigts.  Je sais pas si y’a une raison pour laquelle il raconte ça. On est dans l’association d’idées la plus totale. Apaisement avec le père -> père -> castration -> circoncision.
  7. Zeus mettant Dionysos dans sa cuisse.
  8. Il enchaîne là-dessus pour parler de la mort et renaissance de plein d’autres dieux : Adonis, Tammuz, Mithra, Virbius, Attis, Osiris, des rites de carnaval, le mystère de la résurrection du Christ, la seconde naissance du baptême.
  9. La légende des “Basumbwas” [sic] d’Afrique de l’Est (p.132) Un homme voit son père, mort, conduire le troupeau de la Mort, et il le suit donc. Parvenu au pays de la mort, il voit la Mort elle-même. Il s’agit d’un homme dont un côté est magnifique et l’autre côté pourri, rongé par les vers. etc. Ses serviteurs collectaient les vers. Il prononça alors une malédiction : “Que celui qui est né aujourd’hui, allant commercer, se fera voler ; la femme qui conçoit aujourd’hui mourra avec son enfant ; L’homme qui cultive aujourd’hui, ses champs périront ; celui qui va dans la jungle se fera manger par un lion.” Le matin suivant la Mort prononce au contraire une bénédiction : “Que celui qui est né aujourd’hui devienne riche; la femme qui conçoit aujourd’hui enfantera un enfant qui vivra vieux ; L’homme qui cultive aujourd’hui, ses champs prospèreront ; celui qui va dans la jungle trouvera des proies, même des éléphants, car aujourd’hui je proncone la bénédiction.” Le père dit alors à son fils “si tu étais arrivé aujourd’hui, tu aurais eu plein de bonnes choses, mais comme tu es arrivé hier, il est clair que tu es maudit. Tu ferais mieux de repartir demain.”
  10. Viracocha, le dieu du soleil ambivalent.
  11. Le Livre de Job, où l’on voit un Dieu imprévisible.

“The Sun in the Underworld Lord of the Dead, is the other side of the same raidiant king who rules and gives the day.” (p.133)

Le soleil au Zenith rencontré par Kyazimba et le dieu farceur Edshu ne sont que deux faces d’une même pièce, dit-il (p.133) mais c’est, encore une fois, un raisonnement circulaire. Ils sont rattachés à la figure paternelle par un artifice de raisonnement, mais rien ne rapproche ces deux. Parce qu’il a montré qu’il existait des figures “ambivalentes” ou plutôt des dieux qui pouvaient se montrer tour à tout généreux ou énervés (Job, Viracocha, La Mort[Basumbwa], Le soleil [Navajo]), Cambpell croit pouvoir insérer dans cette catégorie des dieux non-ambivalents, qui se sont SOIT énervés SOIT été généreux.

10. Apothèose

Il cite ici surtout des Bouddhas.

  1. Avalokiteshvara.
  2. Hermaphrodite, censément fait des opposés. Pour les grecs, l’union des deux sexes est effectivement une félicité originelle (théorie de Phèdre dans le banquet de Platon) Sauf que pour les romains c’est vu comme une catastrophe. Bref, cette union n’est pas forcément félicité partout, il suffit de voir le traitement des intersexes à ces périodes.
  3. Shiva/shakti

Réinterpréter les boddhisatvas comme des dieux “bisexuels” [sic] est abusif.

11. La récompense ultime

Au départ l’auteur insistait sur l’aspect premier du schéma : héros s’en va – prend un truc -revient. Que prend-t-il donc ?

  1. Prince de l’Ile Solitaire (toujours Rubber Tintye) : “When the Prince of the Lonesome Island had remained six nights and days on the golden couch with the sleeping Queen of Tubber Tintye, the couch resting on wheels of gold and the wheels turning continually—the couch going round and round, never stopping night or day—on the seventh morning he said, « ‘It is time for me now to leave this place. So he came down and filled the three bottles with water from the flaming well. In the golden chamber was a table of gold, and on the table a leg of mutton with a loaf of bread; and if all the men of Erin were to eat for a twelvemonth from the table, the mutton and the bread would be in the same form after the eating as before. « The Prince sat down, ate his fill of the loaf and the leg of mutton, and left them as he had found them. Then he rose up, took his three bottles, put them in his wallet, and was leaving the chamber, when he said to himself: ‘It would be a shame to go away without leaving something by which the Queen may know who was here while she slept.’ So he wrote a letter, saying that the son of the King of Erin and the Queen of the Lonesome Island had spent six days and nights in the golden chamber of Tubber Tintye, had taken away three bottles of water from the flaming well, and had eaten from the table of gold. Putting his letter under the pillow of the Queen, he went out, stood in the open window, sprang on the back of the lean and shaggy little horse, and passed the trees and the river unharmed. »
  2. L’amrita dans la guerre entre les asuras et les devas
  3. Promethée
  4. Mahu-ika gardien du feu (mythe des Maui de Polynésie)
  5. La plante d’immortalité de Gilgamesh.

Le texte associe perpétuellement la récompense ultime avec l’immortalité et donne donc des tas d’exemples d’immortalité. La méthode nous est familière. Plutôt que de parler de la variété des récompenses d’aventuriers, et donc la variété des messages, il focalise sur un sous-type puis fait comme s’il avait été exhaustif.

Le Retour

étape beaucoup moins explorée, pour des raisons évidentes. La plupart des termes ci-dessous semblent tous se compléter en une seule étape : s’enfuir, vaincre l’adversité.

“WHEN the hero-quest has been accomplished, through penetration to the source, or through the grace of some male or female, human or animal, personification, the adventurer still must return with his life-transmuting trophy. The full round, the norm of the monomyth, requires that the hero shall now begin the labor of bringing the runes of wisdom, the Golden Fleece, or his sleeping princess, back into the kingdom of humanity, where the boon may redound to the renewing of the community, the nation, the planet, or the ten thousand worlds.”

12. Refusal of the Return

Comme le Héros avait peur de partir et quitter son quotidien, il peut avoir peur de quitter la terre qu’il a conquise, de partager le don qu’il vient d’acquérir.

Exemples :

  1. Le Bouddha Shakyamunki doutait de sa capacité à réellement amener le Nirvana aux hommes, bien qu’il l’ait atteint lui-même.
  2. L’histoire hindoue de Muchuduka, un général né du flanc droit de son père après que ce dernier ait avalé une potion de fertilité.(ALERTE GENDER) Il était tellement puissant que les Devas l’appelaient tout le temps dans leur guerre contre les Asuras (Campbell dit bien sûr Dieux vs. Démons) que les dieux lui accordèrent ce qu’il voulait, mais il était tellement balèze qu’il demanda simplement à dormir d’un sommeil éternel, et à détruire quiconque le réveillerait.
  3. L’histoire de Krishna, après sa victoire contre les rakshasas, confronta des barbares, les trompa pour les mener dans une caverne où, justement, le chef tomba sur Muchuduka, qu’il réveilla, croyant à un déguisement de Krishna. Quand Muchuduka ouvrit les yeux sur lui, il le réduit en cendres. Il vit ensuite Krishna, avatar de Vishnu et le reconnut. Il se prosterna et et se lança dans une supplique sur les ruses de Vishnu et sur l’inanité du monde. Il se rend compte que durant son sommeil les hommes sont devenus plus petits, moins forts, et qu’au final, même la compagnie des dieux ne le satisfaisait pas car eux-mêmes meurent, et eux-mêmes sont sujets au changement. “Muchukunda, in other words, instead of returning, decided to retreat one degree still further from the world. And who shall say that his decision was altogether without reason?”

13. The Magic flight or the escape of Prometheus (C’est un aveu?)

Etrangement, Cambelle ne cite pratiquement que des voyages dans l’au-delà ou l’Autre Monde, à l’instar de the Road of Trials.

  1. Gwion Bach, le héros gallois qui se retrouve dans la terre sous les vagues, où il devait braentretenir un feu un an durant sous la potion que la déesse Caridwen concoctait qui devait donner trois gouttes d’inspiration pour son fils monstrueux. Gwion Bach prend la place du fils, recevant l’inspiration, et le chaudron explose. Doté de prescience, il sent que Cardiwenn va le tuer et se change en lièvre pour fuir ; elle se change alors en lévrier. Suivent différentes métamorphoses : il se change en poisson, elle en loutre, lui en oiseau, elle en épervier. Dans une grange, il se transforme en grain de blé : Ceridwenn prend l’apparence d’une poule noire. Elle avale le grain de blé et quelque temps plus tard, donne naissance à un très bel enfant, réincarnation de Gwion Bach, à savoir Taliesin. (histoire incluse dans le Mabinogion)
  2. Les Bouriates racontent que leur premier shamane Morgon-kara, pouvait ramener des âmes d’entre les morts. Dieu, énervé, décida d’en subtiliser une, et de l’enfermer dans une bouteille, qu’il fermait de son pouce. Morgon-kara la chercha longtemps : forêts, mers, rivières, aucune trace. Il se changea en abeille et piqua Dieu, ce qui libéra l’âme. Il s’enfuit ensuite, chevauchant son tambour. La fuite ne fut pas entièrement réussie, hélas, Dieu brisant son tambour en deux dans son escapade, ce qui explique la perte de pouvoir des shamanes depuis. “And so that is why shaman drums, which originally (according to this story of the Buriat) were fitted with two heads of skin, from that day to this have had only one” Et j’imagine aussi, pourquoi les shamanes ne sont plus capables de ramener les morts.
  3. Un pêcheur néo-zéalandais revenait chez lui un soir et se rendit compte que sa femme avait avalé ses deux fils. Avec sa magie, il parvint à les lui faire recracher, et il avait désormais peur de son ogresse d’épouse. Un jour qu’elle alla chercher de l’eau, il lança un sortilège pour que l’eau la fuie, pour gagner du temps. Puis, il demanda aux objets de l’aider et ses enfants dans leur fuite en la distrayant. En revenant, l’ogresse appelle, ne trouvant personne, mais c’est un puits qui lui répond. Elle se dirige dans cette direction. Puis les maison, les arbres, imitèrent la voix du mari également, la faisant tourner en rond, laissant suffisamment de temps à la fuite.
  4. Deux enfants kidnappés par une Water Hag profitent d’être à la messe du dimanche pour s’échapper. Ils lancent une brosse à cheveux derrière eux, qui se change en montagne à multiples pics ; de même pour un peigne, qui se change en montagne-peigne ; puis un miroir, qui se change en montagne si lisse que la Water Hag n’arrive pas à le gravir. Elle va chercher une hache pour la briser, mais il est trop tard.
  5. Persée
  6. Jason et la toison d’or
  7. Izanami et Izanagi
  8. Orphée et Eurydice

“Powers of the abyss are not to be challenged lightly” (p.188)

 

14. Rescue from without

Cette étape me semble redondante avec la précédente. Une fuite magique et un secours venu de l’extérieur ? Ils semblent s‘exclure mutuellement dans la plupart des histoires.

  1. Le Corbeau, histoire eskimo, qui entre dans le ventre de la baleine y découvre une femme dans une pièce, éclairée par une lampe. La femme représente l’âme de la baleine et est hospitalière envers le Corbeau. La lampe était alimentée par de l’huile gouttant d’un tube du plafond, le long de la colonne vertebrale, il avait défense d’y toucher. A un moment d’inatention de la femme, il goûte l’huile, et en veut toujours plus, finissant par rompre le tuyau dans sa gourmandise, noyant la lumière et tuant la baleine. Après 4 jours de rebondissement dans ses entrailles, elle est déposée sur le rivage par les vagues.
  2. L’histoire d’Amaterasu qui est, pendant quelques chapitres aux alentours de 2009, l’attaque la plus puissante de l’univers de Naruto, une déesse shinto (japon) du soleil. Craignant les attaques de son frère Susanoo qui est pendant quelque chapitres aux alentours de 2009 la défense la plus puissante de l’univers de Naruto une autre divinité Shinto, de l’orage, elle se retire. Il s’était en effet conduit de façon innappropriée détruisant et polluant ses rizières et possessions, allant jusqu’à balancer au travers du toit d’un de ses hall un cheval écorché (?). Amaterasu, le soleil, en se planquant met en péril le monde. Les autres divinités, près de 8 millions, se réunissent autour de grand feu, devant la caverne où Amaterasu s’est recluse et devisent pour l’en tirer. Ils produisent un arbre, des bijoux, des offrandes de vêtements, un miroir… Aux abords de grands feux, une jeune déesse, Uzume, fit une danse joyeuse et bruyante. Tous les dieux rirent bruyamment. Amaterasu sortit la tête de son refuge pour voir ce que c’était. Elle demande la raison de tout cela, pensant qu’une fois désertées de sa présence, les plaines du ciel seraient mornes et sombre. Uzume dit que leur bonheur vient de ce qu’il y a une divinité plus illustre qu’Amaterasu elle même. Piquée de curiosité elle sort, vers le miroir désormais fixé sur l’arbre et s’approche de plus en plus, contemplant son propre reflet. Alors qu’elle est sortie, un dieu l’attrappe par le bras, et un autre passe une corde (shimenawa) au travers de l’entrée, lui disant qu’elle ne peut pas y retourner, garantissant que si le soleil se retire pour se reposer, il ne se retire pas définitivement.
  3. Inanna sauvée par deux créatures sans sexes – créées par Enki – qui amenèrent “l’eau de vie” et la “nourriture de vie” et aspergèrent son cadavre pourrissant dans l’au-delà soixante fois de chacune, la ressucitant.
  4. Le petit chaperon rouge est probablement une redite d’Amaterasu. Voilà.(p.196)

15. The Crossing of the Return Threshold

De la difficulté de revenir avec un savoir trop élaboré pour le commun des mortels.

  1. Rip van Winkle histoire américaine datant de 1819.
  2. Oisin le fils de Finn MacCool : “he is visited by a fairy woman called Niamh Chinn Óir (Niamh of the Golden Hair or Head, one of the daughters of Manannán Mac Lir, a god of the sea) who announces she loves him and takes him away to Tir na nÓg (« the land of the young », also referred to as Tir Tairngire, « the land of promise »). Their union produces Oisín’s famous son, Oscar, and a daughter, Plor na mBan (« Flower of Women »). After what seems to him to be three years Oisín decides to return to Ireland, but 300 years have passed there. Niamh gives him her white horse, Embarr, and warns him not to dismount, because if his feet touch the ground, those 300 years will catch up with him and he will become old and withered. Oisín returns home and finds the hill of Almu, Fionn’s home, abandoned and in disrepair. Later, while trying to help some men who were building a road in Gleann na Smól lift a stone out of the way onto a wagon, his girth breaks and he falls to the ground, becoming an old man just as Niamh had forewarned. The horse returns to Tir na nÓg. In some versions of the story, just before he dies Oisín is visited by Saint Patrick. Oisín tells the saint about what happened and dies” [Wikipédia]
  3. Divers pratiques sur le fait de ne pas toucher le sol. Frazer. Evidemment.
  4. Kamar al-Zaman, pendant qu’il dormait dans sa tour, reçut la visite d’une princesse chinoise, Budur, fille du seigneur des îles et des mers et des sept palais, amenée par les deux Djinns Dahnash et Maymunah, placée dans son lit par leurs soins. Maymunah pensait Kamar le plus beau, et Dahnash pensait que c’était Budur. Ils firent venir un Ifrit (autre sorte de Djinn) pour les départager, mais il ne put rien faire. Ils réveillèrent Kamar en faisant mordre sa nuque par une tique, qui contempla la beauté de Budur avec émerveillement. Il crut que c’était la femme que son père le voulait épouser, mais n’arrive pas à la réveiller. Malgré ses transports, craignant d’être observé, il se contint et se contenta de prendre l’anneau qu’elle avait à son doigt. Budur fut réveillée par les Djinns. Maymunah réveilla Budur avec une tique qui mordit très près de sa vulve. Elle se réveilla et vit Kamar endormi, et sans crainte d’être observée se jeta sur lui, voyant qu’il avait pris son anneau, et l’embrassa et l’étregnit fortement, avec passion et luxure, le couvrant de baisers, “for that the desire of women is fiercer than the desire of men” [x].  Elle reprit son anneau, s’endormant contre lui. Dahnash perdit donc l’argument Kamar s’étant retenu mais pas Budur. Le lendemain ils se réveillèrent sans l’autre être merveilleux aperçu pendant la nuit et pleurèrent.

Vous avez remarqué des seuils ? Des barrières ? Moi non plus.

Il y a un changement de monde, certes, mais le terme threshold parait ici abusif.

16. Master of the Two Worlds

“Freedom to pass back and forth across the world division, from the perspective of the apparitions of time to that of the causal deep and back—not contaminating the principles of the one with those of the other, yet permitting the mind to know the one by virtue of the other—is the talent of the master.” (p.212-3)

Campbell doit être aussi fatigué que moi, puisqu’il ne donne, en tout et pour tout, que DEUX exemples :

  1. Jésus transfiguré aux côtés de Moïse et Elias devant Pierre, Jean et Jacques (Mathieu, 17:1-9)
  2. Krishna qui révèle à Arjuna sa forme absolument transcendante et révélatrice de l’immensité cosmique de la mêmitude multiple, à savoir Vishnou. Campbell passe littéralement 3 pages à citer la Baghavad Gita (1:45-46, 2:9)

Je ne saurais même pas vous dire à quoi ça correspond. D’accord, il est assez clair que le héros doit aller au contact d’une connaissance transcendante, qui dépasse les barrières de la raison, mais cela était le sujet de l’Apothéose, étape de l’initiation. Je ne comprends pas le sens de cette redite. Certes, ceux qui reviennent dans le monde sont… maîtres des deux mondes ? Mais Jésus ne fait rien d’autre qu’apparaître magnifique à Pierre et autres, de même que Krishna : ils montrent dans un monde qu’isl sont représentatifs du monde supérieur, soit.

Cependant cette fonction est loin d’être accomplies par tous les héros rentrant chez eux. Merry et Pippin sont bien supérieurs à leur retour à l’habitant moyen de la contrée, mais ils ne transportent pas avec eux une révélation cosmique de la nature de celle de Jésus ou de Krishna.

J’espère avoir été assez clair quant aux prérequis mystiques de ce modèle. Être maître de deux mondes ne peut pas constituer l’essence de cette étape, c’est être maître des mondes divin et humain, qui la constitue en premier lieu.

17. Freedom to Live

  1. Gwion Bach, après avoir été réincarné en Taliesin chante auprès de la cour d’un roi qu’il a vu l’Arche de Noé, la fondation de Rome, bububu, ce qui prouve que, euh, il est libre j’imagine.
  2. Je dirais bien qu’il y a Abraham et les métamorphoses d’Ovide mais c’est tellement… Accessoire :

The hero is the champion of things becoming, not of things become, because he is. « Before Abraham was, I AM. » He does not mistake apparent changelessness in time for the permanence of Being, nor is he fearful of the next moment (or of the « other thing »), as destroying the permanent with its change. « Nothing retains its own form; but Nature, the greater renewer, ever makes up forms from forms. Be sure there’s nothing perishes in the whole universe; it does but vary and renew its form. » Thus the next moment is permitted to come to pass.—When the Prince of Eternity kissed the Princess of the World, her resistance was allayed. « She opened her eyes, awoke, and looked at him in friendship. Together they came down the stairs, and the king awoke and the queen and the entire courtly estate, and all looked at each other with big eyes. And the horses in the court stood up and shook themselves: the hunting dogs jumped and wagged their tails: the pigeons on the roof drew their little heads out from under their wings, looked around, and flew across the field: the flies on the wall walked again: the fire in the kitchen brightened, flickered, and cooked the dinner: the roast began again to sizzle: and the cook gave the scullery boy a box in the ear that made him yell: and the maid finished plucking the chicken. »

Donc une fois que le héros est rentré il est libre de faire des choses, j’imagine. Que voulez-vous dire sur un exemple ?

 

Il reste une bonne moitié de l’ouvrage de Campbell, mais cela ne soulèverait que d’autres questions et n’en résoudrait que peu, aussi concentrons-nous sur cette première partie qui prétendait expliquer et justifier le schéma.

Premièremement, notons que séparer le retour en divers étapes est simplement inutile. Cela ne lui sert même à expliciter chacun des tableaux, non, le héros s’enfuit, magiquement, en se faisant secourir de l’extérieur, pour ensuite être maître des deux mondes et avoir la liberté de faire des trucs. Chacune de ces étapes dénote le regain de liberté et se recoupent en de nombreux points, à tel point qu’il semble avoir renoncé à exemplifier la dernière, et qu’il me semble simplement impossible de considérer son schéma comme chronologique : toutes ces étapes se passent généralement en même temps.

Faisons un tableau récapitulatif, voulez-vous ?

The changes rung on the simple scale of the monomyth defy description. Many tales isolate and greatly enlarge upon one or two of the typical elements of the full cycle (test motif, flight motif, abduction of the bride), others string a number of independent cycles into a single series (as in the Odyssey). Differing characters or episodes can become fused, or a single element can reduplicate itself and reappear under many changes. (p.228)

Autrement dit c’est la fête du slip.

Quels sont les vrais monomyths cités en ces lieux, qui en suivent un nombre raisonnable d’étapes ?

Dans les faits, aucun. On en trouve par contre qui suivent le schéma du proto-monomyth : “Le héros se barre et ramène un truc”. Appelons le le Hérosbar.

  1. Les argonautes
  2. Les Jumeaux des Navaho
  3. Le Ramayana
  4. Jésus
  5. Bouddha

Y trouve-t-on vraiment des femmes comme tentatrices, des rencontres avec la déesse, des apaisements avec le père, toujours ? Non.

Peu importe le nombre de mythes épisodiques ou d’anecdotes rituelles que Campbell cite, il ne parvient pas à démontrer l’importance de la moitié des étapes de son schéma dans un mythe d’aventure. Le reste se limite au Hérosbar.

Parfois on s’appuie exclusivement sur les occurrences modernes pour valoriser le monomyth, et pourquoi pas ? Ce n’est pas différent de n’importe quel manuel d’écriture, il faut bien des exemples.

Il est bien connu que Matrix suit le schéma (en faisant exprès) de même que Star Wars (aussi voulu) et il a été observé que le Seigneur des Anneaux aussi, ce qui est étonnant, étant donné qu’il est sorti près de deux ans avant le HTF.

Sauf que ce n’est pas un mythe ni même un rêve, c’est l’élaboration minutieuse d’une aventure littéraire, qui prit des anneés à Tolkien. Difficile d’invoquer la spontanéité ou l’automatisme.

Il a été noté Harry Potter suit le schéma de façon cyclique, à ceci près que cela se répète d’année en année, et, de même, Buffy contre les vampires.

Va-t-on pour autant prétendre que c’est l’adéquation avec le schéma qui garantit leur succès ? Non, certains vont même jusqu’à se plaindre que la fantasy moderne empruntait le schéma mais “oubliait” le retour, rendant tout cela caduc. Même Campbell aurait admis que des histoires où le héros reste piégé dans l’autre monde ou qu’il ne parvient pas à ramener son prix ont des fonctions diverses. Et c’est un autre problème : parfois c’est l’absence de certaines étapes qui font la forme et la fonction d’un mythe.
ainsi Orphée : c’est bien parce qu’il ne parvient pas à ramener Eurydice que son mythe est signifiant. Jésus est constamment invoqué mais son mythe est signifiant parce qu’aucune des étapes ne s’applique. Il n’y a pas d’appel à l’aventure, sa vocation est innée ;  il n’y a pas de mentor ou d’auxilliaire surnaturel, son savoir est inné, etc. L’endroit le plus plausible pour l’appel (ou plutôt le refus de l’appel) se situe au mont des Oliviers, quand Jésus fait mine de renoncer à sa vocation :
Puis il s’éloigna d’eux à la distance d’environ un jet de pierre, et, s’étant mis à genoux, il pria, disant : Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne. Alors un ange lui apparut du ciel, pour le fortifier. (Luc 22:42-44, trad. Louis Ségond) …mais alors tout ce qui se passe avant, c’est du flan ? Les marchands du temple, les miracles, la résurrection de Lazare, l’exorcisme de Légion, TOUT serait du flan. Endroit singulier pour démarrer l’histoire de Jésus, chapitre 22 de Luc, dans la mesure où il y en a 24.
L’ange serait l’auxilliaire surnaturel… Sauf qu’il ne fait qu’apparaître. Il n’a pas d’autre rôle. Passer la porte du jardin serait passer la première frontière, sauf que le monde ne devient pas dangereux à ce moment-là, les soldats ont pénétré le jardin. Comment serait-ce la frontière vers le monde extraordinaire ?
La rencontre avec la déesse demanderait de redoubler de mauvaise foi (soit on dit que Jésus se rencontre lui-même soit que la présence de Marie fait office de déesse). The Road of Trials, of pas de problème, le fouet et le chemin de croix. La femme comme tentatrice ? On dira que c’est la foule qui le tente ! En l’insultant. Ce qui le tente de faire… Quoi ?
Et comment parler d’apaisement avec le Père, quand c’est sur la croix que Jésus exprime la pire critique du Père ?
L’apothéose est assez littérale, de même que the Ultimate Boon ou le Maître des Deux Mondes, mais de même, interpréter les trois jours de délais comme un refus de revenir, ou son retour comme une escapade magique, dans la mesure où il n’était pas vraiment prisonnier…
Et Jésus est un des exemples les plus cités et paradigmatiques et c’est paradoxalement l’exemple qui me semble le plus encombrer le modèle (en ce que l’apothéose, le Maître des Deux Mondes, la Récompense Ultime sont bien moins facile à déceler ailleurs et en ce que les étapes décrites ici n’ont aucune pertinence ici en tant qu’étapes.

Conclusion : Chimère et cake au citron

Les défenseurs de cette théorie, 90% du temps, signifient simplement qu’ils veulent voir un héros partir à l’aventure, être confronté à des épreuves et des ténèbres, croître et rentrer chez lui. La réfutation ci-dessus n’aura pas prise sur eux, parce qu’ils n’étaient même pas conscients des arguments et motifs de Campbell, prenant souvent pour argent comptant une variante du schéma.

Donc là forcément on se barricade dans la “motte” de notre discipline: « mais la comparaison n’est-elle pas importante en histoire des religions ? »

Cette question est une des tartes à la crème de la discipline, surtout que ce n’est pas – de loin – une discipline étanche et bien définie.

Pour trancher un long débat, la comparaison est quelque chose d’utile et de pertinent à faire dans un espace culturel connecté ou simplement pour mettre en évidence des différences, pour mettre à l’épreuve nos a priori, en aucun cas pour abolir les différences. Prenez par exemple Aurore Pétrilli, qui compare justement les trésors conquis par les héros grecs, toison d’or ou pommes des héspérides. Ca fait sens. [« Le trésor du dragon : pomme ou mouton ? », Gaïa, vol. 16, 2013.]

En fait de tarte à la crème, imaginons quelqu’un qui dirait que le cake au citron est la recette ultime de l’histoire de l’humanité. La preuve ? Change la farine par de la viande et le sucre par des patates, et pouf, t’as un steak-frites

Ensuite il voudrait prouver que sa théorie est la théorie ultime et vous montrerait donc le sommaire de son ouvrage :

  1. Farine
  2. Sucre
  3. Levure
  4. Oeufs
  5. Citron
  6. Beurre

Il s’appliquerait ensuite à montrer que la farine se retrouve dans les spaghettis, le pain, que le couscous y ressemble un peu d’ailleurs. Pareil pour les oeufs, on en trouve dans les meringues, les biscuits sablés, la tortilla, les omelettes, les oeufs au plat, etc…

Il montrerait que chacun de ces éléments se retrouve dans moult autres plats et repas et expliquerait en quoi cela prouve leur fonction dans le grand schéma du cake au citron.

Il ne dirait pas que tous ces plats sont différents et remplissent des fonctions différentes, voire qu’il existe des plats qui se passent bien de ces ingrédients. Il parviendra même à inclure ceux-ci dans son schéma : tout fruit n’est qu’une forme subsumée de citron. Les oeufs finissent par devenir des animaux, donc toute viande est déjà contenue dans les oeufs, de même que tous les champignons dans la levure et toutes les céréales dans la farine.

Mais à aucun moment il n’a prouvé la supériorité de cette recette sur les autres, à aucun moment il ne s’est arrêté pour s’interroger sur le rôle du pain, constitué uniquement de farine et pourtant bien plus répandu, consommé, élémentaire, proverbial.

Je me sens exactement pareil face à Campbell.

Certes, sa recette fait sens.

Le fait est que les mythes d’aventure existent. Le fait est qu’il faut bien qu’il y ait un appel à l’aventure (sinon pourquoi partir ?) et que souvent on le refuse (parce que sinon c’est trop facile). Souvent, on trouvera une récompense (de quoi on  a l’air à revenir les mains vides ?) et on affrontera des périls (sinon l’histoire serait ennuyeuse) avant de revenir (parce que le Mordor c’est sympa à visiter mais j’aimerais pas y vivre). Est-ce pour autant que c’est plus important ou singulier que d’autres tropes, tel le Fils de la Veuve, les mythes cosmogoniques, les mythes de Déluge ?

A mon sens moins.

On en trouve, mais leur grande majorité sont des histoires très travaillées, conçues ou collectées par des auteurs modernes. Jack grimpe un haricot magique pour voler une oie aux oeufs d’or, le Petit Poucet s’empare des bottes de sept lieues… Ca existe ! Néanmoins elles apparaissent manifestement en Europe. Et tardivement.

Campbell me semble pareil à ces charlatans qui cousaient un torse de singe sur un gros poisson, le momifiaient et prétendait que c’était une sirène pour appater le chaland. Il existe des tropes. On peut les recenser, les comparer, et parfois ils se suivent, mais il ne démontre pas la fonction qui les unirait.

Mais n’est-ce pas un argument en faveur de Campbell justement ? Les formes les plus pures du monomyth ressurgissent dans la société occidentale désenchantée, parce que c’est là qu’on en a le plus besoin !

C’est une défense plausible, si ce n’était que Campbell défend pratiquement le contraire :

“In the later stages of many mythologies, the key images hide like needles in great haystacks of secondary anecdote and rationalization;  for when a civilization has passed from a mythological to a secular point of view, the older images are no longer felt or quite approved. In Hellenistic Greece and in Imperial Rome, the ancient gods were reduced to mere civic patrons, household pets and literary favorites. Uncomprehended inherited themes […] were rationalized and reinterpreted to suit contemporary ends […] and in modern progressive Christianity, the Christ – Incarnation of the Logos and Redeemer of the World – is primarily a historical personage, a harmless country wise man  of the semi-oriental past who preached a benign doctrine of “do as you would be done by” yet was executed as a criminal. His death is read as a splendid lesson in integrity and fortitude.” (p.230)

Le Monomyth est, dans cette vision, originel, hérité, et c’en sont les traces qu’on détecte. Il ne peut pas juste surgir comme un champignon de la modernité.

Ce qui est risible c’est que la plupart des exemples pertinents qu’il exhume viennent de “later stages of many mythologies” écrits, compilés, figés : la Baghavad Gita contient une énorme part de rationalisation et de philosophie par rapport à la mythologie védique, idem pour le matériel Juif ou chrétien (Jésus, Jonas, Livre de Job, Saint Bernard de Clairvaux, Pierre…) grec (Actéon, Phaeton, Psyché…) sumérien (Gilgamesh) ou Romain (Enée) sans parler des occurences modernes (Belle au Bois Dormant, Petit Chaperon Rouge, ) QUI FORMENT LES EXEMPLES LES PLUS PERTINENTS DE SA THÉORIE. Où littératures orales ? Où les mythes pygmées, où les mythes dogons, sinon pour illustrer des arguments imbriqués les uns dans les autres à la trivialité fractale ? Ce sont les civilisations les plus “séculières” qui fournissent la base de son argument.

Il me semble que ces histoires ont des fonctions d’édification, de réflexion et de divertissement, ce qu’elles remplissent très bien, et a fortiori d’autres histoires sont encore plus divertissantes, émouvantes, satisfaisantes.

En aucun cas je ne nie l’intérêt de ce “modèle” dans sa forme la plus dévergondée. Il fonctionne. En montrant un héros croître et rentrer chez lui, on montre l’évolution de façon édifiante, par comparaison avant/après. Néanmoins ces sensations ne sont pas les seules qu’on peut et doit procurer par le récit, ni le monomyth la seule façon des les procurer ou dans cet ordre là.

Campbell, en guerre contre la rigidité des religions autant que dans la sécularisation du monde ne s’est pas rendu compte que nier le culte ou le réinterpréter dans une perspective mystique sont deux facettes opposées de la modernité, comme le montrent les exemples de Quinet, Michelet ou Leroux dans la monarchie de Juillet.

J’ai baptisé le proto-monomyth “hérosbar”, mais en fait, vous savez qu’il y a déjà un terme technique pour les histoires de héros qui partent, subissent des épreuves (peut-être) et reviennent (peut-être) ?

Des aventures.

Et des aventures, oui, il en existe beaucoup.

Et vous savez où est-ce qu’on a le plus écrit ces histoires de plongée dans l’incertitude ? Dans les contrées les plus sécurisées, civilisées, assurées de leur existence. Niveau dasein, ça peut le faire de jouer à se faire peur avec des histoires et un happy ending en situation de survie, mais étonnamment, c’est aussi intéressant de le faire dans une histoire où la majorité des risques ont disparu, où les prédateurs ont été reclus aux confins du monde, mourant.

La plus grande énigme reste pour moi le Seigneur des Anneaux. La concordance du roman avec le schéma a été notée moult fois (Heroes of Middle-Earth et 1 2)  Tolkien avait tant de sources qu’il n’est pas dur de supposer qu’il en a eu assez en commun avec Campbell.

Je suis certain que des livres ont été écrits sur la question. Peut-être même Campbell lui même a-t-il écrit sur Tolkien ? Je n’en sais rien, mais il est certain que Tolkien a écrit sur le sujet des légendes et du christianisme :

The Evangelium has not abrogated legends; it has hallowed them, especially the « happy ending. » The Christian has still to work, with mind as well as body, to suffer, hope, and die; but he may now perceive that all his bents and faculties have a purpose, which can be redeemed. So great is the bounty with which he has been treated that he may now, perhaps, fairly dare to guess that in Fantasy he may actually assist in the effoliation and multiple enrichment of creation. All tales may come true; and yet, at the last, redeemed, they may be as like and unlike the forms that we give them as Man, finally redeemed, will be like and unlike the fallen that we know. (J. R. R.Tolkien, On Fairy Stories)

Et cette dialectique de l’aventure redemptrice que Tolkien décrit ici sur les contes de fées montre qu’il existe déjà des analyses de texte antérieures (moins systématiques) qui préludent Campbell.

Néanmoins, si on pouvait tous arrêter de faire passer des marottes européennes du XXe pour des besoins fondamentaux et universels de l’être humain, ce serait un progrès.

Revenons aux similitudes et aux vertus de la comparaison. Il est vrai qu’on est tenté de les expliquer : unité psychique de l’humanité ou diffusion de mythes donnés depuis un point du globe depuis la préhistoire ?

Le fait est qu’on n’en sait rien et ce dont on ne peut pas parler, il faut le taire. On ne sait pas comment naissent ces histoires. Spéculer dessus peut vous occuper de longues soirées, et notre discipline a commencé comme ça, mais il est temps de grandir : plutôt que de peindre un scénario au-delà de toute preuve, contentons-nous de parler de ce qu’on a sous les yeux. Et si vraiment il vous faut une thèse, prenez toujours la plus matérialiste et la plus simple.

Prenez les mythes de Déluge. Les gens sont très prompts à les accepter comme preuves d’un cataclysme préhistorique(“L’ATLANTIDE!!1!!!1”), ou le signe qu’on aurait cette histoire en notre inconscient collectif, comme un programme Windows installé par défaut, deux thèses IMPOSSIBLE à prouver.

Vous savez ce que je crois, personnellement ? Les hommes se sont installés près des rivières pour différentes raisons (hygiène, hydratation, agriculture, élevage). Un jour il pleut. Beaucoup. La rivière croît et broie. Leurs cultures sont détruites par les eaux montantes. Les fondements de leurs maisons errodés. Finalement, ça s’arrête, ils ont cru que ça ne s’arrêterait jamais. Ils sont sur une colline, ils regardent la ville désertée, les maigres efforts qu’ils firent pour tenter d’endiguer.

T’imagines ? dit l’un d’entre eux autour du feu ce soir. T’imagines, si ça s’arrêtait jamais ? Si il pleuvait comme ça pendant des jours et des jours, jusqu’à recouvrir toutes les collines ?

Et ils imaginent.

Les crues sont dangereuses. Les hommes doivent leur survie à leur adaptation au danger. Supposer que les hommes ont, chacun de leur côté, imaginé un scénario catastrophe est très plausible, sinon prouvable.

Pourquoi est-ce que je la préfère, alors ? Parce qu’elle, au moins, n’ajoute pas de concepts superflus tel l’inconscient collectif (quoique ça veuille dire) ou l’Atlantide. Pourquoi est-elle moins répandue ? Parce que les hommes aiment les histoires et que celle-ci manque de drame.

 

Les hommes aiment les histoires.

J’ai pleuré en finissant Le Vicomte de Bragelonne, j’ai tremblé pendant les Mémoires d’Hadrien, j’ai retenu un cri à la fin de Six Feet Under, j’ai perdu pied avec Clamence dans La Chute, j’ai serré le coeur tout du long du Grand Voyage de Semprun.

Certaines histoires restent avec nous, nous forment, et je suis persuadé que la façon dont on se raconte notre vie, notre génèse, les histoires qu’on retient qu’elles nous concernent ou non font une grande part de ce que nous sommes ; notre identité est narrative, est une narration.

Je suis loin la personne la plus impliquée dans les fictions que je visite. Quand je lis Aïcha de Nobody Cares raconter son lien à Community de Dan Harmon, je suis obligé d’ajouter un bémol à ce que je disais ici.

Ce (long) texte visait à montrer que cette théorie est surrestimée, se base sur peu et transporte une psychologie dépassée. Néanmoins, Dan Harmon s’en est inspiré pour créer un modèle de storytelling encore plus basique (et tant mieux):

  1. A character is in a zone of comfort,
  2. But they want something.
  3. They enter an unfamiliar situation,
  4. Adapt to it,
  5. Get what they wanted,
  6. Pay a heavy price for it,
  7. Then return to their familiar situation,
  8. Having changed.

Loin, les dragons et les déesses, ça définit la plupart des épisodes de Malcolm in the Middle.

Dan Harmon a la pédanterie de prétendre que si une histoire ne respecte pas ce schéma, certes vague, elle est ratée. C’est un beau No True Scotsman, bien sûr, puisque les histoires qui sortiraient du schéma sont écartées en invoquant leur irrespect du modèle. Et il le prétend universel à un degré qui ferait rougit Campbell

Realize that it’s hardwired into your nervous system, and trust that in a vacuum, raised by wolves, your stories would follow this pattern. (story structure 101)

Comme beaucoup de fans de Campbell il semble négliger pratiquement toutes les histoires ici évoquées qui échouent à cela. Des tonnes d’humains se racontent des histoires sans but, sans structure, sans récompense, est bien souvent très chiantes, pour la simple raison qu’elles ont parfois d’autres fonctions qu’être de bonnes histoires.

Par contre, il prend énormément de liberté avec le modèle :

I’m using the phrase « meeting with the goddess » because Joseph Campbell thought about these things longer and harder than me. Syd Field calls this « the mid point. » Catchy. Robert McKee probably calls it « the nexus of inclination » or something. Unless I’m mistaken, African Americans call it Kwanza. […] It could be anything, good or bad. A lot of times, it’s a healthy dose of both. In a hard-boiled detective story, or a James Bond adventure, this could be a more literal, intimate « meeting, » if you know what I mean, with a powerful, mysterious female character. This is a great time for sex or making out with the hot chick, especially if your protagonist has been kung-fuing everybody he meets for the past half hour (or, in Channel 101’s case, for the past 60 seconds).

But the goddess doesn’t have to be a femme fatale or an angelic damsel. In an all-male or all-female play that takes place around a poker table, the « goddess » could be a character’s confession that they lost their job. The goddess can be a gesture, an idea, a gun, a diamond, a destination, or just a moment’s freedom from that monster that won’t stop chasing you. (Story Structure 104)

…Ben non. Campbell manque de rigueur avec ses titres, mais “Meeting with the Goddess” est plutôt explicite.

The ultimate adventure, when all the barriers and ogres have been overcome is commonly represented as a mystical marriage [hieros gamos] of the triumphant hero-soul with the Queen Goddess of the World. (p.100)

She is the paragon of all paragons of beauty the reply to all desire, the bliss bestowing goal of every hero’s earthly an unearthly quest. She is mother, sister, mistress, bride. (p.101)

…Mais il semble qu’elle soit très ELLE, très féminine.

Maintenant je suis très content que les storytellers se sentent libre de faire n’importe quoi de cette étape, c’est très bien, go Dan Harmon, mais le fait que Meeting with the Goddess soit CONSTAMMENT sauté, oublié, transformé, déformé, me semble montrer à quel point ce passage est embarrassant et inutile.

Le modèle de Dan Harmon me semble avoir beaucoup de problèmes, premièrement, le héros obtient forcément ce qu’il veut, ce qui manque dans beaucoup d’histoires. Deuxièmement, ça ne traite pas des épicycles que formeraient les arcs narratifs des divers personnages. Troisièmement, il ne garantit pas que ce soit une bonne histoire. Dan Harmon a écrit les trois premières saisons de Community, c’était trop bien, il s’est servi de ce modèle à foison. Hé vous connaissez un autre truc qui a utilisé ce modèle ? La saison 4 de Community qui a vraiment laissé un sale goût, faite sans Dan Harmon, qui s’était fait virer.

N’importe quel singe avec une machine à écrire peut remplir cette grille. A sa décharge, Harmon prétend le schéma indispensable, mais pas suffisant :

It’s not that stories have to follow this structure, it’s that, without some semblance of this structure, it’s not recognizable as a story. […] I am trying to show you how to make your own gunpowder. You can use it to make pretty fireworks or you can use it to blow up a building full of innocent babies, it’s not my place to care. (Story Structure 106, FAQ)

Au contraire, Campbell prétend que son schéma a une force et un contenu intrinsèque.

Mais au moins, le modèle de Harmon a le mérite de permettre de traiter de problèmes rééls.

Parce que oui, on a beau clamer qu’une énième histoire d’un mec qui récupère un objet brillant et qui tue un gros méchant en chopant une princesse transmet un message universel, la plupart des gens ne combattent pas d’ogres, et aimeraient bien voir leur problèmes vraiment se réfléter à l’écran, et pas juste être symbolisés par des vampires et des goules.

Chaque époque a ses douleurs. Si nous sommes occupés à parler de “l’universel”, qui dira les douleurs des schizophrènes dans notre système de santé ? Où seront les épopées d’une génération à qui on dit qu’il n’y a pas assez de travail pour tous, mais pas assez d’oeuvres ? Monde clôt et balisé, où les cabanes sont abattues pour faire propre. Nous avons beaucoup de problèmes. Nous regrettons des temps qui n’ont jamais existé, mais nous ne les ramènerons pas en ruminant des cadavres d’histoires.

Notre manque d’originalité n’est pas une porte vers Dieu, quelque chose qui contiendrait la clé d’un savoir transcendant nos contradictions. Notre manque d’originalité est ce qu’il faut dépasser.

Il nous faut faire notre propre musique.

Oeuvres citées :

Mythes cités plus d’une fois (par origine)

Gallois

  • Taliesin / Gwion Bach

Irlandais

Juif/chrétien

  • Jésus

Indien

  • Bouddha
  • Le Mahabharata

Navajo

  • Mythe des Jumeaux

Greco-romain

  • Enée
  • Les Argonautes
  • L’Odyssée

Perse

  • Kamar al Zaman

Sumérien

  • Gilgamesh

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Commentaires

2 réponses à “Le Héros aux Milles Approximations”

  1. […] vidéo-fleuve sur le monomyth de Joseph Campbell, se basant sur mon article d’il y a quelques années doit être à 50% écrite. J’aimerais essayer de la faire premièrement en anglais, son […]

  2. Avatar de Lily H. Kitling
    Lily H. Kitling

    Bonjour !
    Un grand merci pour cette analyse, ça fait du bien à lire ! Et j’ai pas mal ri aussi à plusieurs reprises, ça ne fait pas de mal non plus ! :P
    Bonne continuation !

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