Contre Chouard

Introduction

Sur Internet ne prévalent que les théories qu’on peut énoncer en toussant.

  • Le libertarianisme : «*Tousse* ! Moins d’État ! *Tousse*»
  • Le Revenu de Base : «*Tousse* Donnons de l’argent à tout le monde ! *Tousse*»
  • Et maintenant le chouardisme : «*Tousse* Tirons au sort nos députés ! *Tousse*»

Je simplifie ardemment, mais il me parait désormais impossible de tenter un débat sociétal, quel qu’il soit, sans qu’un de ces trois partisans viennent balancer dans le fil de commentaires son argument précuit, et tire de la brièveté de ses propositions un avantage inéchappable sur ses adversaires, puisque toute proposition contraire ou réfutation prendra bien plus longtemps à concevoir ou à énoncer. La règle de base de la rhétorique ce n’est pas de dire quelque chose que votre adversaire ne peut pas réfuter, c’est de dire quelque chose qu’il ne peut réfuter dans le temps qui lui est imparti.

Mon université ayant décidé qu’il était désormais préférable de tirer les délégués des élèves au sort, j’en ai déjà parlé et reparlé avec une certaine mauvaise foi et un certain succès (les deux vont souvent de paire), dépouillé que j’étais de mon droit de regard sur les délégués les plus inutiles que la terre ait porté.

Donc sur nos internets, dans nos fils de commentaires, sous nos vidéos, toujours plus de gens pour dire qu’il nous faut abolir l’élection et tirer au pif nos représentants.

Comment se fait-ce ? Le nœud du problème sur la sphère de l’internet francophone se trouve incarnée par Etienne Chouard, professeur bonhomme d’économie et de droit au collège, «champion du non» contre le traité européen, voté en 2005 en France.

Sa théorie : à Athènes, il y avait du tirage au sort, cela favorisait l’amateurisme politique, la répartition du pouvoir, empêchait sa concentration, faisait que les délégués du peuple étaient ses serviteurs plus que ses maîtres, etc. Donc il faut en réintroduire, notamment pour réécrire la constitution, afin de rétablir l’amateurisme politique souhaité, et la tournante du pouvoir, évitant ainsi nombre de ses maux.

Assoiffé d’audience et d’ouverture, pressé de répandre son message, Chouard s’est empressé de côtoyer les tribunes de gens peu recommandables, prenant dès lors une posture de plus en plus marginale et marginalisée : le méchant système oligarque il veut pas de nous parce que nous sommes la vérité et la voie, etc. la litanie des martyrs autoproclamés, fâchés que leur lumière s’arrête au pas de leur porte.

Ainsi on trouvera de nombreuses personnes pour décrier Chouard comme étant «confusionniste» cherchant à tisser des liens avec l’extrême-droite. Peut-il nier ? Il se targue lui-même de «discuter avec tout le monde».

Cependant, ces critiques ne portent pas sur les fans de Chouard, qui n’y voient qu’un moyen de l’oligarchie pour faire taire leur héraut. «Tu attaques des positions circonstancielles ! C’est l’inquisition ! Tu devrais vraiment lire ce qu’il écrit et attaquer ses positions, ou les conséquences réelles du tirage au sort en politique dans l’Athènes du IVe. s. !»

Soit.

J’ai donc décidé de faire ça : montrer le non sequitur dans l’argumentation de Chouard, ou pourquoi sa vision du tirage au sort me semble biaisée. Il n’a pas forcément tort : un raisonnement faux peut donner une conclusion vraie, le tirage au sort peut sans doute favoriser la santé politique. Néanmoins, ça ne se suit pas de ce qu’on observe à Athènes.

«(…)l’élection repose sur un mythe, une histoire qu’on nous raconte qui ne correspond pas à la réalité, qui est contredite par tous les faits […] le mythe de l’élection c’est que nous sommes capables de choisir de bons maîtres et parce que nous les avons choisis ils vont être bons» dit-il.

(Le tirage au sort comme bombe politiquement durable contre l’oligarchie, 1h13’)

…Or Chouard mythifie Athènes, au possible, il suffit de voir la vidéo dont est extraite cette citation.

On me répondra, comme lui, «Peu importe ce qui se passait à Athènes ! On ne veut pas ressuciter Athènes ! Il y avait de l’esclavage et on était pas super sympa avec les femmes, et la pédérastie, j’aime moyennement !» alors que c’est bien un des arguments phares de Chouard, l’expérience politique que fut Athènes et les conclusions qu’on peut en tirer :

“Nous disposons de 200 ans d’expérience et de résultats FACTUELS pour chacune des deux procédures : le tirage au sort a été testé pendant 200 ans, au Ve et au IVe siècle avant Jésus-Christ, et l’élection a été testée pendant également 200 ans environ, depuis la fin du XVIIIe siècle.
Quels sont les faits intéressants qui ressortent de ces deux expériences de longue durée ? Eh bien, pendant 200 ans de tirage au sort quotidien, les riches n’ont jamais gouverné, trop peu nombreux pour être majoritaires, et LES PAUVRES TOUJOURS.

Au contraire, pendant 200 ans d’élection, les riches ont toujours gouverné, malgré leur petit nombre, et LES PAUVRES JAMAIS.” – Etienne Chouard

Nous verrons la validité de ces assomptions en face des faits.

Or Chouard, non seulement connait mal Athènes, semble-t-il, malgré les sources respectables qu’il étale, mais il en tire des mauvaises conclusions.

La causalité c’est un truc compliqué, surtout quand on a peu d’exemples sous la main, et la causalité à partir d’évènement historiques encore plus, mais nous allons postuler qu’Athènes nous a donné quelques leçons.

Cependant ce ne sont pas du tout celles que Chouard tire.

Cet article se divise en trois parties d’importance inégales.

La première est une brève histoire institutionnelle d’Athènes. Ce genre d’infos se peut trouver partout et omet beaucoup de points importants, mais cherche juste à montrer la genèse de la démocratie.

La deuxième examine plus attentivement les institutions et le rôle du tirage au sort et de l’élection (qui y avait cours aussi) dans la cité phare de l’Attique. Pareillement, c’est une revue parcellaire.

Ces deux parties sont facultatives, elles ne font que poser le contexte, et une bonne part ne sont que des copier-coller du CNDP, de Wikipédia ou de divers ouvrages de référence. Hansen, qui est constamment brandi par Chouard, jusque dans ses bibliographies, m’a servi de base.

La troisième partie, Contre Chouard, par contre, présente le cœur de mon objection : pourquoi je pense que le tirage au sort n’est pas la panacée que Chouard nous promet

Bonne lecture.
***

Table des matières

Partie 1 : Brève histoire de la démocratie Athénienne

  • Avant la démocratie, VIIIe-VIIe s.
  • Solon et Dracon, les réformistes.
  • Tyrannie des Pisistratides (561-510)
  • Isagoras
  • Réforme de Clisthène (507)
  • Périclès (461-429)
  • Après Périclès

Partie 2 : Institutions et tirage au sort

  • Le Conseil des Cinq-Cents (Boulè)
  • Le collège des Archontes
    • l’Aréopage
  • Les magistrats
    • Magistrats religieux
  • Collège des Stratèges
  • Héliée, le tribunal du peuple
    • Parenthèse : Nomothètes

Partie 3 : Contre Chouard
ou
Où l’on constate que si Chouard est prof de droit, il ne l’est certainement pas d’histoire (Max Paker)

  1. Il y avait plus de contre-pouvoirs
    1. Avant le mandat : la docimasie
    2. En cours de mandat
      1. Ostracisme
      2. Procédures suspensives et inefficacité de la justice
        1. graphe para nomon
        2. eisangélia
    3. Après le mandat
  2. Il y avait une démocratie élective, extrêmement importante
  3. Les tribunaux étaient tenus par le peuple
  4. Il y avait une démocratie directe
  5. La digestion de la Loi, supérieure aux décrets, les vertus hoplitiques
    1. la peur du désordre et du laisser-aller
    2. La tyrannie n’aime pas le tirage au sort ? Elle n’aime pas l’élection non plus.
    3. Vertus aristocratiques.

Histoire de la démocratie Athénienne

Parlons un peu de ces deux siècles paradisiaques, mais d’abord, de ce qu’il y avait avant.

Avant la démocratie, VIII-VIIe s. (Hansen, pp. 51-53)

Athènes était alors gouvernée par les Eupatrides “les bien-nés”, les grandes familles qui désignaient en leur sein les dirigeants de la cité. Les plus puissants magistrats étaient alors les archontes, le plus puissant – l’éponyme – donnant son nom à l’année en cours, depuis Créon en 683 av. J.C. (N.b. Bien entendu, toutes dates sont des dates négatives, à rebours de l’an 0 mais pour des raisons d’économie et de ponctuation, cela ne sera plus mentionné)

Il semble que le collège des chefs de naucraria était une assemblée d’importance au pouvoir complémentaire à celui des archontes, mais on n’est même pas sûr de savoir ce qu’était une “Naucrarie”.(Le mot pourrait venir de naus, le navire ou naos, le temple)

Les citoyens étaient répartis en quatre tribus, elles-mêmes séparées en trois trittyes chacune et en douze naucraries (Constitution d’Athènes, 8.3, 21.5).

Il semblerait que l’Aréopage, constitué des anciens archontes préexistait à Solon (“Mais il paraît certain que Solon conserva, tels qu’il les trouva établis, le sénat de l’aréopage et le principe d’élection pour les magistrats, et qu’il créa seulement le pouvoir du peuple, en ouvrant les fonctions judiciaires à tous les citoyens.”). Les lois n’étaient pas écrites, les magistrats devaient les connaître par coeur, ce qui leur donnait bien sûr le monopole de la légalité en empêchant toute accusation d’illégalité contre eux, puisqu’il n’y a pas de référent écrit de la loi.(“Rien de plus funeste à l’état qu’un tyran : là d’abord l’autorité des lois n’est plus générale; lui seul dispose de la loi, et elle n’est plus égale pour tous. Mais les lois écrites donnent au faible et au puissant des droits égaux ; le dernier des citoyens ose répondre avec fierté au riche arrogant qui l’insulte ; et le petit, s’il a pour lui la justice, l’emporte sur le grand. La liberté règne où le héraut demande : « Qui a quelque chose à proposer pour le bien de l’état ? » Celui qui veut parler se fait connaître ; celui qui n’a rien à dire garde le silence. Où trouver plus d’égalité que dans un tel état? Partout où le peuple est le maître, il voit avec plaisir s’élever de vaillants citoyens; mais un roi voit en eux autant d’ennemis, et il fait périr les plus illustres et les plus sages, par crainte pour sa tyrannie. » Euripide, Suppliantes, v. 433-7)

Entre 750 et 600, les disparités entre riches et pauvres s’accentuèrent, peut-être pour des raisons purement démographiques, Athènes n’ayant pas écrémé sa population excédante en créant des colonies comme les autres cités grecques.

Les Eupatrides étaient des oligarques ploutocrates, pour la plupart des propriétaires terriens qui touchaient un impôt de leurs petits paysans, les hectémores (hectemoroi, “sizeniers”), ainsi appelés parce qu’ils devaient céder le sixième de leur récolte. S’ils y manquaient, ils pouvaient être réduits en esclavage.

De 630 à 530 les crises sociales se multiplièrent, la crise démographique n’étant qu’une explication possible, les héritages divisant les terres et apauvrissant encore les paysans, qui se rebellaient, demandant une nouvelle répartition des terres.

Solon et Dracon, les réformistes

(Hansen, pp. 53-56)

En 636 ou 632, un athénien nommé Clyon tenta de se proclamer tyranos de la ville(terme d’origine phénicienne qui ne signifie pour l’instant que “dirigeant”). Il était le neveu du tyranos de Mégare. Le coup échoua. Il s’enfuit et ses complices furent tués.

En 621, le premier code de lois écrit fut rédigé. Attribué à Dracon, il était, comme l’expression a désormais consacré son nom, extrêmement sévère. On le dit “écrit avec du sang plutôt qu’avec de l’encre” (Plutarque, vie de Solon, 17.3)

Solon, le proverbialement sage qui ne devait pas avoir plus de trente ans vint adoucir la législation. En 594, riches et pauvres lui donnèrent les pleins pouvoirs pour démêler le malaise social qui affligeait la cité. Il offrit une amnistie générale, aboli la sizaine et toutes les dettes, libérant ceux qui avaient été affligé d’esclavage (y compris ceux qui avaient été vendus à l’étranger, difficile de savoir comment) mais il refusa toute réforme agraire et l’archonte suivant dut jurer qu’il maintiendrait les choses en l’état.

La société était constituée de trois classes.

  1. Hippéis, les cavaliers
  2. Zeugites (étym. propriétaires de boeufs)
  3. thètes, littéralement les “gagés” ceux qui vivent de leur travail, d’un salaire.

Les pentacosiomedimnes, littéralement ceux qui peuvent produire plus de 500 “mesures”, furent probablement rajoutés par Solon au sommet de cette hierarchie. Les thètes furent exclus de toute charge politique. Les archontes ne purent être que pentacosiomedimnes ou cavaliers.
C’est un changement : la fortune devenait déterminante, plus la naissance. Ploutocratie plutôt qu’aristocratie.
Les créations principales de Solon semblent être le Conseil des Cinq-Cents, cent par tribu, dont on n’a pas idée des fonctions exactes, puisque toutes les descriptions semblent fondées sur la Boulè ultérieure et le nouveau code de lois, qui ne fut pas refondu avant la période 410-399.
Mais bien entendu, comme tous les compromis, cette réforme ne satisfit personne.
Pendant que Solon s’exila, espérant que tout le monde satisferait à ses lois et à la paix sociale, trois factions se créérent :

  • Les gens de la plaine (autour d’Athènes) menés par Lycurgue
  • Les gens d’au-delà de la montagne (nord-est de l’Hymette et du Pentélique) menés par Pisistrate
  • Les gens de la côte menés par l’Alcménoide Mégaclès.

Comme souvent, le partisan des paysans réussit à l’emporter. Le demos était toujours un atout majeur à avoir dans son camp. Dès lors, les hoplites prirent de l’importance sur la cavalerie dans la stratégie grecque, et avec eux la classe moyenne athénienne (puisque supposément il fallait un certain revenu pour entretenir le matériel d’un hoplite).

Tyrannie ou la Revanche de Gygès, illustration pour la République.

Tyrannie des Pisistratides (561-510)

Pisistrate régna en tyran de 561 à 527, si l’on excepte deux périodes d’exil de 4 et 14 ans, dues aux gens de la plaine et de la côte qui s’alliaient pour le chasser. Et si l’on définit « tyran » de façon assez lâche : il est probable qu’il n’a jamais enfreint la constitution de Solon, se contentant de s’entourer d’une garde rapprochée et de s’assurer que les archontes étaient de ses partisans. Les Athéniens du IVe s. sont unanimes pour le considérer à la fois comme le héraut du demos qui satisfit à ses revendications, un démagogue, et comme un oppresseur qui restreignit les droits des citoyens. Il avait par contre aboli la plupart des lois de Dracon, sauf en ce qui concerne le meurtre. (Tous les crimes étaient puni, pour Dracon, de la mort, l’oisiveté et le meurtre comme le sacrilège)
Après la sienne,  plus aucune réforme agraire d’envergure n’eut lieu dans l’Attique. Son règne fut également l’occasion du développement de l’empire Athénien et de grands travaux(e.g. Olympiéion, travaux d’aqueducs).
Son fils Hippias lui succéda à sa mort en 527. En 510, Hippias fut déposé suite à l’action de Clisthène, qui parvint — via Delphes — à invoquer le roi de Sparte Cléomène, qui assiégea Athènes et exila le tyran.

Isagoras

Une scission apparut ensuite entre aristocrates, d’abord revenus avec Clisthène, et les autres, menés par Isagoras. Précédemment partisan d’Hippias, il fut néanmoins élu archonte en 508/7. Clisthène s’attacha le Démos, l’aristocratie étant trop peu nombreuse. Isagoras invoqua Cléomène à nouveau, avant que les spartiates ne se fassent chasser d’Attique par une révolte populaire. Clisthène fut rappelé, et Isagoras condamné à mort par coutumace.

La réforme de Clisthène en 507 (Hansen, pp. 57-58)

Institution du Conseil des Cinq-Cents, la Boulè, associé à la nouvelle division de l’Attique. 139 dèmes, dix tribus, ayant pour but d’atténuer la pertinence des liens de solidarité familiale en terrain politique. Cela fut associé avec un calendrier bouleutique de dix mois. Chaque mois, les bouleutes d’une tribu devenaient prytanes.
En 501, le collège des stratèges fut fondé, un par tribu, élu par le peuple. Ils commandaient l’armée, d’abord avec l’appui de l’archonte polémarque (Hansen, p. 59).
L’ostracisme fut introduit à cette période, afin de ne plus laisser les divisions que la cité venait d’expérimenter conduire à une stasis ou à des révoltes : les éléments dangereux peuvent être expurgés. (ibid.) Le citoyen visé par l’ostracisme perdait ses droits civiques pour dix ans. Si Clisthène l’a bien mise en place, les Athéniens ne mirent cette loi en branle que vingt ans après, en 487.pour bannir Hipparchos, parent du dernier tyran.(Hansen, pp.58-59)

L’ostracisme venait de la volonté de reconquérir Athènes, de ne pas la laisser sombrer aux mains des tyrans. Hippias se planquait toujours en Perse, à Sigée, et exerçait une influence non-négligeable sur la cour. En 490, la bataille de Marathon défit les Perses.
Thémistocle émergea. Il « pourrait être derrière l’ostracisme qui bannit successivement tous ses rivaux das les années 430 » (Hansen, p. 60) Et peut-être aussi derrière la réforme de 487/6 par laquelle les archontes, jusqu’ici élus, furent tirés au sort.

Ephialtès, la fin de l’Aréopage aristocratique.

Il a principalement profité du départ de Cimon, aristocrate, pour Sparte avec 4000 hoplites, partis mater une révolte de Hilotes, pour faire voter la fin des privilèges de l’Aéropage, déjà dépouillé de son prestige en 486/7 quand les archontes furent tirés au sort. L’Aéropage perdit ses pouvoirs constitutionnels pour devenir une sorte de Cour Suprême en cas de meurtre, par exemple, ou de blasphème.
Cimon fut bien sûr ostracisé. Ephialtès n’eut pas cette chance, assassiné en 461.

Périclès (461-429)

Homme fort du régime athénien par excellence, il vint mettre le point final à ces réformes pour donner la démocratie dans sa forme idéale, fantasmée, telle que nous la connaissons.
La mort d’Ephaltès le laissa chef incontesté du parti démocratique, jusqu’à sa mort, il était le véritable dirigeant de l’empire Athénien.
Il a beaucoup fait, mais sur le plan des institutions, le plus important reste son action pour les pauvres.

  1. Il rend le théâtre gratuit pour les pauvres, l’Etat payant leur place.
  2. En 458 il fait baisser le seuil de richesse nécessaire pour devenir archonte.
  3. En 454, il fit salarier les fonctions d’héliaste et les autres magistratures (mistophorie), afin que les ouvriers puissent aussi participer à la vie de l’état et ne soit pas entravé par leur perte de gain quotidienne à ne pas travailler. Les chantiers qu’il mit en branle après la guerre du Peloponèse avaient également pour but discret de fournir du travail aux ouvriers

Notons aussi sa loi de 451 qui limite la citoyenneté à qui est athénien sur deux générations (jusqu’aux deux grands-pères) alors que le lignage paternel suffisait. Ironiquement, il l’enfreint en accordant à son fils la nationalité.
En 442 il fait ostraciser Thucydide, chef de la faction conservatrice.
En 430, après des pillages spartiates, il ne fut pas réélu, mais le fut en 429, juste avant de mourir

Après Périclès

Dès 403/2, le peuple perd le droit de promulguer immédiatement des lois (nomoi), il ne peut faire que des décrets (psephismata) qui devaient concorder avec les lois en vigueur et devait pour les lois convoquer un collège de Nomothètes, tirés parmi les Héliastes, afin qu’ils la promulguent, ou non, à condition que

  • Elle ne contredisait pas par inadvertance d’autres lois
  • La question avait été préalablement examinée par le Conseil. (meden aprobouleuma !)
  • En outre, le mérismos, règle de répartition du budget de l’Etat, établi au siècle précédent, était une loi. Par conséquent l’Assemblée ne pouvait y attenter et n’avait dès lors qu’un pouvoir limité sur les finances publiques, puisqu’il fallait l’accord des nomothètes pour enfreindre ce mérismos. (Hansen, p.185)

Dans certains cas exceptionnels, l’Assemblée promulgua des décrets ayant force de loi. Comme le disait Androcide : Aucun décret du peuple ne pouvait l’emporter sur une loi. (Hansen, pp.208-9)

Institutions et tirage au sort

Voir ici en grand Source: Wikipédia.

700 magistrats à Athènes, plus la Boulè et les Héliastes, ça fait du monde tiré au sort. Nous ne traitons pas du rôle de l’Ecclésia, qui n’est pas une institution comme les autres, mais le centre du régime.

Eugénisme. Dans le contexte parce que Platon suggérait de dissimuler les accouplements arrangés sous des airs de faux tirages au sort, justement pour diminuer les tensions.

Ce que le tirage au sort recouvrait.

  1. Élection des « autres magistrats »
  2. Élection des héliastes et tirage au sort avant les procès (pour éviter la corruption, ils sont assignés en dernière minute à chaque procès)
    1. Dès 403/2, la désignation des nomothètes au sein des héliastes.
  3. Élection de la Boulè parmi les dèmes.
  4. Élection des archontes dès 486/7. Avant ils étaient élus.

Au départ, le tirage au sort était combiné à l’élection : on tirait au sort les élus des tribus, puis des dèmes, mais c’est seulement dès le Vème siècle que les listes préalables sont tirées au hasard également. Beaucoup de partisans d’une démocratie modérée veulent y revenir : (de Romilly p.31)
Dans l’Aréopagitique, Isocrate appelle ainsi à revenir à la «démocratie des ancêtres», comme Chouard, mais plutôt que d’y introduire du sort, il voudrait l’exclure. Il rappelle qu’autrefois, les athéniens «réglaient les affaires de l’état, non pas en tirant au sort les magistrats parmi tout le peuple, mais en désignant pour chaque tâche par un vote préalable, les gens les plus honnêtes et les plus compétents.» (§22 p.31)

Le Conseil des Cinq-Cents (Boulè)

Le Conseil de magistrats le plus nombreux (500) dont on est pas sûr qu’ils soient des magistrats, d’ailleurs, mais il est clair qu’ils avaient des fonctions d’intendance et que leurs pouvoirs ont toujours été limités, considérés comme exceptionnels, et de plus en plus soumis à l’assentiment de l’Ecclésia. Ils ont par exemple dû promettre de ne pas se saisir des citoyens qui avaient un garant, à moins qu’ils ne soient des traîtres, des ennemis de la démocratie ou des collecteurs d’impôts. (?)
Les dix tribus ont chacune 50 bouleutes, en théorie, même si l’on sait que les élections étaient alignées sur les dèmes, non les tribus. Il a pu arriver que certains dèmes ne fournissent pas de candidats, c’est alors un dème de même tribu qui devait le fournir.
Le Conseil avait pour attributions

  1. De discuter des motions préliminaires qui allaient être présentées à l’Assemblée.
  2. Les prytanes convoquent et organisent les séances du Conseil et de l’Assemblée, en tout cas au Ve siècle. A partir du IVe, c’est aux neuf proèdres, tirés au sort parmi les 450 qui n’exercent pas de prytanies qu’il incombe d’organiser les débats.
  3. Ils doivent également « Entretenir le feu sacré de la cité. La flamme, qui ne doit jamais s’éteindre, brûle dans un édifice en forme de rotonde, la Tholos (ἡ θόλος), La garde de ce bâtiment est confiée chaque jour aux membres d »une même trittye. » (CNDP)
  4. L’épistate, chef de l’Etat, qui possédait clés du trésor et des temples est tirés tiré au sort chaque jour parmi les prytanes. Rôle plus symbolique qu’autre chose, même s’il pouvait être tenu responsable si une loi inconstitutionnelle passait à l’Assemblée sous sa présidence et qu’une graphé para nomon venait la mettre en évidence.
  5. Les dix Euthynoi, chargés de recueillir les plaintes lors des Euthynai étaient tirés au sein de la Boulè également. Ils présidaient le Tribunal du Peuple lors de ces procédures.

Archontes

l’archonte éponyme (ὁ ἄρχων ἐπώνυμος) donnait son nom à l’année. Ce nom servait en particulier à répartir les citoyens en classes d’âge, chaque éphèbe accédant à la citoyenneté avec deux identifiants éponymiques : celui du héros de sa tribu et celui de l’archonte en fonction l’année de ses dix-huit ans. Cet archonte s’occupait aussi des affaires familiales, par exemple des conflits d’héritages, ainsi que de l’organisation des grandes Dionysies. Dans ce cadre, il choisissait les chorèges, veillait au recrutement des choeurs et présidait les concours. (Lire à ce sujet le dossier consacré à Dionysos).

L‘archonte-roi (ὁ ἄρχων βασιλεύς), vestige de l’ancien sytème monarchique, assurait des fonctions religieuses et judiciaires. Il s’occupait des sacrifices et des processions. Il présidait aussi le tribunal de l’Aréopage pour les accusations d’impiété et de meurtre qui lui revenaient. dans les affaires de meurtre qui ne relevaient pas de l’Aréopage, il lui revenait d’assurer l’instruction et de transmettre le dossier aux éphètes chargés de les juger.

Le polémarque (ὁ πολέμαρχος), comme son nom l’indique, était à l’origine le commandant en chef de l’armée mais il perdit cette fonction après la réforme de Clisthène. Il instruisait les procès relatifs aux métèques et aux étrangers et dirigeait les funérailles nationales des soldats morts à la guerre.
Chacun de ces trois archontes était assisté de deux assesseurs (οἱ πάρεδροι)

Les six thesmothètes (οἱ θεσμοθέται) étaient les gardiens des lois. Ils veillaient à leur application dans toutes les affaires qui n’étaient pas directement traitées par d’autres magistrats. Ils assuraient la présidence des examens de docimasie et des procédures d’appel concernant les droits à la citoyenneté. Leur rôle principal consistait à fixer et à afficher les jours où les tribunaux devaient juger et à répartir leur présidence entre les différents magistrats. Ils avaient aussi la charge d’instruire les procès faisant suite à une accusation de haute trahison (eisangélie) ou d’illégalité (graphè paranomon) portée à l’Ecclesia contre un citoyen.

(CNDP)

En effet Thesmos signifiait la loi dans son sens le plus traditionnel et inviolable, plus encore que Nomos, terme qui ne devient usité qu’à partir des réformes de 402 par opposition aux psephismata, les décrets.

L’Aréopage

OVNI issu de l’époque aristocratique. Tous les anciens archontes en font partie.
« L’Aréopage est une institution politique, précédant l’avènement de la démocratie et aux origines mythiques, qui eut pour but premier de « conserver les lois », c’est-à-dire de veiller au respect de la constitution, et ayant à cette fin des pouvoirs judiciaires très étendus. Il est formé d’anciens archontes, c’est-à-dire d’anciens nobles riches et puissants avant qu’ils ne fussent tirés au sort. C’est traditionnellement l’institution athénienne la moins démocratique et la plus aristocratique. Elle tient son nom de la colline d’Arès où siègent les aréopagites. Son emplacement, hors de l’Agora qui est le cœur de la cité, a une forte symbolique : le crime n’a, littéralement, pas le droit de cité.
Les réformes de Dracon permirent aux citoyens de former des recours auprès de l’Aréopage à l’encontre de magistrats les ayant lésés dans l’exercice de leurs fonctions. Celles de Solon renforcèrent encore le pouvoir de l’Aréopage, qui fit alors figure de conseil des Sages, protégeant la cité non seulement contre les menaces internes (et prévenant ainsi – paradoxalement – les complots ourdis contre la démocratie) mais aussi les menaces externes. À ce titre, l’Aréopage ne rendait compte de ses activités auprès d’aucune autre institution. Après les réformes de Clisthène et les guerres médiques, le pouvoir détenu par l’Aréopage devient donc prépondérant. Éphialtès et Thémistocle travaillèrent de concert pour réduire cette influence au profit de l’Ecclésia, de la Boulê, et des nouveaux tribunaux de l’Héliée. Ainsi, après -462, l’Aréopage ne dispose plus de pouvoir politique mais fait figure de vénérable institution. » (Wikipédia: Démocratie Athénienne)

Les (autres) magistrats (archai)

  • « les 10 astynomes (οἱ ἀστυνόμοι), fonctionnaires de police et de voirie
  • les 10 agoranomes (οἱ ἀγορανόμοι), inspecteurs des marchés
  • les 10 sitophylakes (οἱ σιτοφύλακες), commissaires aux grains
  • les 10 métronomes (οἱ μετρονόμοι), chargés des poids et mesures
  • les polètes (οἱ πωληταί), chargés des revenus publics et des métèques
  • les practores (οἱ πράκτορες), percepteurs
  • les apodectes (οἰ ἀποδέκται) et les colacrètes (οἱ κωλακρέται), chargés de la garde et de la gestion des fonds publics.
  • les hellénotames (οἱ ἑλληνοταμίαι) qui percevaient les tributs des villes alliées.
  • les Onze (οἱ ἕνδεκα) : ils cumulent des fonctions de police et de justice. Ils ont le pouvoir de faire arrêter, d’interroger et même de condamner à mort sans procès les auteurs de certains délits graves. Les auteurs de ces faits, appelés κακοῦργοι (kakourgoi, « malfaisants »), s’ils refusent d’avouer, peuvent cependant faire appel devant un tribunal. Les onze ont également en charge l’exécution des sentences et la gestion des prisons.
  • Les Quarante (οἱ τετταράκοντα) et les arbitres (οἱ διαιτηταί): ces deux collèges exercent une fonction judiciaire à l’échelon local. Au nombre de quatre par tribu, les premiers se déplacent dans les différents dèmes de leur circonscription. Ils jugent directement les délits mineurs (à l’époque d’Aristote, les affaires ne dépassant pas dix drachmes). Pour les délits supérieurs, ils désignent des arbitres qu’ils choisissent parmi les citoyens âgés de plus de soixante ans (à l’époque d’Aristote, ceux-de la quarante-deuxième stèle éponymique). Ceux-ci ont une mission de conciliation entre les deux parties. En cas d’échec, ils transmettent le dossier aux Quarante et émettent une proposition de jugement. Les Quarante introduisent alors l’affaire devant un tribunal.
  • Les introducteurs (οἱ εἰσαγωγεῖς) sont au nombre de cinq seulement. Chacun a donc en charge deux tribus. Ils sont sont chargés d’instruire les affaires prioritaires, au nombre desquelles Aristote compte les affaires de dot, de dettes et les litiges portant sur les ventes d’esclaves ou de bétail. Les introducteurs doivent faire en sorte que ces affaires soient jugées dans un délai d’un mois.
  • Les hiéropes (οἱ ἱεροποιοί), chargés de la surveillance des sacrifices expiatoires. Un premier collège officiait en fonction des oracles ou des présages à demander en vue de telle ou telle entreprise. Un deuxième s’occupait des cérémonies prévues dans le calendrier religieux. »

(Source : CNDP)

Voir la source première de ces informations, la Constitution d’Athènes, chap. 50-54

Il est évident que la plupart de ces magistrats qui doivent veiller « à ce que toutes les denrées soient nettes et soient vendues sans fraude »,  » à ce que tous les poids et mesures dont se servent les marchands soient justes », « à ce que les meuniers vendent la farine d’orge d’après le prix courant du grain, et les boulangers le pain, d’après le prix courant du blé »(op. cit., 50) sont ce que nous appellerions des fonctionnaires.

Ils sont employés de l’Etat et ont un devoir particulier envers celui-ci.

Ils sont l’équivalent de nos juges, employés du fisc, policiers, médecins cantonaux, responsable de voiries, ministres, etc. mais en aucun cas de nos députés, parlementaires ou sénateurs.

Certes en France comme en Suisse, les plus hauts fonctionnaires sont soit élus, soit désignés par des élus. (le Conseil Fédéral suisse est élu par le Parlement, les ministres français sont désignés par le président élu) Mais les rangs les plus bas du fonctionnariat sont accessibles à tous, à concours des places disponibles et des compétences. Tout un chacun peut devenir policier.

Magistrats religieux

(Aristote les range à part (Politique, 1299a). En même temps, il considère, contrairement à Démosthène, les Bouleutes comme des magistrats.)
On trouve par exemple les chorèges, trois personnes, choisies par l’archonte-roi et l’archonte-éponyme pour orchestrer les préparations des dithyrambes, des tragédies et des comédies, les prêtres, élus de diverses façon.

Ce corps n’est pas un clergé  constitué à part, comme on le verrait dans d’autres sociétés, puisque les magistrats religieux tels que les choreutes sont bel et bien des  citoyens. Voir plus bas « Liturgies« .

On trouvait aussi les exégètes, chargés d’interpréter les textes, les hiéropoioi qui organisaient les panathénées et les fêtes d’Appolon ainsi que l’entretien des temples et les athlotètes qui menaient les préparatifs sportifs desdites cérémonies. Ces deux derniers sont tirés au sort.

Le Tribunal du Peuple.(Héliée)

[…] L’Héliée est composé de 6000 jurés potentiels, citoyens de plus de trente ans tirés au sort chaque année dans les dèmes. Le tribunal dispose d’un siège principal sur l’Agora mais il est en réalité constitué de dix cours différentes réparties dans des lieux distincts de la zone urbaine. Les héliastes de l’année, porteurs de leur plaque personnelle, devaient se présenter chaque jour ouvrable sur l’Agora . La sélection quotidienne était alors fonction du nombre d’affaires à traiter. Au Ve siècle, il semble qu’elle était déterminée par l’ordre d’arrivée. Au IVe siècle, elle faisait l’objet d’un deuxième tirage au sort. La division décimale n’implique pas nécessairement une répartition égale entre les différentes juridictions et il semble que le nombre des héliastes ait varié de 200 à 1500, selon la cour à laquelle ils étaient affectés et le nombre des affaires à traiter. Les dix tribus devaient cependant être représentées à part égale dans chaque tribunal.

(CNDP)

Parenthèse : les nomothètes

Ils ne sont introduits qu’au IVe siècle, ils n’existaient pas du temps de Périclès. Thucydide les dit institués par le collège oligarque de 411. (VIII, §86-97)

Des cortèges ad hoc étaient convoqués, tirés par lots de 501, 1001 ou 1501, parmi les Héliastes, ils devaient se prononcer en une journée, par un vote clair (oui ou non) sur les lois que l’Assemblée du peuple proposait.

Je pense qu’il s’agit d’un des rares magistrats qui avait une fonction législative, et qui plus est, une fonction qui diminuait grandement le pouvoir du peuple.

Contrairement aux autres, on les peut dire représentants du peuple.
Les Athéniens considéraient donc que les décisions des nomothètes étaient supérieures, an raison du Serment religieux d’écouter également les deux parties et de se déterminer en son âme et conscience, de la sagesse qui vient avec l’âge et du temps consacré à chaque affaire. Cependant les nomothètes sont quand même tirés au sort dans l’ensemble des citoyens volontaires, ils ne constituent donc pas une limitation élitiste de la souveraineté du démos.

(Wikipédia : Démocratie Athénienne)

Ce que l’élection recouvrait.

Une centaine de magistrats étaient élus à main levée par l’Ecclésia annuellement.
On comptait bien sur le collège des Stratèges, mais aussi les épimélètes des mystères d’Eleusis, les chargés de l’entraînement des éphèbes, le Surintendant du service des eaux, par exemple.

Les Stratèges (strategoi) et autres magistrats militaires

Dix chefs militaires, un par tribu, élus, chargés de diriger l’armée pour un an, mandat renouvelable à l’infini. Comme le montrent Périclès ou Ephialtès, leurs attributions ne se limitaient pas au domaine militaire, c’est le seul magistrat qui dispose de pouvoirs religieux(offrande à la déesse Démokratia), civils et militaires à la fois. La professionnalisation des armes aboutit à ce que des condottieri, des mercenaires, fussent élus stratèges (parfois même nationalisé pour cela) aux alentours du IVe s. Les athéniens jugèrent plus sûr d’avoir des magistrats civils à la tête de l’état, aussi l’importance fut transférée sur les nouveaux postes trésoriers, le collège du Théorikon et les trésoriers des fonds militaires, dont les mandats duraient probablement quatre ans. (Hansen, p. 272)
Les 10  taxiarques, 2 hippiarques, 10 phylarques, l’hipparque de Lemnos ainsi que les intendants des galères, toutes magistratures militaires,  sont également élus nous dit Aristote. (Constitutions d’Athènes 59, 5) On peut y ajouter le cosmète(chargé des éphèbes, Const. Ath. 42).

Démocratie, ou la Justice réclamée

Contre Chouard

Ou

Où l’on constate que si Chouard est prof de droit, il ne l’est certainement pas d’histoire (Max Paker)

Le tirage au sort n’est pas, à mon avis, un artefact déterminant de la démocratie grecque. Il y jouait un grand rôle, soit. Mais un rôle qui n’est pas transposable à notre époque et dans nos sociétés sans dommages.

Il était la conséquence d’une vision du monde donnée.
On peut regretter cette vision du monde, mais on ne peut pas la ressusciter simplement en ramenant le tirage au sort.

Ensuite, ce n’est pas forcément une mauvaise idée d’assigner des tâches à des citoyens lambdas, que le hasard désigne : ça les implique dans la communauté, ça les responsabilise, ça peut être une bonne chose.

Je pense que Chouard a mal retenu les leçons d’Athènes
Lui et ses suivants ont beau dire qu’il n’est pas question de mythifier Athènes et qu’il ne s’agit pas de la singer au poil près mais de s’en inspirer, il reste que l’argument phare c’est « A Athènes, les riches n’ont jamais dirigé pendant 200 ans ».

Le tirage au sort n’est pas l’élément déterminant que je voudrais reprendre d’Athènes.

Schéma fort usité par Chouard.

Premièrement, la liberté et la santé politiqus y avaient beaucoup d’autres sources :

1. Il y avait plus de contre-pouvoirs et de pouvoirs des citoyens.

…Parfois jusqu’à la paralysie, d’ailleurs.

Contrôle des magistrats

Avant le mandat, la docimasie : Dokimasia tôn archôn : examen des candidats aux magistratures. Les bouleutes devaient estimer l’honorabilité des nouveaux candidats à la Boulè et des archontes. Les tribunaux, eux, devaient estimer l’honorabilité des autres magistrats. Qu’il y ait une accusation ou non, on estimait l’honorabilité du candidat et le respect de conditions formelles : être citoyen Athénien, avoir 30 ans et effectué son service militaire, ne pas avoir été puni d’atimie, ne pas avoir occupé cette charge plus du nombre de fois toléré (s’il y a une limite, les stratèges, par exemple, n’en avaient pas) être un bon fils, déclarer son identité et son ascendance (père, mère et les deux grands-pères), participer au culte de Zeus Patroôs et de Zeus Herkeios (c’est-à-dire être membre d’une phratrie) et montrer entretenir le culte familial. Le candidat pouvait (devait) produire des témoins.

La séance était publique et tout un chacun pouvait venir accuser le candidat.

N.b. L’atimie : « À Athènes, l’atimie est une condamnation infamante puisqu’elle consiste en une privation des droits civiques. Celle-ci comporte cependant des degrés divers, comme on le voit par le témoignage de l’orateur grec Andocide dans son ouvrage Sur les mystères (73 sqq.). Frappé d’atimie, un citoyen athénien est dès lors incapable de remplir les fonctions politiques d’un citoyen. Il ne peut pas assister aux assemblées, exercer les fonctions de juré dans l’Héliée ni intenter des actions devant les tribunaux. En revanche, il conserve le statut de citoyen. À ce titre, il peut transmettre la citoyenneté à ses fils. » (Wikipédia:atimie)

Seuls huit exemples d’accusations graves, menant à l’annulation d’une nomination sont parvenus jusqu’à nous, et un seul concerne un magistrat élu, le stratège Théramène (printemps 406). Les docimasies prenaient quelques minutes par personne, au plus, mais vu le nombre de candidats à examiner, cela faisait beaucoup (509 par la Boulè – on sait par Lysias (26.6) qu’il est arrivé que les audiences ne prennent fin qu’à l’avant-veille de la prise de fonction des nouveaux Bouleutes – environ 700 par les tribunaux). Malgré ce temps énorme requis par ces auditions individuelles il semble qu’il ne se soit agit que d’une formalité, une sorte de prise de serment public, de revue d’honorabilité, à la fonction plus symbolique qu’effective.

En cours de mandat

Il existait les graphè habituelles (éisangelie et graphè paranomon, principalement) voir plus bas, mais aussi un moment obligatoire dans l’ordre du jour de l’Ecclésia :
L’épicheirotonia tôn archôn ou vote de défiance, que tout citoyen pouvait proposer. Si le vote à main levée était défavorable (apocheirotonia) le magistrat concerné était suspendu immédiatement. Il pouvait faire recours auprès d’un tribunal.

Euthynai : devoir rendre des comptes après son mandat.
(Dans cette vidéo, Chouard l’évoque(33’).)

Sauf que ce n’est pas lié au tirage au sort. Les stratèges, élus, devaient quand même répondre de leurs actions devant l’Assemblée ainsi dans le procès des stratèges, en 406, où 8 des 10 stratèges furent accusés d’avoir manqué à leur devoir en ne repêchant pas des hommes tombés à la mer après la bataille des îles Argnuses. (Xénophon en parle dans un passage célèbre de son Histoire Grecque). Les stratèges furent condamnés collectivement — ce qui était illégal — et le peuple regretta cette décision prise dans l’émotion. Il condamna ensuite les accusateurs des stratèges, nous dit Xénophon.(I, 7, v. 1-35).

Ostracisme : Vote solennel de l’Assemblée pour priver un citoyen de droits civiques. Première procédure en 487 et dernière en 416. Encore une fois, ne pas se laisser abuser par Chouard qui parle de deux siècles de démocratie athénienne, indifférent à ces subtilités. Quoiqu’il dure dix ans, il pouvait se reproduire, ainsi Mégaclès, neveu de Clisthènes, ostracisé en 470 et en 486, et il est probable qu’Alcibiade le fut deux fois également.
Selon Chouard, c’est le moyen de proscrire des démagogues et des oligarques, de s’assurer qu’ils n’acquièrent pas un pouvoir dangereux pour la démocratie. Soit. Mais dans les faits, nombre de pauvres et de défenseurs de la cité furent ostracisé, ainsi Thémistocle. Et l’on pense qu’Ephialtès s’en serait servi pour, purement et simplement, écarter ses rivaux politiques.
La procédure est discutable.
On doit recueillir un chorum de 6000 personnes sur l’Ecclésia pour lancer la procédure, ensuite tous écrivent un nom sur un ostrakon, un morceau de poterie, et le nom qui revient le plus souvent pendant le dépouillage, donc la majorité simple, perd ses droits politiques dix ans et doit quitter la ville.
Autrement dit, si 6000 personnes sont d’accord d’ostraciser quelqu’un, et qu’un seul type recueille dix suffrages, tous les autres étant dispersé, c’est celui qui a reçu dix votes qui quitte la ville.

Parenthèse : Procédures suspensives et inefficacité de la justice.

Si d’un seul coup les gens décident de ne pas obéir, ce qui serait pourtant vital à la survie de la société, et qu’en plus les punis ne sont même pas atteints, ça va vite foutre le boxon.

Les orateurs athéniens consignent leurs plaidoiries et nous montrent une Athènes chahutée, donnant forcément plus de poids aux accusations d’anarchie et de désordre que les aristocrates/oligarques voient dans le régime démocratique. Cette défance aux lois et à la tradition va parfois, Démosthène le mentionne, jusqu’à des gens ostracisés qui votent quand même, sans qu’on puisse vérifier dans la masse des 5000 votants de l’Ecclesia.
La violence se déchaîne dans les récits de Lysias. Contre Simon : on se bat pour le coeur d’un jeune homme et Au sujet d’une accusation pour blessure c’est pour une courtisane. Le Simon en jeu est d’ailleurs lui aussi visé : il arrive après la bataille et aggresse le chef dont il dépend. Alcibiade, qui n’est pas à ça près, combat dans la cavalerie, alors qu’il n’a pas le droit. (Pour Manithéos montre qu’apparemment de nombreuses personnes le font) « Il se disait que la cité serait impuissante à punir les délinquants(…) »
Cette impuissance est aussi consignée par Démosthène, la superstar des prétoires.
Il écrira Contre Midias, qui l’avait giflé alors qu’il était chorège, tenté de corrompre le jury, débaucher l’entraîneur du chœur, violé le domicile de l’orfèvre qui fabriquait les couronnes des chœurs, tenté d’obstruer la scène, notamment en clouant la porte, bref, un salopard qui n’a pas été dans la demi-mesure quand il s’est agi d’obstruer.

Quinze ans avant la gifle, Midias avait été condamné lors du procès de Démosthènes contre ses tuteurs, cependant, il n’a jamais payé l’amende dûe en quinte ans, et a fait en sorte de faire voter, contrairement aux lois et sans témoins, l’ostracisation de l’arbitre du dilemme en question.(§87)
Plus tard il accusera Démosthène de meurtre/complicité de meurtre, parmi d’autres insanités.
Démosthène procède à la lecture d’un mémorandum, véritable anthologie des malversations de Midias que nous vous épargnerons, mais en substance on peut retenir ceci : il y a tant de recours, de procédures, de complications, d’exigences de la procédure judiciaire et si peu de contrainte, qu’il est extrêmement facile de se dérober d’un jugement quinze ans durant, d’accuser quelqu’un d’autre en chemin, de se débarasser du juge d’une précédente affaire, etc. tout ça pour en sortir blanchi, du moment qu’on est riche et qu’on a un peu de temps.
Contre Androtion évoque les abus des fonctionnaires. Le père d’Androtion était séquestré pour dettes. Androtion ne les acquittera pas et deviendra collecteur d’impôts, après quoi il fera rentrer les impôts uniquement en s’attribuant une charge de façon illégale, et en terrifiant ses administrés.
Contre Aristogition : celui-ci avait perdu ses droits civiques pour cause de dette impayée plusieurs fois. Démosthènes attaque ici ceux de son espèce qui « font provision d’audace de cris d’imputations fausses, de chantage, d’impudence » (I,9) et qui pourtant « triomphent » (§91). A en croire le rhéteur, chaque fois qu’un propos contre Aristogiton aurait été soulevé, on aurait trouvé quelqu’un pour clamer « hé bien, Untel n’est-il pas débiteur aussi ? » montrant que toutes ces fraudes sont monnaie courante.
Les contre-pouvoirs excessifs sont également un problème, non seulement sur le plan judiciaire, mais aussi dans la promulgation des lois et décrets. Deux accusations sont parmi les plus utilisées pour délayer les procédures.

L’accusation d’illégalité (ἡ γραφή παρά νόμων)(graphé para nomon): n’importe qui pouvait balancer ça sur l’auteur d’un décret ou d’une loi avant et parfois après sa promulgation, afin de vérifier sa cohérence avec le reste des lois (s’il n’y en a pas une qui se contredit). La recrudescence des ces actions au IVe siècle n’est pas une bonne nouvelle. Soit cela signifie que les Athéniens votaient effectivement n’importe quoi, au point qu’ils eurent besoin d’élire des comissions pour faire le tri dans la masse contradictoire, tant leurs lois devenaient compliquées, soit ça veut dire que les Athéniens abusaient de l’effet suspensif de ces procédures pour entraver leurs adversaires politiques et ralentir le processus législatif.(Contre Androtion, Contre Aristocrate, Contre Timocrate et Sur la couronne parlent d’affaires d’illégalité). Cela touchait non seulement l’auteur du décret, mais l’épistate lors du vote.
Quand la graphè pouvait-elle être engagée ? Tout de suite, au moment-même ou la proposition était faite, débattue et mise aux voix mais aussi après réflexion, pendant une durée d’un an.
Qui pouvait la demander ? Tout citoyen estimant que les lois fondamentales de la cité étaient mises en danger.
Contre qui s’exerçait-elle ? La graphè para nomon visait bien sûr l’auteur de la proposition mais aussi l’épistate qui présidait l’Assemblée ce jour là. On voit que l’iségorie n’était pas sans risque et que la fonction d’épistate n’était pas purement honorifique.
Comment ? La procédure judiciaire débutait sur la Pnyx mais le jugement proprement dit se déroulait dans le tribunal de l’Héliée. La sanction allait de la simple annulation du décret à une amende. Dans les cas graves, les héliastes pouvaient prononcer une peine d’atimie, la sanction extrême étant la peine capitale.

(CNDP)

L’eisaggelia (ἡ εἰσαγγελία, “l’annonce”) : quand quelqu’un attentait au salut de l’état. L’Assemblée décidait de la procédure, et c’est la Boulè qui devait décider d’une probouleuema, proposant une sanction. L’Assemblée devait ensuite la voter.

Toutes ces procédures font que les juges se perdent dans les procès et les contre-procès :
« Dans les assemblées et les tribunaux, au contraire vous vous laissez souvent entraîner loin du sujet en question par des artifices et des imposture, et vous laissez s’introduire dans le procès le plus grave des abus : vous permettez aux accusés de répondre à leurs accusateurs en les accusant à leur tour. Ainsi détournés de la défense que l’accusé devait vous présenter et l’esprit porté sur d’autres sujets, vous oubliez l’accusation et sortez du tribunal sans avoir puni aucun des plaignants. Pendant ce temps, les lois se désagrègent, la démocratie tombe en ruines et l’abus gagne du terrain. » (Contre Timarque, §178-179)
Et souvent le judiciaire et le politique se mêlent, puisque le peuple opère les deux, de jure comme, semble-t-il, de facto, et que l’indépendance des pouvoirs n’est proprement pas concevable à cette époque :

« L’affaire du Contre Androtion commence par la proposition d’offrir une couronne au Conseil : cette proposition est acceptée, mais deux citoyens, Euctémon et Diodiore, pour atteindre Androtion, intentent une plaine en illégalité. Puis, saisissant une autre occasion, ils proposent un décret relatif à des prises faites en mer : les amis d’Androtion attaquent le décret en illégalité et font proposer par Timocrate une loi destinée à protéger Androtion ; cette loi fait à son tour l’objet d’une plainte en illégalité. Ce dédale judiciaire suggère un désordre aussi grave que les lenteurs dont il est cause.

On pouvait même faire intervenir des procès d’ordre privé : l’étroite communication existant alors entre les fonctions délibératives et les fonctions judiciaires, toutes deux exercées par le peuple,rapprochait les genres, donnant aux jugements sur des affaires privées la même portée qu’un vote politique. On en a la preuve dans l’affaire de l’ambassade : Démosthène et Timarque, lors de la reddition de comptes d’Eschine, l’accusent de malversations dans son ambassade. Eschine fait opposition en accusant Timarque d’avoir perdu le droit à la parole du fait de ses mauvaises mœurs et de sa prodigalité. Ces attaques paraissent avoir été justifiées ; mais, depuis quinte ans, Timarque parlait sans rencontrer d’opposition ni s’attirer de difficultés. Quoi qu’il en soit, l’accusation de Démosthène fut abandonnée, jusqu’au jour où Hypéride accusa le chef même de l’ambassade : celui-ci quitta Athènes, ce qui semblait un aveu. La première accusation fut alors reprise. On a donc trois procès pour un seul, avec tous les délais et toutes les incertitudes que cela implique. » (de Romily, pp.166-7)

Ici Démosthène reconnait que la « douceur » de la démocratie, un de ses plus beaux avantages (Périclès le disait déjà chez Thucydide, II, 37, 2) est également une malédiction en ce que les méchants sont épargnés. Il insistait encore sur la nécessité de l’assentiment de tous pour le respect des lois, en plusieurs endroits :

« Si l’un de vous, en effet veut examiner quelle cause fait que le Conseil se réunit, que le peuple se réunit à l’Assemblée, que les tribunaux sont constitués au complet, que les magistrats sortants cèdent de bon gré leur place aux nouveaux et que l’on voit se produire tout ce qui permet l’administration et le salut de l’Etat et il trouvera que la cause de tout cela ce sont les loiset le fait que tout le monde leur obéit ; car si les lois sont abolies et si chacun a le pouvoir de faire ce qu’il veut non seulement la constitution disparait mais notre vie même ne serait différente de celle des bêtes sauvages. » (Contre Midias, §20)

Tout ça pour dire que vous n’entendrez jamais Chouard se plaindre des contre-pouvoirs, ni admettre qu’ils ont des récits négatifs.
Et ce sera le même genre de types qui s’exclameront que la justice est trop compliquée en nos contrées, qu’il y a trop de recours, que les gens ne sont jamais punis, sans se rendre compte qu’ils vantent ces qualités quand ils les regardent à 2400 ans de distance.

2. Il y avait une démocratie élective, extrêmement importante.

« Les Athéniens tiraient leurs magistrats au sort pour être sûrs qu’ils ne seraient pas les pilotes de l’État (…). Dans une démocratie, la volonté de limiter le pouvoir des magistrats s’associe avec celle de faire servir tout un chacun à son tour en qualité de magistrat » (Mogens Hansen, p. 275). …Par contre, ils aimaient beaucoup réélire des stratèges et les laisser aux commandes de l’Etat.
Au point que Thucydide considère le terme de démocratie comme une façade :
« c’était nominalement une démocratie, mais en fait, une magistrature exercée [ou : un pouvoir, archè] par un homme exceptionnel » (II, 65) Les deux fonctions les plus importants, finances et guerre, ne furent jamais mises au hasard. (de Romilly, p.30) Chouard l’admet.
N’est-ce pas étonnant d’affirmer en même temps que le tirage au sort a lutté contre les oligarchies et qu’il n’a jamais attenté aux fonctions militaires et financières, qui me semblent quand même des pilliers de la cité grecque comme de toute oligarchie qui se respecte ?

En outre, si l’on dit qu’on n’élisait que ce qui requérait une compétence particulière, hé bien, il suffit de prétendre que les charges étatiques requièrent des compétences pour invalider Chouard.
Sa réponse « Ah ouais ? Les tirés au sort seraient incompétents ? Hé ben figure toi que des élus ont balancé des bombes atomiques ! Et toc ! »
Sérieusement :
« Parce que vous trouvez que, de par le monde et à travers l’histoire des faits, les élus sont « compétents » ?! C’est une blague ? Savez-vous combien de bombes atomiques les élus soi-disant compétents ont fait exploser dans l’atmosphère, en plein air ou sous l’eau !, depuis 1945 ? Plus de 2 000 ! En fait de compétence, c’est de la folie furieuse, oui. Et combien de guerres ?! Et combien de millions de milliards de dollars gaspillés avec des armées suréquipées —qui se neutralisent mutuellement !!!—pendant que des milliards d’hommes crèvent de faim ? Et combien de scandales de corruption avérée ? Et combien de cas de collusion abjecte avec les riches qui ont permis d’élire les élus ? Et combien de trahisons du bien commun ? » Voilà. Il y a plusieurs points d’exclamations alors il doit avoir raison.

3. Les tribunaux étaient tenus par le peuple également.

«Comme on le sait par Aristophane, dans sa comédie des Guêpes, juger était pour beaucoup d’Athéniens âgés à la fois un gagne-pain et une passion maladive. Gagne-pain et passion maladive : voilà qui n’est pas très positif. Le tirage au sort démocratique a suscité rapidement la critique et la caricature.» (Demont) Veut-on vraiment y revenir ? Veut-on vraiment supprimer les juges ?

On dira qu’au moins les citoyens comprenaient leurs lois, qu’elles étaient plus simples, compréhensibles par tous mais

  1. Si le citoyen devait effectivement plaider pour lui-même, la plupart du temps, il semble qu’il ait recouru aux services d’un orateur professionnel. (Démosthène en était un.)
  2. Comme on l’a dit, il arrivait très souvent que les lois se contredisent, montrant qu’ils n’étaient pas si au fait qu’on pourrait le croire.

Toujours est-il que la suppression de la personne du juge comme de l’avocat pour n’ériger que des juges et jurés combinés est aujourd’hui une fantasmagorie.

4. Il y avait une démocratie directe.

Le fait de pouvoir voter directement des décrets, en tant que citoyen, comme c’est le cas en Suisse est beaucoup, beaucoup plus important que le tirage au sort.

Vous me direz «oui mais Chouard il le défend aussi le référendum d’initiative citoyenne» ce qui est très bien tant mieux super génial kudos yadda yadda mais son cheval de bataille c’est le tirage au sort.
Il n’a même pas besoin de faire référence à Athènes pour cela. Mais il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour prétendre que c’est le coeur de sa doctrine : il défend le tirage au sort comme panacée, disant qu’une bande de gens tirés au hasard devrait écrire la constitution comme garde-fou contre l’oligarchie.
Soit, mais la constitution est enfreinte, la loi est enfreinte, la question n’est pas de graver des principes ici ou là — les lois votées par les députés sont déjà là — mais comment les faire respecter. Ainsi le cumul des mandats, proscrit par la majorité socialiste arrivée au pouvoir en 2012, n’est toujours pas respecté dans ses rangs.
Alors on dit qu’il faudrait un contrôle sur les élus de la République, fait par des gens tirés au sort. Le problème, à mon sens, c’est que si la loi n’est pas respectée, ce n’est pas de la faire écrire par des gens tirés au sort qui va magiquement faire fulgurer l’ordre.

C’est le point suivant, le respect des lois à Athènes, c’était autre chose.

5. La digestion de la loi, supérieure aux décrets, les vertus hoplitiques.

« Aucune loi non écrite ne sera appliquée par les magistrats, en aucun cas. Aucun décret, qu’il émane du Conseil ou du peuple, ne prévaudra sur une loi. Il ne sera pas permis d’établir une loi pour un individu si la même loi ne s’applique pas à tous les Athéniens, sauf si la décision est prise par 6 000 votants dans un scrutin à bulletin secret. » (Androcide, Sur les Mystères, 87) Vous vous rappelez sans doute de 300 de Frank Miller puis de Zack Snyder pour beaucoup de raisons, mais si une chose vous a marqué, c’est sans doute l’attachement démesuré des Spartiates à leur loi. Après tout, l’épitaphe de Simonide aux Thermopyles insistait sur leur obéissance : “Passant, va dire à Sparte que nous gisons ici, fidèles à ses lois.”
On peut critiquer Miller sur de nombreux points, mais ce genre de notion, de soumission ultime à la loi plus qu’à une autorité se trouve bien dans l’esprit grec, en tout cas l’esprit Athénien. Mais bon, les Thermopyles nous sont surtout connues pour les punchlines que les athéniens ont glissé dans les mâchoires des Spartiates.
Ainsi chez Hérodote, on trouve Xerxès qui ne comprend pas comment des hommes libres peuvent être plus forts que des hommes fouettés et dressés. Le spartiate Démarate, à sa cour répond que « s’ils sont libres, ils ne sont pas libres de tout, ils ont un maître qu’ils craignent plus que tout : la loi, qu’ils craignent plus encore que tes sujets ne te redoutent ; du moins font-ils tout ce que ce maître leur demande. » (Hérodote, VII, 103-104)
On voit qu’il s’agit là de discipline militaire, et au fond, pour un grec, c’est normal d’associer les deux, les statuts de citoyen et de militaire étant liés, notamment parce qu’un service militaire était nécéssaire à l’accession de la “majorité” et de l’exercice complet des droits civitques.
La liberté des Hommes Libres, chez les grecs, n’est pas la licence, le laissez-aller : elle s’accompagne de nombreux devoirs envers la Cité et ses Lois.
Chez Sophocle, on se rappelle sans peine d’Antigone, qui entre en rébellion contre Créon, non pour le renverser ou pour instaurer de nouvelles lois mais pour maintenir les lois éternelles, dues aux dieux. Face aux bandits sans fois ni lois, Antigone défend la loi et la foi, se référant aux lois d’Hadès et de Zeus qu’un mortel tel que Créon n’aurait pas le droit d’entamer. Dans Ajax, Ménélas évoque également de l’anomie qui émergerait d’un délabrement des moeurs, du manque de respect :
« Jamais les lois dans un Etat ne seraient admises ainsi qu’il le faut, si la crainte ne régnait pas ; et jamais une armée ne ferait montre de de sage discipline sans un rempart de crainte et de respect (…) Celi qui garde dans son coeur crainte et vergogne à la fois, celui-là, sois en sûr, porte son salut en lui. Crois bien que le pays où l’on peut à sa guise étaler son insolence et faire tout ce que l’on veut, même avec des vents favorables, finit par aller au fond. » (v. 1073-1083) et
« Songez-y bien, si chacun peut faire ce qu’il veut, il ne sert à rien qu’il y ait des lois, que vous teniez des assemblées et qu’on élise des stratèges. »
L’assentiment de tous reste indispensable au maintien de l’ordre, d’où l’importance de ce que les “hommes libres” soient malgré tout formatés en vue du salut de la Cité, histoire qu’ils ne poussent pas leur liberté trop loin. Pensez à ce que nous disions sur l’inefficacité de la justice.
Le processus démocratique va à l’encontre de ces vertus militaires. La démocratie induit des contrôles envers les pouvoirs, donnant à tous la possibilité d’en exercer de nouveaux, déclenchant les ambitions chez les plus humbles et les mettant sur un piédestal, cela va forcément à l’encontre de cette discipline chérie qui recommanderait de rester à sa place. Dans ses buts, comme dans ses résultats accidentels, la démocratie a toujours cherché à briser les chaînes de l’ancienne autorité, qui pourtant maintenait la société. Ainsi Clisthène, lors de la répartition des dèmes, cherche à abolir le plus possible les regroupements familiaux, de faire en sorte que le citoyen traite directement avec l’état et que ça ne soit plus médié par les familles(c’est le nom du dème qui identifie le citoyen, plus le nom de famille). Comme le dit Calliclès au début de la République, on serait tenté à moins de tricher et de dissimuler sa fraude, plutôt que d’être honnête, puisque c’est la solution optimale pour un individu : être malhonnête, pour en tirer les fruits direct, avoir l’air honnête pour en retirer les conséquences sociales bénéfiques.
On craint dès lors l’anarchie, puisqu’on attente aux fondements de la société grecque, dissolvant les solidarités traditionnelles, organiques.
La peur du désordre et de la licence
Mais dans 300 et dans le récit général des Thermopyles, quand on montre ces guerriers qui ont parfaitement métabolisé honneur et fidélité, on parle de Sparte, proverbialement connue pour sa discipline, mais pas pour sa démocratie.

Quelles conséquence aura la démocratie sur ces vertus traditionnelles ?

Athènes connaissait des difficultés. Suite à la bataille de Salamine, les marins commencèrent à prendre de l’importance dans la société Athénienne. Alors que les Hoplites et la Cavalerie d’Athènes étaient nobles/riches, les marins étaient de plus basses extraction et donc forcément moins bien éduqués, du moins dans les yeux des anciens maîtres, vous imaginez bien.

Ainsi les deux seuls passages d’Euripide qui parlent d’anarchie se rapportent à des Marins. « Anarchie » est un terme qui d’abord sert à désigner la désobéissance militaire(Illiade, II, 703 ; Hérodote, IX, 23 ; Eschyle, Suppliantes, 906 ; Platon, Lois, 942ac).
Dans Hécube, la reine dit « Dans une armée sans nombre, la foule ne connait pas de freins et l’indiscipline (anarchia) du matelot est pire que le feu ; y passe pour mauvais qui ne fait pas le mal. » (v. 606-609)
Iphigénie à Aulis, Clytmenestre dit « Je suis venue, tu vois, une femme au milieu d’une armée de marins sans loi (anarchon) hardis dans le mal, mais généreux s’ils le veulent. » (v. 915 et circa)
De la même manière, le pamphlétaire auteur de la Constitution des Athéniens(I, 2) reconnait qu’il est normal que les pauvres jouent un rôle dans la politique, puisqu’ils forment équipages et flotte, mais décrie leur indiscipline (ataxia) et leur ignorance, notant que ça s’étend jusqu’aux métèques et esclaves, qui n’en diffèrent que peu dans son esprit, apparemment.
Dans les Lois de Platon, il est également recommandé de ne pas fonder la cité en bord de mer parce que ça foutrait en l’air leurs moeurs.
En plus de ça, tout fout le camp, ma bonne dame, les jeunes n’ont plus aucun respect, les jeunes battent leurs parents, ainsi qu’on le voit dans les Nuées d’Aristophane – le poète comique, qui a la finesse et la spiritualité de South Park – le fils de Strepsiade se met à battre celui-ci en revenant de chez Socrate, arguant que les lois ayant été établies par des hommes, elles peuvent être révoquées par des hommes aussi facilement, et que puisque battu durant son enfance, il peut aussi bien rendre la pareille. Le Sophiste Thrasymaque écrivit en 411 un pamphlet au contenu similaire, la constitution des pères des Athéniens, expliquant que dans les temps, les jeunes savaient se tenir.
On voit ainsi que les vertus hoplitiques – rester à sa place, endurer, fermer sa gueule ; sont mises en péril par tous ces changements et par la licence qui s’installe, incite à tout questionner et à tout mettre sur le même niveau.
Aristophane nous montre aussi dans les Cavaliers une ville qui ne voudrait mettre à sa tête que les plus vulgaires. Après Cléon, le tanneur qui succédait à Périclès, connu pour ses gueulantes et son manque de savoir-vivre, on prend sous la plume d’Aristophane un tripier, qu’on porte au sommet de l’état en affirmant que son ignorance est le salut de la nation. Alcibiade, s’il a l’éducation et le patrimoine nécéssaire, il n’a pas la dignité associée à ses fonctions : ambitieux, vaniteux, irrespectueux, traître, tantôt aidant les Athéniens, les Spartiates, Tissapherne. L’enfant gâté d’Athènes laisse lui aussi un très mauvais goût : d’autant plus qu’il a été l’élève de Socrate.
Parlons-en, de Socrate, après tout lui aussi a été condamné pour atteinte aux moeurs, parce qu’il instillait le doute dans l’esprit, cause d’irrespect des traditions. On a déjà montré que dans les Nuées il était caricaturé en dévoyeur de jeunes. On y voit la « nouvelle éducation » consister en « tenir pour honnête tout ce qui est honteux et pour honteux tout ce qui est juste » (v. 1331-2) on blâme le relativisme moral et la perte des valeurs traditionnelle.

On le rangeait dans le même sac que bien d’autres sophistes, ainsi Protagoras qui dut fuir Athènes sur accusation d’impiété après avoir dit qu’il ne pouvait rien savoir des dieux, ni leur nature ni leur existence(fragment 4DK). Les sophistes sont donc maléfiques par leur pouvoir de propagande, après tout Strepsiade lui-même se montre convaincu par l’argumentation de son fils et reconnait son passage à tabac comme valide (v.1437) Ce souci n’est pas isolé : on craint que le maître de philosophie ne se substitue aux parents. (Xénophon, Apologie, 20)
Mais Socrate lui-même semble avoir tellement consenti aux lois, qu’il a accepté la mort qu’on lui tendait, ainsi qu’il est décrit par Platon dans le Criton : il pourrait s’enfuir, mais ne le fait pas, parce qu’il doit respect et obéissance à la Cité qui l’a éduqué (et qu’une sentence injuste ne fait de tort qu’à son corps, c’est l’âme de ses tortionnaires qui est salie).

Platon, élève de Socrate, partageait pourtant avec l’athénien moyen cette peur de la décadence et de la licence, cette peur, au fond, qui imprègne tout régime de liberté : que celle-ci se retourne contre l’état et soit usurpée par des tyrans, à force de désordre. (« Lorsqu’une cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons, elle s’enivre de ce vin pur au delà de toute décence; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie, les accusant d’être des criminels et des oligarques. »[562cd])
C’est de là que vient cette peur panique du peuple, qu’on trouve dans l’élite athénienne, et de là leurs tendances autoritaires, aristocratiques, élitistes : le peuple ne semblait pas digne de ses pouvoirs. Et ignorante, en plus, le lieu commun ne s’est pas estompé d’hier à nos jours :

  • «Plus grande est la foule, plus aveugle est son coeur.» Pindare, Néméenne, VII, 24.
  • Plutarque dans la vie de Solon fait dire à Anarchis qu’à Athènes ce sont les ignorants qui dirigent. Probablement apocryphe.
  • Constitution des Athéniens, faussement attribuée à Xénophon : la pauvreté conduit les Athéniens à des comportements infâmes que seule l’éducation aristocrate permettrait d’endiguer.
  • Aristophane attaque la vulgarité de Cléon, le tanneur qui succéda à Périclès, en écrivant dans les Cavaliers qu’on recherche un boucher. L’argumentation de la pièce, comique, dit que puisqu’il est pauvre et gueux, on devrait pouvoir en faire un bon stratège. Il proteste qu’il ne connait que peu ses lettres, on lui répond que son seul tort est de les connaître ne serait-ce qu’un peu.
  • Hérodote (III, 80) présente un débat entre oligarchie, démocratie et aristocratie, incarnées par trois personnages. Otanès le perse en fait l’éloge. Mégabyze s’y oppose car le peuple n’est pas instruit. (didaskein)
  • Fragment 200 N de l’Antiope : la foule ignorante (amathia) cause un très grand mal.
  • Les Suppliantes montre Thésée, porteur des valeurs d’Athènes et donc de la démocratie, affronter le héraut thébain qui parle de monarchie. La mise en scène favorise la démocratie. L’argument du thébain ressemble fort à celui de Mégabyze : «D’ailleurs, comment la masse, incapable même d’un raisonnement droit, pourrait-elle conduire la cité sur le droit chemin ? Le temps vaut mieux que la hâte pour nous instruire. Et un pauvre laboureur, à supposer même qu’il ne manquât d’instruction, ne saurait avoir le loisir de vaquer aux affaires publiques.»

Platon voyait de même la société s’effondrer, malgré les mesures les plus totalitaires prises dans sa République (« Il est difficile qu’un État constitué comme le vôtre s’altère; mais, comme tout ce qui naît est sujet à la corruption, ce système de gouvernement ne durera pas toujours, mais il se dissoudra » [VIII, 545e-546a]), on voyait l’aristocratie passer à la timarchie, puis à l’oligarchie, la démocratie et finalement, la tyrannie, puisque le tyran est un produit du peuple.(Tout le livre VIII décrit ce mouvement)
On connait l’argument de Platon : le pilote dirige le navire, ce n’est pas au matelot de s’en préoccuper, pareil pour la politique, c’est le fait des experts :

Imagine donc quelque chose comme ceci se passant à bord d’un ou de plusieurs vaisseaux. Le patron, en taille et en force, surpasse tous les membres de l’équipage, mais il est un peu sourd, un peu myope, et a, en matière de navigation, des connaissances aussi courtes que sa vue. Les matelots se disputent entre eux le gouvernail : chacun estime que c’est à lui de le tenir, quoiqu’il n’en connaisse point l’art, et qu’il ne puisse dire sous quel maître ni dans quel temps il l’a appris. Bien plus, ils prétendent que ce n’est point un art qui s’apprenne, et si quelqu’un ose dire le contraire, ils sont prêts à le mettre en pièces. Sans cesse autour du patron, ils l’obsèdent de leurs prières, et usent de tous les moyens pour qu’il leur confie le gouvernail; et s’il arrive qu’ils ne le puissent persuader, et que d’autres y réussissent, ils tuent ces derniers ou les jettent par-dessus bord. Ensuite ils s’assurent du brave patron, soit en l’endormant avec de la mandragore, soit en l’enivrant, soit de toute autre manière; maîtres du vaisseau, ils s’approprient alors tout ce qu’il renferme et, buvant et festoyant, naviguent comme peuvent naviguer de pareilles gens ; en outre, ils louent et appellent bon marin, excellent pilote, maître en l’art nautique, celui qui sait les aider à prendre le commandement – en usant de persuasion ou de violence à l’égard du patron – et blâment comme inutile quiconque ne les aide point : d’ailleurs, pour ce qui est du vrai pilote, ils ne se doutent même pas qu’il doit étudier le temps, les saisons, le ciel, les astres, les vents, s’il veut réellement devenir capable de diriger un vaisseau ; quant à la manière de commander, avec ou sans l’assentiment de telle ou telle partie de l’équipage, ils ne croient pas qu’il soit possible de l’apprendre, par l’étude ou par la pratique, et en même temps l’art du pilotage. Ne penses-tu pas que sur les vaisseaux où se produisent de pareilles scènes le vrai pilote sera traité par les matelots de bayeur aux étoiles, de vain discoureur et de propre à rien?
Sans doute, répondit Adimante.
Tu n’as pas besoin, je crois, de voir cette comparaison expliquée pour y reconnaître l’image du traitement qu’éprouvent les vrais philosophes dans les cités : j’espère que tu comprends ma pensée. (République, VI, 488a-489a)

C’est marrant parce que Chouard sort un argument qui ressemble mot pour mot à celui de Platon :

« Vous savez, le capitaine du navire, il faut qu’il sache naviguer alors on peut l’élire. Mais l’armateur, ce n’est pas la peine. L’expertise de l’élu ne vient pas du fait qu’il soit élu.(…) »

Euh, mais de quelle façon est-ce que les élus sont des armateurs ? Au contraire, le citoyen de la démocratie élective, c’est bien lui l’armateur, qui paie pour l’état et s’y soumet, et attend ses fruits. Bref.

De même Aristote compare médecine et politique : seul un médecin est bon juge pour un autre médecin. Ici on trouve le fondement des thèses aristocratiques estimant fondamentales l’éducation des dirigeants, ou du moins leurs mérites, leurs capacités.

Aristote tempère cela, notamment en disant que le juge d’un repas était le convive, non le cuisinier. Autrement dit, le peuple est bon juge de ses délégués.

« Chacun ne va pas devenir roi ici parmi nous les Achéens, Avoir trop de chefs ne vaut rien. Qu’un seul soit chef, qu’un seul soit roi ! » (Illiade, II, 203-205)

Mais il reste qu’on peut comprendre sans peine les échos roulés de ce vers d’Homère dans les peurs de Platon : à chaque fois qu’à Athènes une réforme d’envergure s’est faite, c’est sous la houlette d’un homme fort. Pisistrate fut le seul à achever une réforme agraire.

***

Pour conclure ce premier point.
Les contre-pouvoirs, les élections, le fait que le pouvoir judiciaire soit tenu par les citoyens — jugés aptes à rendre des verdicts — que les élus devaient rendre des comptes et que les citoyens se sentaient liés à leur cité et lui devaient obéissance (enfin, en théorie) sont des éléments bien plus déterminants à la fois pour le pouvoir du peuple et pour la santé politique d’Athènes.
Le tirage au sort n’est pas une part essentielle de la démocratie.

Je répète il avait un grand rôle dans ce régime, rôle qui n’est pas transposable à notre époque et dans nos sociétés sans dommages. Il était la conséquence d’une vision du monde donnée. On peut regretter cette vision du monde, mais on ne peut pas la ressuciter simplement en ramenant le tirage au sort.

Pour ramener le pouvoir du peuple, il est plus efficace de donner un droit référendaire.

Pour ramener l’amateurisme, il est plus efficace de promulguer de courtes durées de mandats, et surtout l’impossibilité de les renouveler et de les cumuler.

Pour contrôler les députés, il vaut mieux faciliter la levée de leur indemnité parlementaire ou donner au peuple un droit de véto sur leur action.

Il n’a un rôle central à Athènes que parce que leurs institutions sont cohérentes. Va-t-on changer notre système judiciaire du jour au lendemain et permettre à tout un chacun tiré au sort de bazarder des gens en taule ? J’en doute. Une assemblée constituante est une chose, la démocratie en toute chose, a d’autres ecueils comme le montre l’échec de l’introduction de jurés en correctionnelle.
A Athènes, les défenseurs de la démocratie semblent d’ailleurs omettre le tirage au sort dans sa définition. A les lire, il n’y a pas d’intermédiaire entre l’Assemblée grouillante et l’action de la Cité. C’est Aristote ou Platon (très peu démocrates !) qu’on cite pour dire que ça fait partie intégrante du régime Athénien :

« La démocratie advient quand les pauvres sont vainqueurs de leurs adversaires, qu’ils en tuent une partie et en exilent l’autre et qu’ils partagent à égalité entre le reste de la population l’administration et les charges, et les magistratures y sont le plus souvent attribuées par des tirages au sort » (Platon, République VIII, 557a).
« On admet qu’est démocratique le fait que les magistratures soient attribuées par tirage au sort, oligarchiques le fait qu’elles soient pourvues par l’élection » (Politique IV. 9, 1294b8). « Voici le genre de mesures qui sont démocratiques : que tous choisissent les magistratures parmi tous, que tous soient magistrats de chacun, et chacun à tour de rôle de tous, que les magistratures soient tirées au sort, ou bien toutes, ou bien celles qui ne demandent ni expérience ni compétence » (Aristote, Politique VI. 2, 1317b17-21)

Voir aussi Xénophon dans les Mémorables : «Mais par Zeus, dit son accusateur, Socrate poussait ses disciples à mépriser les lois en vigueur : il idisait qu’il était insensé de désigner par une fève les gouvernants de la cité, alors que personne ne consentirait à employer un pilote, un architecte ou un joueur de flute désigné par le sort, non plus que pour toute autre activité analogue.».
On l’a vu, Thucydide n’est même pas d’accord pour affirmer que le peuple a le pouvoir, mais bien plutôt Périclès. Euripide dans les Suppliantes fait comme si le peuple n’avait pas d’intermédiaires et contrôlait toutes institutions. Exception : Hérodote (III, 80) défendant le tirage au sort ET la démocratie comme intrinséquement liés.

La tyrannie n’aime pas le tirage au sort ? Elle n’aime pas l’élection non plus.

Un point pour Chouard : les ennemis de la démocratie, directe ou non, ont toujours attaqué le tirage au sort à Athènes (De Romily, pp.36-37) : en 411 (suppression du tirage au sort pure et simple, mise en place du conseil des Quatre-Cents, élu, qui nommait les magistrats) et en 404 (Trente Tyrans, suppression également, magistrats nommés par les tyrans). Dans les deux cas, on assiste donc simultanément à la limitation du pouvoir direct des citoyens (Ecclésia) et la suppression du tirage au sort. Vous savez déjà lequel je trouve le plus préjudiciable.
Mais qu’ils abolissent le tirage au sort n’est pas vraiment la question. Corrélation n’est pas causalité. Il est certain qu’un groupe de gens qui veulent garder le pouvoir loin du peuple vont l’empêcher d’exercer son pouvoir direct et éviter également que des postes soient tirés au sort, afin qu’ils ne perdent pas des parcelles de pouvoir au premier venu. Tirage au sort comme démocratie directe sont des ennemis de l’oligarchie. Est-ce pour autant que le tirage au sort est indispensable à la démocratie ? Si on attribuait les magistratures aux Verseaux ascendant Balance, cela serait tout aussi perturbant pour les oligarques.
L’élection serait aussi un rempart contre les trente tyrans ou le Conseil des Quatre-Cents. Les deux avaient le pouvoir d’effectuer les nominations des divers offices, qu’on le remette en main du peuple perturberait leurs plans presque aussi bien que le tirage au sort desdites charges.
Je pense que le tirage au sort est surtout un rempart contre les monopoles, et donc les oligarchies, mais pas contre l’expropriation du pouvoir du peuple. Le pouvoir peut changer de mains sans changer de nature. Le FN monte en France et vient défier le pseudo-bipartisme central de l’Assemblée, est-ce pour autant qu’on va se réjouir ?
Qu’on dise que le problème de la démocratie élective c’est la dictature de la majorité, actuellement socialiste, pourquoi pas ? Mais c’est un problème qui n’est pas propre à la démocratie élective. La Boulè aussi, constituée de tirés au sort, prenait ses décisions à la majorité, quand elle siégeait. De même qu’en démocratie directe, que ça soit lors des référendums Suisses ou des séances de l’Ecclésia. Quand un certain nombre de personnes doit prendre une décision, et que toutes leurs décisions sont d’un poids égal (l’isonomia apparemment chère à Chouard), compter est la solution la plus simple et logique pour déterminer l’issue d’un vote.
Si l’élection favorise tant les tyrans, c’est à se demander pourquoi on a annulé les suffrages algériens de 1991 lors de la victoire du FIS, pourquoi un coup d’Etat a récemment renversé Morsi, élu en Egypte.
Parce que le peuple veut mettre des islamistes au pouvoir et que les oligarques américains de « l’Empire » veulent l’empêcher ?
Tiens donc, la volonté populaire différerait de celle des élites, et des élections le montreraient ?

Deuxièmement, le tirage au sort a toujours eu une valeur religieuse.

«Dans les épopées homériques, notre premier texte conservé*, le tirage au sort est attesté pour le choix des jeunes gens qu’on envoie à la guerre ou fonder une colonie, selon une pratique fréquente dans le monde entier à toutes époques, ou encore, dans la guerre, pour le choix d’un champion qui se battra au nom de tous. Comment, à Troie, en l’absence d’Achille retiré sous sa tente, choisir le plus valeureux des Achéens, qui affrontera Hector en combat singulier ? On jette dans un casque des sorts inscrits (klèroi), on les secoue, ce que décrit le vers formulaire : « Ils prirent les sorts et les secouèrent dans un casque armé de bronze » (Iliade III, 316 = XXIII, 861, cp. Odyssée X, 206). On prie les dieux : « Les troupes se mirent à prier et levèrent les bras vers les dieux » (Iliade III, 318 = VII, 177). Alors un sort saute hors du casque (jamais plus d’un !) et désigne le champion.
Plus important encore est le tirage au sort en matière successorale, comme le montre la polysémie du mot klèros, non seulement « sort », mais « lot, apanage ». En l’absence de droit d’aînesse, la fratrie est un cas particulier de la difficulté qu’il y a à trancher entre des égaux. Un adjectif composé homoklaros « au même lot » est un synonyme poétique de « frère ». Le modèle est donné par les trois principaux dieux, les trois frères Zeus, Poséidon et Hadès. Comment départager ces égaux par excellence ? La supériorité de l’âge (qui peut en revanche jouer son rôle dans la transmission des statuts) ne saurait intervenir, une supériorité d’ailleurs fragile dans la mythologie, car, si Zeus est l’aîné dans l’Iliade (XIII, v. 355), il est le cadet dans la Théogonie (v. 137). C’est donc un tirage au sort qui a attribué les apanages de chacun (Iliade, XV, v. 185-193). Un exemple humain particulièrement célèbre est celui des frères d’Antigone. La cité de Thèbes est profondément divisée après le décès de son roi, Œdipe. La Reine Jocaste (ou bien Epicaste) tente de mettre fin à la querelle de ses enfants Etéocle et Polynice. Un fragment du poète Stésichore retrouvé dans un papyrus de Lille présente la solution qu’elle leur propose (PMGF I, n° 222b, v. 219-228) : « Que l’un ait les demeures [auprès des sources de Dircè], et qu’il y habite, et que l’autre s’en aille avec tous les biens et l’or [de son père] chéri, celui qui le premier, en secouant les sorts, obtiendra cette part, par la faveur des Moires ». La mère joue un rôle d’arbitre et, avec le devin Tirésias, détermine des parts à tirer au sort, sous la protection des « Moires », les divinités du partage. Une autre version de la légende veut que Polynice et Etéocle aient accepté d’exercer à tour de rôle la royauté à Thèbes, selon un processus d’alternance bien attesté dans l’antiquité, mais qu’Etéocle, le premier à avoir exercé le pouvoir, ait refusé de le rendre à son frère, ce qui conduisit Polynice à prendre les armes pour revenir dans sa patrie.» (Demont)

La note renvoie à P. Demont, « Lots héroïques : remarques sur le tirage au sort de l’Iliade aux Sept contre Thèbes », Revue des Études Grecques, 113, 2000, p. 299-325.
«Pourtant, le tirage au sort des magistrats par les thesmothètes avait lieu « dans le sanctuaire de Thésée », selon un orateur attique (Eschine, III, 13)»(Ibid.)
Platon, dans le régime mixte des Lois, maintient le tirage au sort, renforcé de l’invocation des dieux :

« C’est pourquoi il est nécessaire d’utiliser l’égalité du tirage au sort pour éviter l’hostilité du grand nombre, en demandant quant à nous à la divinité et à la bonne fortune, dans ce cas aussi, de redresser le sort dans le sens de la plus haute justice ; c’est ainsi qu’il faut utiliser nécessairement à la fois les deux sortes d’égalité, tout en limitant au minimum l’emploi de la seconde, qui utilise la fortune » (757e2-758a2)
«Pour le sacerdoce, on laissera le dieu lui-même indiquer ses préférences en les tirant au sort, ce qui reviendra à s’en remettre à la fortune divine.»(Lois, 759b)

Il rappelle cela lorsqu’il incite à ne garder de terre que ce que le sort a alloué :

«Vous n’auriez pour alliés ni le sort ni qui a fait le partage et qui est un dieu, ni le législateur»

On voit que Platon justifie le tirage au sort parce qu’il provient des dieux, qu’on prie pour qu’ils prennent la bonne décision, et quand bien même ça viendrait des dieux, sages et bons, c’est invoqué pour dissiper l’hostilité (mieux vaut une décision aléatoire qu’une décision qui scinderait la communauté) et ça doit être réduit au minimum.

Il y a avait donc dans l’usage du tirage au sort l’idée que les dieux allaient choisir le meilleur candidat possible, en tout cas chez Platon.
Hansen considère la théorie mal fondée, parce que notre seule source, bien périphérique, est Platon et qu’il distingue lui même entre l’élection des prêtres et des représentants du peuple.
Quasiment tout a un lien avec la religion dans une cité qui semble n’avoir brisé l’iségoria uniquement quand des philosophes s’attaquaient aux dieux. (Socrate et peut-être Protagoras)

En réalité Hansen dit simplement

  1. que la théorie de l’origine religieuse manque d’éléments (aucune source avant 430) mais l’ « argument du silence » ne suffit pas pour la rejeter.
  2. que rien n’indique que pour les Athéniens du Ve et IVe, les dieux soient extrêmement impliqués dans le tirage au sort et que leur intervention était invoquée ou nécessaire.
  3. Les magistrats étaient soumis à la docimasie, ce qui n’est pas vraiment un hommage à l’omniscience des dieux.(p. 75)
  4. Les Athéniens eux-mêmes ne savent pas comment leurs magistrats étaient choisis aux Vie et VIIe siècle.
  5. Les magistrats de l’époque archaïques étaient probablement élus, comme l’étaient les archontes jusqu’en 487/6 et les Stratèges en 501, il semble improbable que Solon ait fait tirer au sort le polémarque, charge qui demandait des compétences militaires. (p.77)

Il reconnait lui-même que le tirage au sort religieux était pourtant une pratique courante en Grèce (p.75) Ce qu’il rejette étant que le tirage au sort des prêtres ne montre pas de lien apparent avec le tirage au sort des magistrats.

L’hypothèse n’est pas tant que Platon est un morceau du VIIe s. encore ambulant au IVe, ni que l’origine – impossible à connaître – du tirage au sort est forcément et intrinséquement religieuse, mais qu’elle avait des connotations profondément religieuses, comme le serment des Héliastes, comme les docimasies, c’est le culte des dieux communs qui soude la cité. Mais que dans un monde où le tirage au sort semble avoir été, dès Homère, associé avec la décision divine,  dans un monde qui demandait à la Pythie de choisir entre deux urnes, dans un monde qui lisait dans ses mythes que les héros étaient choisis par le sort,  il parait difficile d’imaginer que cela n’a eu aucune résonance.

Si l’on considère cela, ça signifie que le tirage au sort était pour eux une élection, mais où, dans une certaine mesure, seuls les dieux votaient. Le hasard ne peut se prévaloir d’une telle clairvoyance.

Que cela soit interprété comme démocratique au Ve, c’est une autre histoire.

Troisièmement, il n’est pas inconditionnel et avait pour les charges les plus importantes des critères censitaires.

«Dans la cité que veut fonder Platon, les « astynomes », au nombre de trois, sont d’abord choisis par élection, sur proposition de tout citoyen, mais seulement parmi la plus haute classe censitaire, et ensuite, parmi les six qui obtiennent le plus de voix, trois sont tirés au sort (763 e). La part du tirage au sort est minime, tant le tirage au sort, pour reprendre l’expression qui qualifiait la réforme de Solon, est effectué à partir d’un groupe restreint de gens préalablement choisis.(…)» (Demont)

C’est terrible. On pervertit le tirage au sort par un triage préalable des candidats, quel vilain ce Platon. Sans doute que c’était un riche.

C’est pourtant ce dont il s’est agit à Athènes pendant longtemps.

Et sur des critères explicitement liés à la fortune personnelle et aux opinions politiques.

Chouard dit que la docimasie n’évaluait pas les capacités politiques, qu’on estimait aller de soi. (Hansen aussi, p. 255) Néanmoins, ça me parait jouer sur les mots. Si on peut exclure quelqu’un au motif qu’il s’est compromis avec un régime oligarque (E.g. en 404, malgré le décret d’amnistie de 403) c’est simplement qu’on estime que “ne pas être oligarque” est une capacité nécessaire à l’exercice du pouvoir. Chouard considère le système électif comme inique et pour ainsi dire, source de tous nos maux. Est-ce à dire que des chouardiens chargés d’effectuer des docimasies excluraient du pouvoir toute personne soupçonnée de sympathie avec la démocratie élective ?
Le candidat devait également, durant sa docimasie, jurer qu’il faisait partie des trois premières classes censitaires, du moins jusqu’en 457/456
«Rappelons seulement que les klèrôtèria avec inscriptions honorifiques qui ont été étudiés par les archéologues américains datent non pas de la période classique, mais de la période hellénistique, d’une époque où le nombre des tribus athéniennes a été étendu à douze et où le régime politique pouvait être un régime censitaire, et ne donnant accès aux magistratures qu’à une élite sociale.» (Demont) De même, les archontes étaient tirés dans les deux, puis les trois, premières classes censitaires, donc les plus riches.

«[le tirage au sort originel] ne pouvait pas avoir le sens « démocratique » qui lui fut accordé ultérieurement : il s’agissait du choix de neuf archontes parmi 40 citoyens de bonne naissance préalablement désignés sur critères censitaires et électifs dans la population athénienne (10 pour chacune des 4 « tribus » archaïques d’Athènes). Le tirage au sort est ici, comme dans l’épopée, un moyen de sélectionner un champion ou plusieurs champions parmi un groupe qui est lui-même issu de la sélection des « meilleurs ».

Il s’accommode fort bien d’institutions aristocratiques. C’est l’élargissement de la base sur laquelle il est effectué qui lui donna un caractère démocratique. Ce caractère n’était d’ailleurs pas encore total, un siècle et demi après Solon puisque, la population athénienne étant divisée en quatre classes censitaires, seules les deux classes les plus riches fournissaient, par tirage au sort, les archontes jusqu’en 457/456, date à laquelle la troisième classe, mais non pas la quatrième (qui n’y eut jamais accès), put elle aussi être tirée au sort (Aristote, Constitution d’Athènes, 26. 2).»
Autrement dit, le tirage au sort départageait ici des riches élus. So much for lumpenproletariat.

Mogens Hansen mentionne que la quatrième classe, les thétes eut finalement accès à l’archontat, de façon, on s’en doute bien, minoritaire. On a un exemple de théte archonte. C’est un peu comme si on disait que les Etats-Unis ont une politique d’égalité raciale sans tache, juste parce qu’Obama a été élu et réélu président. (après tout, lui même admet ces disparités)

Le tirage au sort vise à tirer des gens entre des égaux, nous dit-on. Dès l’instant où il y a des critères, cela montre que l’isonomia athénienne n’avait qu’une valeur de jure. Tous les citoyens sont égaux, mais seuls certains peuvent prétendre aux magistratures et aux stratégies, les plus riches.

Ploutocratie ou la cité Double

On peut bien prétendre que le tirage au sort est un remède contre le poids de la richesse en politique, il n’empêche qu’il a parfaitement coexisté avec des régimes qui pratiquait ouvertement une discrimination censitaire envers ses citoyens.
Le candidat devait également, durant sa docimasie, jurer qu’il faisait partie des trois premières classes censitaires, du moins jusqu’en 457/456. (Aristote nous informe que l’on se contentait de ne pas avouer qu’on était Thète lors de la séance (Constitution des Athéniens, 7.4) et que celui sur lequel le sort tombait gardait la charge quoi qu’il en soit. (7.5)

Et c’est peut-être parce que les riches étaient utiles à Athènes. La richesse confère du pouvoir, et ça peut être utile à la ville. Basiquement, Athènes échangeait des honneurs contre de la thune. Ainsi les liturgies. L’eisphora était un impôt sur la fortune, distinguant les plus riches, tout comme l’obligation d’effectuer des liturgies (leiturgia). S’il y a des chances que les deux se recoupent et touchent les mêmes personnages, elles ne sont pas équivalentes.

Eisphora

Impôt sur les plus aisés, qui touchait aussi bien les métèques. Il pouvait être levé exceptionnellement en temps de guerre, par exemple(proeisphora).

Liturgies ( ἡ λειτουργία)

On demandait d’un riche personnage de sponsoriser soit une fête, soit un bâtiment de la flotte, pour économiser les deniers de l’état. (Hansen, pp.140-145) Ainsi la chorégie, dans lequel le riche contribuable, dénommé chorège (chorègos) devait pourvoir aux répétitions du choeur des dithyrambes, comédies et tragédies donnés aux fêtes d’Athéna, Dionysos et Appolon. La trièrarchia, par contre, consistait à acheter et entretenir – partiellement à ses frais — un bateau. Les stratèges ou les archontes désignaient ceux qui devaient officier. Pas de docimasie pour les charges liturgiques mais des euthynai, puisqu’ils devaient bien, en plus de leur argent utiliser de l’argent public.(ibid. p. 141)

Il existait également des liturgies moins prestigieuses (et sans doute moins onéreuses), telles que la gymnasiarchie (ἡ γυμνασιαρχία), pour l’entretien des gymnases et le financement des concours athlétiques, ou l’estiasis (ἡ ἑστίασις) qui couvrait les frais de banquets.

A l’issue de leur liturgie, les triérarques et chorèges sortants devaient, comme les magistrats, se soumettre au contrôle de l’euthyna, procédure de reddition des comptes, bien qu’ils n’aient, en principe, utilisé que leurs fonds personnels(CNDP, droits et devoirs du citoyen)

Il y avait environ 100 liturgies par an. On peut s’imaginer à quel point Athènes avait besoin de ses riches.
Autre exemple, anecdotique, en 444, Périclès a proposé une rénovation des temples, abîmés par la guerre. L’Assemblée fut rebutée par le prix. Périclès dit alors qu’il paierait de sa poche, mais qu’alors son nom seul figurerait au fronton. Ne voulant pas laisser l’honneur pour lui seul, les Athéniens lui accordèrent finalement de piocher dans le trésor public. Pensez-vous vraiment qu’un thète ou même un zeugite aurait pu prononcer une menace pareille ? La richesse restait un atout politique majeur.
Platon divise le salaire politique entre l’argent et les honneurs.(République, 347a) Athènes savait rendre ses riches utiles, et leur faire dépenser leur thune contre des honneurs, mais prétendre qu’ils n’avaient pas d’impact majeur sur sa politique serait risible.
S’il est aujourd’hui admis que la plupart des citoyens participaient ici ou là à la vie politique, les quelques qui avaient le temps de s’y consacrer pleinement étaient riches. (Les Guêpes d’Aristophane, cité plus haut l’illustre bien)

L’exemple de Bâle, plus proche de nous.

Il n’empêche que les riches s’accomodent très bien d’un peu de tirage au sort. Il suffit de regarder Bâle après 1715 et Venise, par exemple. (cf. Cordano&Grottanelli)
Dans la première, la crise politique qui éclate en 1691 entre les familles riches et certaines des corporations conduit en 1718 à l’instauration du tirage au sort pour certaines fonctions. Nous sommes en présence d’un mélange caractéristique entre tirage au sort et élection, le corps électoral étant divisé par le sort en trois ou six groupes, qui chacun nomme un candidat, avant qu’un second tirage au sort soit effectué entre ces candidats pour désigner le titulaire du poste. S’agissant de Schaffhouse, Roland Hofer indique qu’en 1688-1689, « les corporations se rebiffèrent contre les tendances absolutistes du gouvernement en s’en prenant surtout à la monopolisation progressive du pouvoir par le Petit Conseil. Le mouvement aboutit à une démocratisation de l’accès aux charges publiques (désormais pourvues par tirage au sort) et à l’abolition de l’impôt sur la fortune pour les bourgeois de S[chaffhouse] (jusqu’en 1798) ».(…)

Ici également, l’objectif principal est de combattre la corruption des élites, mais le tirage au sort demeure réservé aux citoyens les plus riches puisque l’accès à une magistrature entraîne généralement des frais élevés pour la personne qui en a la charge. (…)

Comme dans les cités oligarchiques, l’introduction du tirage au sort dans les cantons démocratiques s’accompagne de la fermeture plus ou moins complète de l’accession à la bourgeoisie, donc à la citoyenneté (…)

William Martin met en garde son lecteur : « Il ne faut pas s’y tromper toutefois. Ces résistances n’eurent pas, en général, un caractère démocratique, dans le sens qu’a pris ce mot depuis la Révolution. Elles visèrent moins à la réforme des abus qu’à leur extension ». Il ne parle pas des pratiques de tirage au sort, mais son analyse permet d’avancer une explication possible du recours renouvelé à ce mode de sélection pour désigner les magistrats des cantons dont nous venons de parler. »

(Chollet, pp. 2-5)

Abolition de l’impôt sur la fortune ? Fermeture de l’accession à la citoyenneté ? Très anti-élites, tout ça.

Il ne s’agit pas là de faire en sorte que des magistrats, sans trop de pouvoirs, soient issus de la totalité du peuple à tour de rôle, mais au contraire, de foutre les charges dans les mains d’un riche tiré au pif, pour éviter de mécontenter les autres riches. Le manque de contrôle sur le résultat fait qu’il n’y a plus de coupable à blâmer, pouf.

Isocrate ne voulant pas passer pour un ami de l’oligarchie, affirme que justement le tirage au sort peut désigner des alliés de l’oligarchie alors que l’élection permet au peuple d’éviter ça.(op. Cit. §23)

On peut bien prétendre que le tirage au sort est un remède contre le poids de la richesse en politique, il n’empêche qu’il a parfaitement coexisté avec des régimes qui pratiquaient ouvertement une discrimination censitaire envers leurs citoyens.

Maintenant, comparez ces faits avec des énormités telles que celle-ci :

“Nous disposons de 200 ans d’expérience et de résultats FACTUELS pour chacune des deux procédures : le tirage au sort a été testé pendant 200 ans, au Ve et au IVe siècle avant Jésus-Christ, et l’élection a été testée pendant également 200 ans environ, depuis la fin du XVIIIe siècle.
Quels sont les faits intéressants qui ressortent de ces deux expériences de longue durée ? Eh bien, pendant 200 ans de tirage au sort quotidien, les riches n’ont jamais gouverné, trop peu nombreux pour être majoritaires, et LES PAUVRES TOUJOURS.
Au contraire, pendant 200 ans d’élection, les riches ont toujours gouverné, malgré leur petit nombre, et LES PAUVRES JAMAIS.” – Etienne Chouard

Deux siècles sans que les riches dirigent, bien entendu, si l’on excepte leur présence démesurée dans les tribunaux et la haute société, les classes censitaires, les quinze ans de Périclès, etc.
Dire que les riches n’ont jamais dirigé pendant 200 ans, c’est purement et simplement faux et laisse simplement songeur : Chouard a-t-il lu les livres qu’il cite dans sa bibliographie ?

Quatrièmement, les gens tirés au sort étaient des fonctionnaires, non des législateurs.

« Les Athéniens tiraient leurs magistrats au sort pour être sûrs qu’ils ne seraient pas les pilotes de l’État (…). Dans une démocratie, la volonté de limiter le pouvoir des magistrats s’associe avec celle de faire servir tout un chacun à son tour en qualité de magistrat » (Mogens Hansen, p. 275). Les bouleutes devaient préparer des probouleuma, des espèces de lois préliminaires pour que le peuple les vote, mais ils n’en avaient pas l’initiative, ils étaient censés parcourir le peuple et le sonder sur ses velleités. Le slogan disait bien « meden aprobouleumaton » – « rien sans probouleuma » pour marquer l’importance de la procédure, mais en aucun cas ils ne détiennent le pouvoir législatif.

Pareil pour les jurés, qui sont en fait des juges. Pareil pour tous les magistrats qui sont tous tirés au sort, ils ont des fonctions, et très peu de pouvoir, ce sont des fonctionnaires en définitive. Précisément parce que quelqu’un de tiré au sort, on va pas lui donner des pouvoirs extraordinaires, ce serait absolument idiot. Le tirage au sort diminue les pouvoirs des gens tirés et les fait rentrer dans la routine, leur donne une fonction précise, monotone.

Qui faut-il placer dans cette catégorie ? Dans la Constitution d’Athènes, Aristote établit une liste de fonctions qui pourrait nous satisfaire mais, dans la Politique, il indique qu’on doit aussi compter au nombre des magistrats les membres du Conseil des Cinq-Cents, ce qui contredit l’affirmation de Démosthène qui, de son côté, distingue clairement les magistrats des bouleutes. En outre, Aristote écrit dans le même ouvrage qu’il ne faut pas appeler magistrats tous les fonctionnaires qui exercent une charge publique, et exclut par exemple les prêtres, les chorèges et les crieurs publics, alors qu’ un peu plus loin, il parle explicitement des « magistrats religieux » et que dans la Constitution d’Athènes il met au rang des magistrats les ἱεροποιοί, « hiéropes », chargés des sacrifices expiatoires. Chez le même auteur, la frontière entre « magistrat » et « fonctionnaire » n’est donc pas très nette. Pour simplifier, nous parlons ici de tous les citoyens désignés pour remplir une des dix fonctions publiques définies au livre VI de la Politique :

  • le contrôle du commerce
  • le génie civil
  • la police
  • les finances
  • la justice
  • l’application des peines
  • la défense
  • l’ inspection
  • la présidence des assemblées
  • la religion

(CNDP)

Reste à savoir si nous voulons complètement changer de paradigme et tirer tout employé de l’Etat au sort, mais j’en doute.
La présidence des assemblées est une intendance, qui avait cependant des répercussions, certes, le pouvoir judiciaire diffère effectivement du fonctionnaire ordinaire, tout comme la religion en l’occurrence, mais il est clair et net qu’aucune de ces personnes n’est censée, si on excepte les nomothètes, promulguer des lois.
Tirer au sort un législateur n’a rien à voir avec le fait de tirer au sort un compteur de grains. Or, Chouard veut faire écrire la constitution par des tirés au sort, et c’est le prochain point.

Cinquièmement, ce que Chouard veut faire n’a rien à voir avec cet amateurisme politique

Chouard l’admet, même :

Il ne faut pas oublier qu’en démocratie, ce ne sont pas les tirés au sort qui ont le pouvoir (on les appelait des « magistrats »), c’est l’Assemblée du peuple en corps qui exerce la plénitude du pouvoir politique. Les tirés au sort ne servent qu’à exécuter les tâches que l’Assemblée ne peut pas assumer elle-même : par exemple, la préparation et la publication de l’ordre du jour, l’exécution des décisions de l’Assemblée, l’organisation matérielle du tirage au sort, de la reddition des comptes, etc. Il oublie les nomothètes, part importante de la moitié de la période démocratique, mais passons.
Il admet qu’un tiré au sort ne devrait pas avoir de pouvoir PUIS il dit qu’il faudrait leur faire écrire la constitution.


N.b. Chouard commence par mentionner ici que cette Assemblée Constituante « peut être élue » à condition de ne pas faire partie du pouvoir en place, vile oligarchie, mais il ajoute « certains insistent fortement pour désigner les Constituants par tirage au sort ». Et affirme finalement cette nécessité. Après sa rédaction, elle serait votée par le peuple dans son entier.


Le raisonnement de Chouard est simple (très) : les élus sont de riches corrompus, cela installe le pouvoir dans la durée, ils piquent dans les caisses, tous pourris, etc. Donc forcément, à aucun moment ils ne vont promulguer de lois qui les empêcheraient de trafiquer et d’extorquer de l’argent. C’est pour ça que ça continue. Parce que la constitution a été écrite par des pourris comme eux.

Donc il faut que quelqu’un d’autre écrive la constitution, pour les empêcher de faire ce qu’ils veulent.

Donc il faut qu’on tire une Assemblée au sort, suivant ce qu’Athènes nous a appris sur le tirage au sort, pour qu’ils réécrivent la constitution de manière saine.

Sauf que ce n’est absolument pas ce qui se passait à Athènes.

On a parlé de cet « amateurisme politique » soit, mais justement, il visait à donner à des citoyens des fonctions dans lesquelles ils n’avaient pas de marge de manoeuvre et devaient se contenter d’exécuter la volonté populaire, sans broncher et sans fantaisie. Là on parle de réécrire la constitution, donc le texte législatif le plus important qui soit. Il n’y a pas plus de pouvoir que cela.
Ce sont là les nomoi du IVe s. à Athènes : les lois que les décrets courants du peuple ne peuvent pas enjamber, les limites de son pouvoir.
Il n’y a absolument aucune commune mesure entre « accomplir une tâche donnée en tant que fonctionnaire » et « écrire la constitution » pourtant Chouard veut nous faire croire que l’un découle forcément de l’autre.

Or, à Athènes, à chaque fois qu’il y a eu une réforme, un changement important ça se passait comment ?

Regardez Solon, Dracon, Clisthènes, Ephialtès, Périclès : Un homme fort ralliait tout le monde et faisait un compromis avec les oligarques pourris, parce qu’Athènes avait besoin d’eux. Rien à voir avec ça et rien de très démocratique.

En outre « on réécrit la constitution » mais si n’importe qui était en mesure de l’écrire (puisqu’on parle de les tirer au sort) ne serait-il pas plus intelligent de simplement nous dire ce qu’on devrait y mettre dans cette constitution, pour qu’elle soit un rempart de vertu ? Et comment, magiquement, cela mettrait fin à ces abus. C’est un pur procès d’intention : les élus n’ont aucun intérêt à se réformer et donc leur lois seront pourries et ne les limiteront pas. Alors que non, ils en ont un d’intérêt, celui d’avoir l’air moins pourris, par exemple ? C’est pour ça qu’ils ont voté le non-cumul des mandats et que Cahuzac a démissionné Alors que non, il y a des lois qui doivent empêcher la corruption. On ne se pose pas la question de quelles lois devraient les limiter, on postule simplement qu’ontologiquement il est impossible pour eux – quelles qu’elles soient – de les promulguer.
On ne juge ici que des intentions.

Si on me donnait le choix je préférerais passer un référendum d’initiative citoyenne, le non-renouvellement des mandats, bref, tous les remèdes aux reproches en chair et en os plutôt que de simplement dire « prenons des gens du peuple, ils ne sont pas corrompus alors ils écriront la constitution parfaite ». Plutôt que de prendre le risque imbécile et sans garantie de faire écrire une nouvelle constitution par les premiers venus, en supposant qu’ils seront aussi vertueux que moi, ou auront la même vision de la vertu, je préférerais des mesures concrètes.

Sixièmement, Athènes privilégiait l’efficacité sur la démocratie.

Ca ne vous choque pas qu’on promeuve la liberté de parole puis l’ostracisme, presque dans la même phrase ?

Ca ne vous choque pas que sept cents familles soient bannies par Ephialtès ? Je veux dire, si vous me laissez bannir des gens sans limite de nombre, moi aussi, je peux parvenir à une cohésion sociale sans problèmes.
L’ostracisme n’est pas démocratique : il consiste à priver un citoyen de ses droits et a, comme on le pense bien, été instrumentalisé par tous les bords pour se débarrasser de ses ennemis politiques. Par contre il était efficace.
Qu’on supprime un râleur, un mécontent, un dangereux, hop, plus de problème, on peut continuer à faire exactement ce qu’on faisait avant, sans plus se soucier des fortes têtes.
Pareil pour le tirage au sort : il ne me parait pas tant démocratique, mais il est drôlement pratique, pour plusieurs raisons :

  1. Ca limite le temps perdu. Si on devait élire, en plus des stratèges, taxiarques et autres magistratures militaires, les 500 bouleutes, les sept cents fonctionnaires, etc. on se perdrait dans des campagnes politiques fastidieuses, surtout quand il s’agit de désigner dix mecs qui s’occuperont de compter le grain. Qu’on les tire au sort limite le temps à investir à réfléchir à qui serait le plus doué pour compter des grains.
  2. Ça prévient les conflits de légitimité. C’est un moindre mal. Quand un type est élu avec 52% des suffrages, il y a 48% de mécontents, qui ont une légitimité presque aussi grande que celle du nouvel élu. Quand on est tiré au sort, on n’a pas de légitimité du tout, et donc pas de quoi pinailler après coup. Le sort étant l’arbitraire par excellence, ces décisions ne peuvent pas être mises en doute. On ne peut pas se plaindre de n’avoir pas eu d’impact dessus puisque c’était un peu le concept. cela fait taire les mécontents en leur ôtant toute influence sur le résultat.

Je ne pense pas que ça augmente le pouvoir du peuple. Au contraire, ça lui enlève toute influence sur l’élu. Mais c’est pratique en ce que ça fait cesser les chamailleries des matelots qui veulent prendre le volant.
Je n’ai rien contre l’efficacité, mais un résultat semblable a été achevé par la Suisse, simplement en faisant élire les plus hautes instances de l’Etat, le Conseil Fédéral par le parlement.
Des élus parmi des élus et par des élus, mais comment voulez-vous faire plus oligarque que cela ? 
Et pourtant, le président est un primus inter pares, les conseillers fédéraux sont des hauts fonctionnaires et bien malin qui parvient à se rappeler qui est, cette année, président de la confédération, tant sa fonction est symbolique.
Et nous avons d’ailleurs refusé récemment d’élire les conseillers fédéraux au suffrage universel. Nous préférons un compromis, mais qui nous permet de penser à autre chose et qui fait effectivement tourner le pouvoir en s’assurant qu’il reste représentatif de la distribution des partis.
Et ça marche super bien.
Mais ce n’est pas parce que le tirage au sort met le pouvoir à notre portée qu’il marche, c’est, comme pour l’élection du conseil fédéral, parce qu’il l’éloigne.

Septièmement, ça n’a pas empêché la professionnalisation :

Malgré l’amateurisme voulu ou aidé par le tirage au sort :

  1. Les lois se sont compliquées, et le peuple a dû commencer à faire voter les lois par des nomothètes, prémâcher les décrets par les bouleutes, les corriger par des thesmothètes et à parfois s’embarrasser quand, malgré ces précautions, ils promulguaient par inadvertance des lois contraires, aboutissant à un nombre important de graphé para nomon procédures en illégalité.
  2. Malgré le fait que les juges et jurés soient des citoyens normaux, les accusés se faisaient quasiment tous aider d’un rhéteur pour écrire leurs plaidoiries au tribunal.
  3. L’Heliée ne fonctionna pleinement que quand elle fut rémunérée.
  4. Les professions de rhetores et les strategoi se sont toutes deux professionnalisées. Les stratèges (alors que Chouard semble fantasmer sur les athéniens miliciens qui défendent leur cité) devenant des mercenaires, des condottieri. Et les rhéteurs, fortes gueules de l’Assemblée, se raréfiant forcément de par la perfection de l’art oratoire.

Ne jugeons pas les intentions mais les résultats.
Justice, Lois, Armée, Politique, toutes aux mains des citoyens, dérivèrent naturellement vers des spécialistes.
Tout ça pour ça ?

Nomoi, ou le futur

 

Bibliographie

Toutes les illustrations ont été réalisées par moi, Lays Farra, pour une exposition dans le cadre du Fécule 2013, illustrant la République de Platon. Elles sont disponibles dans leur intégralité ici.

Ouvrages de référence :

  • F. Cordano et C. Grottanelli, Pubblico sorteggio e cleromanzia : alcuni esempi ,Università degli Studi di Milano, 2001.
  • Hansen, Mogens H., La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Belles-Lettres, Paris, 2003.
  • Mossé, Claude, La démocratie grecque, MA éditions, Paris, 1986.
  • De Romilly, Problèmes de la démocratie grecque, Herman, coll. Agora, 1998.

Ressources internet

Sources antiques :

(Provenant principalement de remacle.org)

Andocide

  • Sur les mystères

Aristote

Platon (trad. Victor Cousin)

Plutarque

Thucydide :

Xénophon


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Commentaires

Une réponse à “Contre Chouard”

  1. […] Commons, on construit un cauchemar incohérent. Il n’est déjà pas très doué. Comme certains autres réactionnaires qui font semblant de lire des vieux bouquins de temps en temps, il n’a pas l’air de […]

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